Les sorcières de Blackstone

Chapitre 16 : Sortir de ses gonds

Les deux semaines qui précédèrent le bal d'Hiver s'écoulèrent lentement. Trop lentement. Will était folle de rage envers Charles. Il avait disparu depuis des jours et l'avait laissée entre les mains d'Edward et de Hellawes, au clan. Elle passait ses journées à trier les ingrédients que les enchanteurs rapportaient pour les potions et à étudier de nouveaux sortilèges. Non pas que cette dernière partie lui déplaisait, mais elle préférait nettement lorsqu'elle était dehors, avec lui, à essayer ses pouvoirs sur son environnement.

On lui avait dit de se méfier de lui. Elle lui avait accordé sa confiance. Elle s'était même mise à l'apprécier, à se sentir bien à ses côtés. Tout ça pour qu'il lui tourne le dos à l'instant même où son don ne s'était pas avéré efficace. Il n'a plus besoin de moi, pensa-t-elle sombrement.

Un jour où Hellawes partait du manoir pour aider Edward aux préparatifs du bal, Will la retint par le bras.

— Attends, je peux peut-être t'aider pour le bal ? Pour n'importe quoi, je t'en prie. Je vais devenir folle si je reste ici seule une minute de plus.

Hellawes lui adressa un sourire compatissant.

— Nous ne sommes pas contre des mains supplémentaires ! Il y a tant à faire !

Elle activa le portail du manoir. Le voile lumineux et précieux flottait dans un espace hors du temps. Lorsqu'elle traversa le portail, Will s'attendait à se retrouver au clan. Quelle ne fut pas sa surprise de sentir un air différent sur sa peau et de nouvelles odeurs ! Le bruit d'une chute d'eau couvrait le chant de quelques oiseaux joyeux. Le soleil réchauffait la terre humide et ses rayons se cachèrent derrière une immense bâtisse de pierres blanches. C'était un château dominant sur une falaise. Des chênes se dressaient autour de l'enceinte de pierre, décorés de petites guirlandes de lumières. Un chemin de torches menait jusqu'à l'entrée de la cour principale.

Will ne pouvait s'empêcher de sourire. La magie l'émerveillera toujours. Au loin, elle vit des sorciers s'affairer à accrocher des lanternes, des décorations et autres banderoles festives.

Hellawes lui accorda un regard complice.

— Bienvenue à Eldaskáli, Will.

— C'est magnifique ! Où sommes-nous exactement ?

— Quelque part dans la Drôme, en France. Les paysages magnifiques ont attiré nos ancêtres. Ils y ont bâti l'Eldaskáli afin que tous les sorciers de toutes les nationalités du monde puissent se réunir. Le bal d'Hiver est un des évènements que nous menons ici. Cette année, c'est à Blackstone de l'organiser. Je te laisse imaginer la pression qu'Edward a en ce moment.

Elle guida Will dans la grande salle de bal où elle aida un groupe de sorcières à placer diverses décorations fleuries. À travers la baie vitrée de la réception, elle voyait la fin de la falaise et les grandes chutes d'eau s'enfoncer dans la terre. La brume s'élevait du fracas de l'eau contre la roche chaude. Le soleil couchant sur ce paysage rendait le tout absolument magnifique.

Si Charles ne revenait pas, elle se débrouillera seule. Elle s'en sentait capable à présent.

Les doigts fins de Grinsec pianotèrent le bureau sur lequel se trouvait Will, la tirant de sa rêverie.

— Un peu plus de concentration, jeune fille, aboya le professeur. Reprenez, voulez-vous ?

Will bascula avec agacement les mèches qui barraient son visage et pointa sa baguette vers son adversaire. Le sorcier dénommé Gregory affichait toujours aussi clairement son mépris envers elle. Il leva sa baguette et attendit qu'elle lance le premier sort.

— Thurisaz ! s'écria-t-elle.

— Ingwaz !

La rune en forme de losange se déploya devant lui et brisa le sortilège offensif avec une efficacité remarquable. Elle baissa les épaules. Elle était pourtant certaine que son sort était puissant.