Chapitre 3 : L'éveil

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Le dîner se passa dans le silence le plus complet. Will toucha à peine son plat, aida sa mère à débarrasser et fila dans sa chambre. Elle jeta son sweat-shirt et enfila un débardeur. Elle avait terriblement chaud. Les mèches de ses cheveux s'emmêlaient sur son front poisseux. En proie à un violent vertige, elle se rattrapa au dossier de sa chaise. Elle inspira brutalement par la bouche pour chasser la vague de nausée naissante. D'une main tremblante, elle ouvrit le flacon de ses nouveaux médicaments et prit trois cachets.

Elle alla jusqu'à la petite salle de bain de sa chambre. Dans le miroir, elle se découvrit sous ses longs cheveux noirs tombant sans aucune grâce devant son visage. Son teint était encore plus pâle que d'habitude. Elle passa une main sur son visage, affaiblie. Ses yeux bleus étaient ternis par la fièvre et rouges de fatigue. Elle ouvrit le robinet et passa de l'eau fraîche sur ses joues avant de s'allonger dans son lit. Le plafond tournait au-dessus d'elle telle une toupie. La pleine lune brillait intensément, illuminant toute la pièce. La sueur roulait le long de son front et son cœur battait d'un rythme frénétique dans sa poitrine. Elle ferma les yeux.

L'instant d'après, elle marchait dans la nuit noire. La pluie tombait malgré le ciel presque dégagé, mais cela ne la gênait pas. C'était même plutôt réjouissant, car cela couvrait les bruits de pas. Elle était dans une forêt et avançait à pas de loup, s'enfonçant davantage à chaque enjambée. Elle s'arrêtait de temps en temps, levait les yeux au ciel et inspirait profondément. Une énergie vivifiante transperçait son corps de part et d'autre, l'attirant dans une direction. Elle continua alors sa route pour déboucher dans une petite clairière. Des cristaux étaient dispersés en forme de pentacle. En son centre, une jeune fille agenouillée récitait d'étranges paroles. Un éclair zébra le ciel, suivi du grondement sourd de l'orage. Will se plaça derrière la fille et leva une main gantée.

Isa, dit-elle d'une voix glaciale qui n'était pas la sienne.

Un froid mordant sortit de sa paume et s'abattit sur la fille. Un hurlement de douleur s'éleva dans les airs tandis que la victime se tordait de douleur sous la glace meurtrière. Will pouvait sentir les os de cette fille se fissurer, obéissant à son ordre silencieux. Le bijou autour de son cou se brisa et tomba dans l'herbe molle.

— Will !

La voix de Mme Lewis la ramena à la réalité. La forêt s'évanouit, le froid disparut pour laisser place à la chaleur du foyer et l'obscurité de la maison.

Will battit des paupières et prit conscience de son environnement. Elle se trouvait dans le salon, debout face à la porte d'entrée. À l'air fatigué et las de son père, Will comprit qu'il devait être très tôt.

— Je retourne me coucher, dit-il.

La porte de sa chambre claqua derrière lui. Mme Lewis croisa les bras autour de sa taille, désemparée. Will comprit alors.

— Je l'ai encore fait ?

Sa mère hocha la tête après un moment de silence. La gorge de Will se noua. Elle savait que le fossé s'était creusé davantage. Le fond ne devait pas être bien loin maintenant.

Edward Banker parcourait les rues malfamées de Boston. Il pleuvait des cordes ce jour-là, ce qui rendait sa traversée insupportable. La chaleur de la fin de l'été ajoutait à cette sensation de malaise, formant des volutes de brume au-dessus du sol brûlant d'asphalte. Tout autour de lui, les immeubles dévastés par la pauvreté, branlants et à peine habitables, s'étendaient à perte de vue.

Edward resserra le col de son manteau autour de son cou et ajusta son chapeau avant de poursuivre ses recherches. Il devait forcément être ici.

Il s'engagea dans une rue sinueuse et fit un pas de côté de justesse pour éviter un vélo qui arrivait à vive allure. Les deux jeunes hommes à son bord lui crièrent des insultes, leurs voix résonnant dans les rues désertes. Edward ne se retourna même pas. Il devait garder en tête son objectif et se faire le plus discret possible. Si le Conseil savait où il se trouvait et pourquoi, il ne donnait pas cher de leur peau à tous les deux.

Les sorcières de BlackstoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant