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— Eline ? Tu peux me dire ce qu'ils foutent là ?

Il était six heures du matin, nous étions un groupe de voyageurs à attendre le car tandis que le soleil commençait tout juste à se lever et la brune avait dégainée son téléphone pour photographier le ciel.

— Mmh ?

Elle tourna le regard vers moi puis vers Laken et Jackson qui arrivaient vers nous avec leur valise.

— Je leur ai dit de venir. sourit-elle. Coucou les gars !

Elle leur fit de grands signes de la main tandis que je redoutais les premières paroles de Laken.

— Pourquoi tu m'as pas prévenue ?
— Parce que t'aurais pas voulu qu'ils viennent. Sauf que je sais que Lak' aurait piquée une crise s'il savait qu'on était parties entre fille et puis ben... j'étais obligée de proposer à Jack aussi.

Je lâchai un soupir alors que les deux hommes arrivaient à notre hauteur.

— Content de te voir aussi blondasse ! lâcha Jackson avec un sourire bourré de sarcasme.
— Vous allez bien ? nous demanda Laken en me jetant un regard.
— Le réveil était dur mais ça va. Et vous ? répondit Eline.
— Ça va aussi... Rach', on peut parler ?

J'avais l'impression d'avoir à faire un parent en colère.

— Oui.

Je le suivis alors un peu plus loin, laissant Jackson et Eline ensemble alors que j'avais l'impression de longer le couloir de la mort.

— Pourquoi t'as embarquée Eline dans tes histoires ? lâcha-t-il de but en blanc.
— Parce que c'est la seule qui a accepté de m'aider. déclarai-je sur le même ton.
— Et tu t'es pas demandée pourquoi tout le reste de ton entourage était contre le fait que t'ailles voir ton père ?
— J't'en pris Lak', commence pas.
— Je commence rien du tout ! J'ai juste l'impression de répéter et répéter la même chose en boucle et tu comprends toujours pas !
— Et moi je comprend pas pourquoi t'es venu si mes histoires comme tu le dis si bien te posent problème ! T'as qu'à rentrer chez toi, j'te tiendrais au courant !

Je sentais mon cœur s'emballer, se tortiller dans ma poitrine, comme s'il essayait de se dégager de cette situation.

— T'es sérieuse ?

J'avais les yeux rivés dans les siens. Non je ne l'étais pas, je voulais qu'il vienne avec moi.

— J'en sais rien. Si c'est pour que tu sois sur mon dos comme tu l'es actuellement, alors oui j'suis sérieuse. Si non, tu sais que t'es le bienvenu avec moi.

Il ne répondit pas de suite, sa mâchoire était serrée. Il leva le regard de mon visage pour regarder dans mon dos. Il attrapa le manche de sa valise.

— Le car est là. On y va.

Il rejoignit le groupe qui commençait à charger le véhicule de leurs affaires.

J'avais la gorge sèche tout en le suivant. Par nature, je n'aimais pas les conflits. J'avais pris l'habitude d'associer les disputes au degrés d'amour qu'on me portait. J'avais ce schéma dans mon esprit, me montrant que plus j'entrai en conflit avec quelqu'un que j'aimais, plus son amour diminuait à mon égard, comme une sorte de jauge; et je blâmais entièrement ma mère pour ce traumatisme qui me suivait encore aujourd'hui.

Me disputer avec Laken me coûtait très cher. Et j'avais cette impression irrationnelle qu'il commençait à ne plus vouloir de moi. À me détester à chaque faux pas que je faisais.

Je ravalai mes larmes qui menaçaient de couler misérablement sur mes joues et fourrais ma valise dans la soute avant de monter, mon petit sac de voyage sur l'épaule pour m'installer à côté de Jackson.

— Ça va ? me demanda-t-il alors que je m'attachais.
— Oui, pourquoi ?

Eline et Laken étaient assis devant nous et regardaient quelque chose sur le téléphone du blond.

— C'est vrai ce mensonge ?
— Juste stressée. avouai-je avec un faible sourire.

Il me regarda un instant.

— C'est normal, ça doit être éprouvant l'idée de rencontrer son père pour la première fois.

Je hochais frénétiquement la tête et détournais les yeux vers le contrôleur qui vérifiait nos billets; premièrement pour éviter d'éclater en sanglot au milieu du bus et deuxièmement pour esquiver le regard de Jackson.

Quand le contrôleur passa, le brun se pencha vers moi et chuchota:

— Je me doute bien qu'il n'y a pas que l'histoire de ton père qui y est pour quelque chose. Tu me crois assez bête pour ne pas savoir que tu viens de te disputer avec Laken ?

J'avalai ma salive et hochai une nouvelle fois la tête. J'étais fatiguée, cette dispute m'avait drainée de mon énergie déjà basse et j'étais à deux doigts de craquer au milieu d'une cinquantaine de personnes.

— Viens là, chuchota-t-il en passant son bras autour de mes épaules et en me rapprochant timidement de lui.

Je posai ma tête sur son épaule et fermai les yeux tout en lâchant une longue expiration, comme si j'avais retenu tout cet air depuis des années.

— Tu peux dormir si tu veux. m'assura-t-il.
— Je t'interdis de me prendre en photo, fis-je doucement en tentant une note d'humour, les yeux toujours clos.
— Tu verras à ton réveil.

Je lâchai un léger rire avant de m'installer plus confortablement sur son épaule et de me laisser bercer par le car qui entamait sa longue route vers le Texas.

~

— Rachel ? T'as faim ?

J'ouvrais un œil pour voir Eline retournée vers moi, sourire aux lèvres avec un sandwich à la main. Je regardais rapidement l'heure sur mon téléphone; voyant qu'il était midi, j'acceptai et la remerciai.

— Tu viens de taper un coma de cinq heures sur moi. m'informa Jackson en grignotant des chips.
— T'avais qu'à pas proposer. souris-je alors que je déballais le sandwich que m'avait préparée la brune.
— Tu t'es reposée ? me demanda cette dernière en se tournant vers nous.

J'acquiescai avec un léger sourire. Mon regard se posa sur le dossier de Laken devant moi qui ne parlait pas.

— L'un des contrôleurs nous a dit qu'on ferait une pause dans une heure pour se dégourdir les jambes. m'informa Eline.
— Il serait temps, j'ai vraiment mal au cul, déclara Jackson, En plus j'osais pas bouger quand la elle tapait son coma sur moi.

Il ria légèrement alors que je levai les yeux au ciel, mon sandwich toujours à la main.

Pendant tout le temps où nous mangions, Laken ne décocha pas un seul mot. Je n'aimais pas qu'il me donne le traitement du silence. J'avais l'impression de revenir à l'âge de six ans, quand je devais supplier ma mère de me donner l'attention que devait avoir un enfant de cet âge alors qu'elle m'ignorait délibérément après une bêtise que j'avais commise. Ma mère était la source même de mon incapacité à maintenir une relation paisible. J'avais réussis jusqu'ici à contrôler l'intrusion de mon passé sur mon présent mais depuis que mon père m'avait écrit, je me rendais bien compte que mes disputes avec ceux qui me tenaient à cœur étaient plus fréquentes, plus violentes. Comme si mes traumatismes m'avaient laissée une marge d'avance pour au final me rattraper avec une facilité minable. Il ne m'avait fallut que d'un simple mail pour que toute ma vie soit de nouveau chamboulée et ne retrouve plus le chemin que je lui avais tracé. Ma vie n'était qu'un jeu de dominos avec lequel on s'amusait à mettre debout en ligne chaque petite pièce pour au final, d'un seul coup de pouce, tout foutre en l'air.

J'étais faible.











You drew stars around my scars
But now I'm bleeding

— cardigan, Taylor Swift

Twenty-Two (TOME 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant