Chapitre 2

163 31 145
                                    


Je finissais mon deuxième muffin lorsque dix-neuf heures trente sonnait. Le café allait bientôt fermer. Steve somnolait dans son fauteuil et Gabriel s'était finalement assis, puis assoupi sur l'épaule d'Aaron. Greg ne cessait de se frotter les yeux, étalant davantage le maquillage. Nous étions tous fatigués, mais pas résolus à rentrer.

— Et si nous dormions là ? plaisanta soudain Gabriel.

Aaron se mit à rire. Les deux ainés et rappeurs s'entendaient à merveille. Lors du casting, ils avaient ressenti un bon feeling. Ils s'étaient soutenus avec ferveur pendant l'entrainement. Leur alchimie sur scène plaisait énormément aux fans, à la presse également. De nombreuses rumeurs courraient sur eux. Ils ne s'en plaignaient pas, ne faisaient rien pour les démentir, se montrant tactiles et ambigus à la moindre occasion. Cela faisait partie du rôle qui leur était assigné en rejoignant le groupe.

Une fois, lors d'un concert, Gabriel avait « accidentellement » posé sa main sur les fesses d'Aaron alors qu'il rappait. Les fans avaient hurlé à s'en déchirer les cordes vocales. Monsieur Karl encourageait le comportement des deux rappeurs. Après tout, tant que l'on parlait de nous, en bien ou en mal, l'agent approuvait. Steve les taquinait souvent à ce sujet, mais les rappeurs ne laissaient paraître aucune réaction. Aaron jouait distraitement avec les cheveux rosés de Gabriel qui s'était allongé sur ses genoux.

— La couleur a beaucoup dégorgé, lui fit remarquer le leader.

— Je sais, mais je n'ai pas le courage de la refaire.

— Dixit la personne qui a deux coiffeuses, fit remarquer Greg.

Gabriel aimait être indépendant et faisait ses colorations seul, au grand désarroi de Monsieur Karl et des coiffeuses. Le tout était réalisé pendant un live Instagram, ce qui plaisait aux fans.

— Tu devrais colorer tes cheveux platines, Aaron ! Le rose se marierait à merveille avec tes yeux noisette.

— Tu veux que mes cheveux tombent ?

Les deux hommes éclatèrent de rire. Les décolorations successives avaient abimé les cheveux du leader. Même notre coloration était déterminée par la maison de disques. La discussion se poursuivit jusqu'à ce que je me lève.

— Où vas-tu ? s'enquit Steve.

— Aux toilettes. Je reviens d'ici dix minutes.

Je descendis avec prudence les escaliers. Fabian et Dylan étaient assis sur des chaises, mises à disposition par le patron, de chaque côté de l'escalier, guettant le moindre geste des jeunes gens installés dans le café. Fabian se leva immédiatement lorsque je passai à côté de lui. J'eus beau lui assurer que je ne risquais rien en allant aux toilettes seul, il ne lâcha pas le morceau et me suivit après avoir donné ses instructions à Dylan.

Je me sentis mal à l'aise lorsqu'il entra avant moi et vérifia que tout était en ordre avant de sortir et de m'attendre devant la porte. Je choisis la première cabine, la deuxième étant occupée.

Une fois ma vessie soulagée, je m'approchai du lavabo pour me laver les mains. Un homme se trouvait déjà devant les vasques. Comme il me tournait le dos, je ne voyais que ses cheveux noirs mi-longs. Ils avaient une texture étrange : grasse et filasse. L'inconnu se tourna lorsqu'il entendit le talon de mes bottes sur les dalles. Quelques mèches brouillaient sa vue, il les repoussa d'un mouvement brusque de la tête.

Il semblait totalement hagard. Sa tête se balançait de la droite vers la gauche par à coup saccadés, donnant l'impression d'un pantin désarticulé. Une certaine folie se lisait dans ses prunelles brunes. Un sentiment de peur me paralysa un instant, je me sentis pris au piège dans cette petite pièce. Mon malaise s'intensifia quand mon regard se posa sur le tatouage en forme d'oiseau sur sa gorge. Un frisson descendit ma colonne vertébrale alors que l'inconnu souriait, révélant des dents jaunâtres. Ses yeux me détaillaient, brillant d'envie. Il semblait affamé d'autre chose que de la nourriture.

Enlevés par les DisciplesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant