Chapitre 20

574 42 7
                                    

A I D A N 



Je bâille une énième fois en appuyant ma tête contre la vitre de l'autobus. Nous avons été contraints de prendre ce moyen de transport lorsque nous avons appris ce matin en arrivant à la gare, que le train que nous étions censés prendre pour rentrer ne pourrait pas circuler avant trois bonnes heures en raison d'un problème mécanique. Cela fait environ une heure que nous roulons sur l'autoroute et Olivia a laissé tomber sa tête sur mon épaule depuis dix minutes. Elle est profondément endormie. C'est comme si elle n'avait pas dormi de la nuit. Est-ce possible ? De mon côté, je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit, trop occupée à essayer de comprendre ce qu'il se passait dans ma tête, dans mon corps, dans mon être tout entier en réalité. Il m'est impossible de me défaire de cette tension qui règne entre Olivia et moi depuis cette fameuse soirée, où tout a commencé. Je ne comprends pas pourquoi et je ne trouve aucune solution pour remédier à ce problème. Son souffle chaud vient se poser contre ma clavicule, et je me sens soudainement serré dans mon jean. Bordel. Mon regard se pose sur son visage, ses traits sont reposés et doux, elle est si belle qu'on dirait un ange. Merde, mais depuis quand est-ce que je pense comme ça ? Il est grand temps que je me trouve une nana à baiser ce soir. Ça doit faire trop longtemps, c'est forcément ça. Une secousse l'a fait se décoller de moi, et, à croire que j'aime me faire du mal, j'entoure ses épaules de mon bras pour la ramener contre moi. Elle bouge un peu, mais ne se réveille pas pour autant.

L'autobus s'arrête dans une autre gare routière et la moitié des passagers descendent tandis que d'autres prennent place à bord. Une vieille dame aux cheveux grisâtres rassemblés dans un chignon tout fin s'arrête à notre hauteur et nous regarde en souriant.

— Vous formez un très beau couple, c'est rare de nos jours de croiser de jeunes gens qui vont si bien ensemble, dit-elle à mon attention.

Je lui souris, ne sachant pas quoi répondre, mais elle ne semble pas en attendre une puisqu'elle continue son chemin jusqu'à l'avant pour quitter le véhicule à son tour. Je hume le parfum d'Olivia, une odeur fruitée qui a le don de me faire totalement perdre la tête. Je soupire, je dois réellement m'éloigner de cette fille. Si elle n'était pas endormie, je serais capable de lui sauter dessus là, au milieu de tout ce petit monde.

Lorsque l'autobus freine doucement pour se garer devant la gare d'Édimbourg, je secoue légèrement Olivia qui ne semble pas avoir envie de se réveiller. On peut dire qu'elle a le sommeil lourd, je suis sûr qu'un tremblement de terre ne la réveillait même pas.

— Aller, on se réveille princesse, je murmure dans son oreille. On est arrivé...

Elle gigote et finit par se redresser lentement en s'étirant.

Elle regarde autour de nous et constate les sourcils froncés que nous sommes les derniers à bord, puis me regarde l'air un peu perdu.

— On est arrivé il y a un peu plus de dix minutes, je lui explique.

Elle opine et bondit sur ses pieds.

— Attends, dit-elle en se passant une main sur le front. J'ai vraiment dormi durant tout le trajet ?

— Il faut croire que tu en avais besoin...

— Tu aurais dû me réveiller, tu t'es sûrement ennuyé à mourir pendant tout ce temps...

— Ne t'en fais pas, je me suis occupé.

— Désolée, ça n'a pas dû être le voyage le plus exaltant que tu aies fait, dit-elle en baissant les yeux.

— Au contraire, dis-je en descendant du bus après elle.

Je sors nos valises de la soute tandis qu'Olivia part remercier le chauffeur pour le trajet. Je ne comprends pas pourquoi elle tient tant à le remercier, il n'a fait que son job... Quand elle me rejoint, j'attrape sa main et l'entraine avec moi à travers le parking. Mon père doit nous attendre, je l'ai appelé avant de partir pour qu'il vienne nous chercher même si Madame n'a pas arrêté de me rabâcher qu'elle pouvait rentrer en tram. Mon père nous accueille en souriant poliment. Il ne m'a pas tant pris la tête quand je l'ai appelé pour lui dire que mes fiançailles étaient rompues.

— Olivia c'est ça ? dit-il.

— Oui c'est bien ça Monsieur Kingsley... rétorque-t-elle l'air timide.

Je charge le coffre de la Porsche en silence et, une fois tout le monde installé dans la voiture, mon père démarre. Il ne m'a pas dit un mot, ce qui n'augure rien de bon. Je sais qu'il est en colère à propos des fiançailles. Peut-être que je l'ai déçu ? J'ai manqué une semaine de boulot pour rien, je lui ai laissé tout le travail...

— Olivia, où doit-on te déposer ? demande-t-il en jetant un coup d'œil dans le rétroviseur intérieur.

— Elle vit dans le même immeuble que Ty, je réponds.

Mon père opine et ses lèvres s'étirent des deux côtés. Pourquoi est-ce qu'il sourit ?

— Et sinon Aidan, tu veux bien m'expliquer cette petite histoire de fiançailles ?

— Callie n'avait aucune envie de ce mariage, tout comme moi, dis-je simplement. Et je ne veux personne dans ma vie, je rajoute.

Enfin, personne exceptée Mia.

Du coin de l'œil, je vois Olivia se dandiner sur son siège, comme si elle était mal à l'aise.

— Oh je croyais qu'Olivia et toi...

Nos regards se croisent dans le rétroviseur et je lis la panique s'emparer d'elle.

— Non, pas du tout. On est juste ami, je réponds.

— C'est bien dommage. Olivia, je te trouve bien différente des femmes que mon fils à l'habitude de fréquenter. C'est un compliment, crois-moi ! dit-il en actionnant son clignotant.

— Euh... Merci...

— Papa, tu la mets mal à l'aise, arrête un peu, je grogne.

— On est arrivé, annonce-t-il. C'était un vrai plaisir de te revoir, à bientôt j'espère.

— Je vous remercie de m'avoir raccompagné. Passez une bonne soirée, rétorque-t-elle en ouvrant la portière.

Je sors aussi de la voiture en faisant le tour par l'avant pour m'arrêter devant la fenêtre conducteur que mon père baisse.

— Je vais l'aider à monter ses bagages, j'en ai pour cinq minutes.

Il hoche la tête en souriant et j'attrape une des valises d'Olivia au vol alors qu'elle la retire du coffre.

— Tu sais que je peux monter mes bagages seule hein ? dit-elle.

Je ricane en la poussant vers l'entrée de l'immeuble. J'appuie sur le bouton d'appel de l'ascenseur qui s'ouvre aussitôt. Nous arrivons en un claquement de doigts à son étage. Je l'observe en silence chercher ses clés dans son sac en bougonnant, elle est si... bon sang, mon entre-jambe refait des siennes.

— Putain, tu es vraiment super chiante, je lâche.

Elle se retourne en fronçant les sourcils. Elle ouvre la bouche pour rétorquer, mais je l'en empêche en la plaquant contre sa porte puis presse mes lèvres sur les siennes. J'en avais tellement envie. Contre toute attente, elle répond à mon baiser avec la même passion, le même désir. À bout de souffle, je m'écarte en souriant.

— À bientôt ? Je lui lance en caressant doucement sa joue.

Elle se contente une fois de plus d'hocher la tête en silence les yeux fermés. Je tourne les talons et descends rejoindre mon père dans la voiture toujours avec ce sourire satisfait plaqué sur mon visage. Je suis sûr qu'on ne tardera pas à se revoir. C'est même certain.

The Agreement Où les histoires vivent. Découvrez maintenant