Chapitre 4 : Les choses

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— Vous avez un dossier scolaire bien rempli, Miss Lewis.

M. Stevens, le proviseur du lycée de Blackstone-Millville, ressemblait à un oignon avec sa tête ovoïde et sa calvitie camouflée par trois mèches de cheveux aplaties sur son crâne. Du haut de ses un mètre cinquante, il dardait Will d'un œil suffisant.

— Merci.

— Ce n'était pas un compliment.

Son ton sec signalait qu'il valait mieux ne pas répliquer. Il ajusta ses lunettes rectangulaires et lut à haute voix :

— « Actes de délinquances, bagarres, violences dans l'établissement, absentéisme ». Vous avez là un somptueux pedigree. Il ne vous manque plus que le vol et nous aurons notre championne.

— Je n'ai pas fait la moitié de ce qui est écrit.

Mme Lewis lorgna sa fille d'un long regard. Will croisa les bras. C'était plus fort qu'elle. Elle n'était pas responsable de tout ceci.

— Ma fille est gravement malade, monsieur le proviseur. Elle suit actuellement un nouveau traitement avec le Dr Perkins dont vous avez les coordonnées. Nous sommes certains qu'elle ira beaucoup mieux.

— Mme Lewis, mon établissement possède une réputation que je dois défendre. Je dois dire que lorsque j'ai reçu le dossier de votre fille, j'ai longuement hésité à l'intégrer. Et ce ne sont pas les nombreuses conversations que j'ai pu avoir avec mes collègues qui ont joué en votre faveur.

Will se retint de lever les yeux au ciel. Il l'insupportait déjà. M. Stevens ferma le dossier d'un coup sec.

— Ce qui m'a convaincu de l'accueillir chez nous, c'est la situation désespérée que traverse votre famille. J'ai été dans l'armée, voyez-vous ?

— Ah, vraiment ?

Mme Lewis buvait ses paroles. Peut-être faisait-elle semblant d'apprécier cet homme pour qu'il ferme les yeux sur son dossier ? Will essaya de s'imaginer le proviseur Stevens à l'armée. Son regard s'arrêta sur la bedaine qui sortait de son pantalon. Non, elle ne pouvait pas y croire.

— Tout à fait. J'étais lieutenant, 36e régiment de l'armée de terre. La fermeté et l'excellence, madame. Je vais mettre à profit tout ce que j'ai pu apprendre de mes années à l'armée pour que votre fille puisse à nouveau marcher dans le droit chemin.

Les yeux de Mme Lewis brillaient d'espoir. Elle joignit ses mains devant ses lèvres et renifla.

— Oh, mon Dieu, c'est le Ciel qui vous envoie !

Will s'empêcha de soupirer. Rester impassible devant tant de simagrées lui était très difficile. M. Stevens se redressa de sa chaise et se pencha vers elle. Elle pouvait sentir son eau de Cologne bon marché d'ici.

— Quant à vous, Miss Lewis, je vous conseille de ne pas faire de grabuges dans mon établissement si vous ne souhaitez pas m'avoir sur votre dos jusqu'à la fin de l'année scolaire.

Il ferma le bouton central de sa veste de costume et indiqua la sortie d'un geste élégant à Mme Lewis.

— Je ne vous retiens pas, madame. Vous devez avoir un milliard de choses à faire. Ne vous inquiétez pas, Willow est entre de bonnes mains.

La porte s'ouvrit sur une jeune fille à la chevelure blonde ondulée. Son ravissant minois rappelait ceux des félins avec ses longs traits sensuels et ses grands yeux bleus. Elle portait autour du cou une chaîne d'or rehaussée d'une pierre naturelle rouge. Pendant un moment, Will crut que la pierre brillait.

— Vous m'avez appelé, M. Stevens ?

Sa voix était pure et cristalline. Elle caressait les oreilles de Will et réchauffait ce climat trop glacé. Même le proviseur se détendit à son entrée.

Les sorcières de BlackstoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant