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« Tout le monde n'est pas fait pour être parent. »
C'était Peter qui m'avait dit ça un soir à Garland où j'étais venue dormir chez lui après que ma mère m'avait foutue à la porte après une dispute. Je devais avoir quinze ans pas plus. Je lui avais expliquée ce qu'il s'était passé. Elle avait fermée ma chambre à clé pour que je ne puisse pas y dormir cette nuit, ce qui m'obligeait à dormir sur le vieux canapé, tout ça parce que j'avais oubliée de vider le lave-vaisselle pendant qu'elle était « au travail ». Je m'étais mise en colère et ça avait dégénéré. Les objets qui étaient sous nos mains avaient volés dans les airs. Elle m'avait lancée un vieux vase que j'avais esquivé alors elle m'avait attrapée par le bras et m'avait collée une violente claque sur la joue. Je me rappelle ne pas avoir pleurer sur le moment. En revanche, les larmes étaient sorties chez Peter quand ce dernier mettait de la pommade sur l'énorme bleu que j'avais sur ma pommette.
À cette époque, mon meilleur ami venait de perdre sa mère d'un cancer du sein. Il s'était retrouvé seul avec son frère Nelson qui avait treize ans et son père qui avait fait une dépression.
Sa mère était japonaise. Quand la mienne devenait un peu trop violente et que je venais me réfugier chez eux, elle me préparait toujours des plats typiques japonais, sachant que j'adorais ça. J'avais été extrêmement touchée par l'annonce de son cancer et encore plus par celle de sa mort. J'aimais aussi beaucoup son père. Il m'accueillait toujours à bras ouverts quand je demandais à venir dormir chez eux. Le voir dans cet état après la mort de sa femme m'avait brisé le cœur, d'autant plus qu'il délaissait complètement ses deux fils. Peter avait très vite prit la responsabilité de Nelson. Il l'aidait à faire ses devoirs, il lui faisait à manger ainsi qu'à son père et plus encore.
À cette époque, nous étions un soutien fondamental l'un pour l'autre. On échappait à nos problèmes en sortant le soir en douce avec nos skates. On dépassait les cités puis on rejoignait la ville pour aller au skatepark. C'est là que nous nous sommes fait la plupart de nos amis, mais aujourd'hui je n'ai plus aucun contact avec eux. Seul Peter est resté depuis mon enfance.
— Moi j'le sens pas, affirma Peter au téléphone après lui avoir expliquer toute l'histoire du mail. C'est beaucoup trop louche.
— Ma tante m'a dit que c'était lui, les infos qu'il me donne sont précises d'après elle.
— Ouais je pense aussi, mais je maintiens le fait que c'est pas intelligent de foncer dans le tas.Allongée sur mon lit, le haut-parleur activé, j'écoutais Peter et son instinct me
dire que c'était une mauvaise idée d'aller tenter de chercher plus loin.— Peter, fis-je d'un ton ferme en roulant sur le ventre, je sais pas si tu te rends comptes qu'on parle de mon père.
— Je crois que je m'en rend plus que compte. C'est un étranger Rachel ! Même si vous partagez le même sang, ça reste un inconnu.
— Je savais que t'allais me faire la morale. J'ai plus dix-sept ans, je me jette plus dans la gueule du loup sans réfléchir et je-
— Je te fais la morale parce que, justement, t'es en train de jeter dans la gueule du loup sans même t'en rendre compte, soupira-t-il.
— Ok, alors tu ferais quoi à ma place ? Tu laisserais ta chance de rencontrer ton père te filer entre les doigts ?Il ne répondit pas tout de suite.
— Je peux pas m'imaginer à ta place.
— Exactement. Peter, tu sais très bien que si cette histoire tournait au vinaigre, tu serais l'un des premiers informés.Il souffla dans le combiné.
— Promet moi que si tu te trouves en danger, t'arrêtes tout, fit-il d'un ton catégorique.
— T'es sérieux là ?
— Rachel.
— Ok ok. Promis.
— Et tu me tiens au courant de chaque nouvelle, ok ?
— Ok.
— Promet-le.
— On n'a plus huit ans.
— Promet-le j'te dis.
— Promis, soufflais-je d'exaspération.Je pouvais aisément deviner son sourire satisfait derrière son portable.
Peter avait toujours été attaché aux promesses. Même encore aujourd'hui, il faisait promettre aux gens de tenir leur parole. Je pense que c'est car son père lui a mainte et mainte fois promis de ne plus boire au moment de la perte de la mère de Peter. Il avait fallu attendre un an et demi pour que cette promesse se réalise. Depuis cet événement, il a constamment besoin d'être rassuré quant aux intentions des autres et dort sur ses deux oreilles seulement si on lui a fait une promesse.
Et j'ai toujours tenue mes promesses envers lui.
Pourtant je craignais que cette fois-ci, ma promesse soit un mensonge.
Nous finîmes par raccrocher et je descendais pour rejoindre Maddie qui était dans le salon, attablée avec une pile de papiers devant elle.
— Tu fais quoi ?
— Je vérifie si tout est bon pour le mariage... Pourquoi ? fit-elle en levant finalement les yeux vers moi.Je m'asseyais en face d'elle et tapotais nerveusement des ongles sur la table. Elle le remarqua.
— Pourquoi ? répéta-t-elle.
— J'ai eu Peter au téléphone il y'a cinq minutes.
— Oh, comment va-t-il ?
— Ça va, il se remet de sa rupture avec Naïa et il continue ses études dans l'informatique.
— Super alors.Elle baissa à nouveau les yeux sur ses papiers. Je patientais quelques instants avant de reprendre:
— Je lui ai parlée du mail et je voulais son avis.
— Ah oui ? Il a dit quoi ?
— Il le sent pas, soupirais-je.
— Tu m'étonnes, fit-elle en haussant les épaules.Je la dévisageais un instant.
— Comment ça ?
— Je peux être honnête ?
— J'attend que ça.
— Je suis pas super à l'aise à l'idée que tu pousses la chose plus loin. Je suis sûre que c'est ton père mais-
— Justement. C'est mon père. C'est exactement ce que je disais à Peter tout à l'heure. C'est probablement ma seule chance d'en savoir plus sur d'où je viens, qui je suis, expliquais-je en soupirant, Maddie, pendant vingt-deux ans j'ai toujours sentie qu'il me manquait quelque chose en plus d'un père... Genre une partie de moi.C'était à son tour de me dévisager et je me sentais soudainement bête d'avoir pu croire que les personnes les plus proches de moi pourraient comprendre. Ni Laken, ni Peter, ni Maddie ne comprenaient. Ils connaissaient tout les trois leurs deux parents.
— Rach-
— Laisse tomber Maddie, c'est pas grave.Elle me suivit du regard alors que je haussais les épaules et rejoignais les escaliers.

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Twenty-Two (TOME 2)
JugendliteraturRachel a maintenant vingt-deux ans. Jeune adulte épanouie, elle a su prendre son envol et travaille dans une boîte de nuit luxueuse de New-York pour payer ses études de cinéma. Son passé ne semblait plus qu'être une mauvaise histoire et un souvenir...