Chapitre 28

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J'émergeai de mon sommeil tourmenté lorsque les sectaires nous amenèrent à manger. Ma tête me semblait lourde, je ne parvenais pas à organiser mes pensées désorientées. Nous gardions tous le silence, encore sous le choc de l'éveil. Steve se balançait d'avant en arrière, le regard perdu dans le vide. Aaron s'était perdu dans ses souvenirs tandis que Gabriel jouait distraitement avec ses cheveux. Greg s'était plongé dans un état de méditation pour oublier ce qui venait de se produire. Et moi, je les regardais sans prendre le temps d'identifier mes émotions. Je gardais le regard fixé sur tout et sur rien, attendant que le temps s'écoule.

Je sursautai lorsqu'un fanatique posa un repas devant moi. Encore éprouvé par ce que je venais de vivre, je lui lançai un regard à la limite de la fureur. Bien sûr, la peur était tapie au fond de ce tissu de colère, mais je la maquillais. L'homme maintint un instant mon regard avant de me tapoter le haut du crâne. J'eus un mouvement de recul qui ne lui échappa pas. Il essaya de me tenir le menton, mais je réussis à le mordre jusqu'au sang. Je ne supportais plus que ces gens me touchent, cela me dégoûtait et me rendait agressif. Je ressemblais à un animal blessé. Il lâcha un petit cri et s'éloigna rapidement de moi. Je crachai à ses pieds avec toute la hargne dont j'étais capable. L'épuisement physique et mental avait brisé toute ma retenue et faisait ressortir mon caractère violent.

La victime tenait sa main contre sa tunique blanche qui s'imbiba du liquide carmin. Au travers de son masque, j'apercevais ses yeux bruns où se reflétait un étonnement certain. Je me retins de l'insulter alors qu'il quittait la pièce. Aaron, Steve et Gabriel m'observaient avec effarement, ne comprenant pas ce qui venait de se passer. La peur, mêlée à cette subite colère, me donna envie de hurler. Sans m'en rendre compte, je tirais sur la chaîne comme un forcené.

— Daniel, calme-toi.

La voix calme de Greg s'éleva. Elle me sortit du tourbillon d'émotions dans lequel je me noyais. J'inspirai profondément, ma colère sembla s'apaiser, remplacée par un vague sentiment de peur. Les prunelles grises de Why m'enjoignaient à la sérénité et je me sentis rassuré par leur éclat familier. Je posai une main sur mon cœur et y enfonçai mes ongles - un vieux réflexe que j'avais adopté chez les Moslow lorsque je me sentais dépassé par la situation.

— Dan... Je ne te savais pas si... commença Steve.

— Agressif ? Impulsif ? tentai-je.

— Imprévisible, compléta-t-il.

Je lâchai un long soupir. Peut-être devrais-je leur expliquer ma jeunesse et l'agressivité qui l'avait rythmée jusqu'à ce que je me retrouve devant le juge des mineurs. À part Greg, je n'avais jamais jugé utile de le révéler. Avec DNA, je tournais une page, je voulais laisser cette partie de ma personnalité derrière moi. Les Moslow l'avaient déjà suffisamment réprimée pour qu'elle reste calme, resurgissant de temps à autre lorsque la colère prenait le dessus. Mais ici, enchainé dans cette cave, j'eus envie de libérer ce côté sauvage qui sommeillait au fond de moi. Alors je décidai de parler et de leur expliquer.

— Je n'ai pas toujours été ce chanteur timide et sage, murmurai-je.

— Ne t'inquiète pas, on se doutait bien que tu étais un peu... extraverti, sourit Steve.

Son sourire était si enjoué que je sentis mon cœur se serrer. Nous vivions ensemble depuis sept ans, mais nous ne nous connaissions finalement pas aussi bien que voulaient le montrer les médias. Constater cela me brisa davantage le cœur.

— Non, pas extraverti.

Aaron fronça les sourcils tandis que Steve inclinait la tête.

— Alors qu'est-ce que tu voulais dire ? creusa Gabriel.

Enlevés par les DisciplesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant