Le Manoir

Chapitre 20

Le jeune homme adressa un regard navré à Victoria, tandis que les pas se rapprochaient d'eux. La lumière s'arrêta juste au-dessus du massif de fleurs, aveuglant Victoria. Le jeune homme, vaincu, se redressa.

-Tom, Tom, Tom...

Victoria reconnu la voix de Poellek. Mais il lui semblait plus grand, plus jeune, plus musclé que la dernière fois qu'elle l'avait vu, quelques heures auparavant.

-Retourne à l'intérieur, veux-tu ?

Les épaules tombantes, résigné, Tom obéit. Poellek se tourna vers Victoria. Il souriait, mais son sourire n'avait décidément plus rien de rassurant.

-Alors ça y est, tu as compris ?

C'était plus une affirmation qu'une question. Il avait dû lire le livre. Tout le livre, contrairement à Victoria qui avait allègrement sauté le passage sur son séjour au manoir avant ses derniers instants.

-Je dois dire que l'idée était bonne. Faire venir un personnage au Manoir avant la fin de l'histoire, c'était inédit. Ça permettait à Steve d'avoir la main sur ce qui allait se passer. Il a presque réussi d'ailleurs. Il avait élaboré un super plan.

Poellek sourit encore. Victoria ne l'écoutait pas. Son cerveau tournait à cent à l'heure. Monsieur était l'auteur des romans de la vitrine. Elle était un personnage de roman. À la fin de chaque histoire, les personnages viennent au manoir. Et visiblement ne peuvent pas en sortir. Sauf Victoria, puisque son histoire à elle n'était pas terminée. Elle pouvait encore la changer. Pour cela, il fallait que Monsieur écrive une fin différente. Et qu'elle lui apporte le ruban d'encre pour la machine à écrire. Ruban qui se trouvait dans la poche de Poellek. 

Comment ? En utilisant son pouvoir récemment découvert. Son pouvoir marchait-il dans les deux sens ? Pouvait-elle faire ressentir aux autres ses propres émotions ? Ou n'importe quelle émotion qu'elle désire leur transmettre ? Pourrait-elle rendre Poellek triste à en être aveuglé par ses larmes ? Ou suffisamment de bonne humeur pour qu'il décide de la laisser partir ? Ou encore l'apaiser au point de ralentir son coeur et ses réflexes ? Puis prendre le ruban et courir à toutes jambes. Était-ce seulement réalisable ? Elle n'avait jamais essayé avant.

Poellek ne l'avait pas quittée des yeux, toujours souriant. Tentant le tout pour le tout, Victoria attrapa le poignet de Poellek.