Chapitre 35

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O L I V I A 


Je souris immédiatement à mes collègues lorsque j'entre dans la salle de repos. La matinée a été horriblement longue, j'ai l'impression de tourner au ralenti. Ma nuit d'à peine quatre heures n'y est pas pour rien. Et pour couronner le tout, les trois quarts des enfants du service ont la gastro. Un pur bonheur.

Je bâille discrètement et me prépare un café bien chaud.

— Le mois d'octobre risque d'être rude si la météo ne s'arrange pas, lance Tiana, une des auxiliaires de puériculture.

— Je ne te le fais pas dire, on a perdu au moins cinq degrés depuis la semaine dernière, renchérit Cassandra.

— Que voulez-vous... Réchauffement climatique les filles, lance Paul, notre cadre de service. Il se laisse tomber contre l'embrasure de la porte, une tasse fumante entre les mains. Olivia, tu penses pouvoir doubler Jayden, le nouvel infirmier ? Une étudiante commence aussi son stage, j'attends qu'elle arrive pour lui faire une petite visite guidée de la clinique, Agathe, ça te dérange de la prendre sous ton aile aujourd'hui ? Je vais imprimer une fiche, si l'un de vous se porte volontaire pour être tuteur ou tutrice, notez vos noms dessus.

Je hoche la tête, distraite. Mince, c'est aujourd'hui ? J'avais complètement oublié.

***

— Whaou, sacrée journée, lance Jayden en s'étirant. Par pitié, dis-moi que ce n'est pas tous les jours comme ça.

— Non, ne t'en fais pas, dis-je en riant légèrement.

— Ouf, dit-il en faisant mine de s'essuyer le front.

— Tu ne regrettes pas ton choix alors ? Je demande.

— Je voulais revenir depuis un moment, alors non, aucun regret. Et puis, Rose et moi ne sommes plus vraiment sur la même longueur d'onde ces derniers temps, m'éloigner ne peut que me faire du bien.

Bien que surprise, je n'en laisse rien paraître. Jayden continue, les yeux dans le vague.

— Et toi ? Tout va bien avec ton petit ami ?

Je souris.

— Tout va bien, merci.

— Ce type m'a l'air d'avoir beaucoup de... charisme ?

— C'est certain, il est chef d'entreprise, le charisme c'est important.

— Tu marques un point.

L'ascenseur s'ouvre sur le petit couloir mal éclairé qui mène aux vestiaires. Nous marchons côte à côte sans un mot jusqu'au bout du couloir, là où nos chemins se séparent. Avant d'ouvrir la porte des vestiaires, Jayden m'interpelle à nouveau.

— Livia, ça te dirait d'aller boire un verre, un de ces soirs ?

Je me mords l'intérieur de la joue, gênée. Je n'en ai aucune envie, mais je ne sais comment décliner sa proposition.

— Pourquoi pas, on en reparle ?

— Génial, bonne soirée Livia, à demain, dit-il tout sourire.

Je le regarde traverser les portes sécurisées et pousse un long soupir. Il y a quelques mois de ça, j'aurais été sur un petit nuage. Maintenant, j'ai l'impression que cette situation va m'apporter plus de problèmes qu'autre chose. Je ne pourrais pas le cacher à Aidan indéfiniment, mais je ne peux pas non plus lui avouer ce que je ressens pour lui. Je secoue la tête de gauche à droite pour me reprendre. Au même moment, mon portable vibre, un message de Neela. Je l'ouvre et fronce les sourcils. C'est une photo qui donne sur la rue juste devant sa boutique. Je zoom sur l'écran et mon cœur se serre soudainement. Avant même que l'information monte à mon cerveau : c'est une photo de Mia. Mia est à Édimbourg. Je sens ma vue se troubler par des larmes. Merde. J'essuie les yeux d'un revers de la main et prends une grande inspiration. Je refuse de me laisser abattre, je dois vivre à fond les derniers moments de cette relation.

***

J'aperçois Aidan, appuyé contre sa voiture, garée sur le petit parking devant mon immeuble. Il se redresse vivement lorsqu'il me voit arriver, le sourire aux lèvres.

— Tu m'attends depuis longtemps ? Je demande.

— À peine cinq minutes.

Il m'entoure de son bras droit et dépose un baiser sur ma tempe.

— J'ai pensé que ça te ferait plaisir, dit-il en brandissant un sac plastique venant tout droit du traiteur chinois.

— C'est peut-être idiot, mais c'est exactement ce dont j'avais besoin. Merci, dis-je avant de l'embrasser devant les portes closes de l'ascenseur.

— Je viens de croiser Tyler qui rentrait du boulot, il tirait une sacrée tronche. Quand je lui ai demandé ce qu'il se passait, il m'a demandé si je n'avais pas le numéro de Landon.

— Le père de Callie ?

— Oui, je sens que Monsieur souhaite rencontrer le père de sa petite amie.

Je grimace. Pauvre Tyler, le père de Callie n'est pas de nature très amicale, même avec moi. Parfois je me demande comment un homme pareil a pu donner vie à une fille aussi gentille que Callie. Mais j'imagine que s'il est prêt à rencontrer son père, c'est qu'il est réellement amoureux d'elle et qu'il est prêt à faire les choses correctement cette fois-ci.

Nous entrons dans l'appartement alors qu'Aidan me raconte brièvement sa journée de travail.

— Mon père a tenté de me jeter dehors vers 17h, annonce Aidan en déposant le sac du traiteur sur la table de la cuisine.

— Ah ?

— Il répète que je travaille trop.

— Sur ce point, il n'a pas totalement tort.

— Note que j'ai bien baissé mon rythme de travail depuis que je te connais, ma belle, dit-il en avançant lentement face à moi.

— Et, c'est mal ? demandé-je en réduisant considérablement l'espace qu'il restait entre nous.

— Non, avant de déposer un chaste baiser sur mes lèvres.

Front contre front, nous restons silencieux un instant. Un silence agréable.

J'ouvre le sac en plastique, en sortant des barquettes en aluminium.

— Ton père ne voit personne ? Je demande curieuse.

— Je ne l'ai jamais vu avec une femme depuis le décès de ma mère.

Je me pince les lèvres. Mince, moi qui croyais que ses parents étaient simplement séparés, comme les miens.

— Désolée, je ne savais pas.

Il hausse les épaules et sort deux assiettes du placard.

— Elle a eu une tumeur au cerveau, j'avais 17 ans quand elle est décédée. Je ne te fais pas de dessin, j'imagine que tu connais ce genre de maladie.

Je hoche la tête.

— C'était dur et long. Il m'est même arrivé de souhaiter sa mort, elle souffrait tellement c'était... vraiment horrible, reprend-il. Tu lui ressembles un peu d'ailleurs, ça doit être pour ça que mon père t'aime tant. Elle était douce, gentille et bienveillante. Elle avait la faculté de nous faire rire sans le vouloir. Mon père en était fou amoureux, je doute qu'il aime une autre femme comme il l'aimait elle un jour.

— J'aurais aimé la rencontrer.

Il se contente de sourire, en transvasant les nouilles dans les assiettes.

— Comment s'est passée ta journée ? demande-t-il alors que je dresse la table.

— Bien, beaucoup de sorties et beaucoup d'entrées. Un véritable moulin. Une étudiante a commencé son stage d'apprentissage, je pense me porter volontaire comme tutrice.

— Elle aurait beaucoup de chance de t'avoir comme tutrice. Et ne parlons pas de ces enfants, qui ont une sacrée chance de pouvoir passer leur journée avec toi, dit-il en me prenant dans ses bras.

— Mais toi, tu peux passer tes nuits avec moi, quel est le mieux ?

— J'aime faire les deux.

Je souris bêtement et me hisse sur la pointe des pieds pour l'embrasser. J'aurais aimé lui parler de l'embauche de Jayden, mais je n'ai aucune envie de gâcher ce moment. Parfaitement consciente que le temps est désormais compté entre nous.


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