PROLOGUE

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Nuit du 15 octobre 2005, Nuevo Laredo, Mexique.



Réveille-toi, réveille-toi ! Tu sombres.

La pénombre qui régnait dans la pièce était pesante. Pourtant, j'adorais ces nuits obscures dans lesquelles je me réfugiais car j'y retrouvais le reflet des iris de ma mère. De sublimes yeux charbonneux. Ils étaient si noirs qu'on ne pouvait différencier son iris de sa pupille et pourtant ses yeux étaient d'un réconfort exaltant. Je pouvais admirer cet abysse sans fond pendant des heures tellement il me submergeait, vidant mon esprit de toutes pensées intrusives.

Mais cette nuit-là n'avait rien de douce et de reposant, elle empestait le danger, le sadisme et la cruauté.

L'ambiance était morbide.

Et pour une fois, j'eus peur du noir car il n'allait pas pouvoir me protéger de mes cauchemars.

Il ne le pourrait plus jamais.


Un coup de feu retentit.



L'agitation de la maison me réveilla. J'ouvre brusquement les paupières à demi-consciente, en état de trans. Un grand bruit de fracas se fit entendre, c'était inhabituel. Qu'est-ce qu'il se passait ?

La pluie tombait abondamment ce soir-là. Je l'entendais cogner contre les murs du manoir. Le bruit sourd de l'orage me fit sursauter.

Brusquement, la fenêtre de ma chambre éclata en morceaux. Des dizaines de bout de verre gisaient à présent au sol et certains avaient ricoché sur mon lit. L'un d'entre eux avait fini sa course dans mon arcade sourcilière gauche ce qui me valut un petit gémissement de douleur. Je sautais hors de mon lit complètement paniquée. La lumière de la lune me laissait apercevoir le petit trou que la balle en plomb avait causé, traversant mes volets pour venir s'écraser contre ma fenêtre. De l'eau commençait à s'infiltrer dans la pièce formant une petite flaque translucide au sol.

Je descendis les marches de l'escalier telle une fusée, rejoignant au plus vite le rez-de-chaussé. Des bouts de verre s'enfonçaient sous mes pieds laissant derrière moi de longues traînées de sang. Je n'y prêtais aucune attention, j'étais préoccupée par bien plus grave.

Rien n'était visible dans le manoir, les lumières étaient éteintes et les bruits sourds m'empêchaient de savoir ce qu'il se passait. La maison n'avait plus rien de calme. Des cris et des coups résonnaient. Je me figeai instantanément, la panique faisait trembler mon corps frêle.

Un deuxième coup de feu retentit

Et l'orage gronda à nouveau. La voix de ma mère résonna et je courus à l'aveugle la tête la première dans sa direction.

J'étais pétrifiée.

La cuisine était ravagée, tout ce qui était sur les meubles, gisaient à présent au sol et les cadres familiaux étaient brisés en multiples morceaux. Un éclair fendit le ciel et illumina cette horrible nuit. Cette faible lueur d'éclairage me laissa apercevoir cinq hommes armés jusqu'aux dents, couverts de la tête aux pieds, pointant un pistolet sur la tempe de ma mère. Plus rien n'avait de sens jusqu'à ce que mes yeux glissent sur le corps de mon père, allongé au sol derrière la baie vitrée, baignant dans son propre sang. Je ne bougeais plus, tous mes membres tremblaient atrocement. Les larmes me montaient aux yeux et dévalaient mes joues rebondies. Un nouvel éclair déchira le ciel et la foudre vint s'abattre sur notre maison dans un bruit ignoble. La baie vitrée de la cuisine explose sourdement. Je vis une sorte de fumée rouge s'échappait des prises électriques. Mon cœur se stoppa net, j'avais arrêté de respirer. Le manque d'oxygène comprimait ma cage thoracique. Je ne parvenais ni à bouger, ni à crier. Et pourtant lorsque mon regard croisa celui de ma mère, je sus que j'allais devoir être forte. Que j'allais devoir activer ma motricité et courir jusqu'à ne plus m'arrêter car à partir d'aujourd'hui il n'y avait plus de retour en arrière possible.

Une balle traversa sa boîte crânienne dans un bruit sordide tandis que je fondis en larmes.

Une des lampes intérieures grilla et prit feu avant de se détacher du plafond. La flamme entra en contact avec la gazinière de la cuisine qui explosa dans un bruit assourdissant. Mon corps est projeté à l'arrière et la maison s'embrasa en un instant.

Un autre coup de feu retentit et les balles se mirent à fuser alors que je retenais un cri de détresse.

C'était fini.

Ils m'avaient tout pris.

Ils venaient de m'arracher ce que j'avais de plus cher au monde.

C'est à ce moment précis que je me fis la promesse silencieuse de ne plus jamais tourner le dos à un ennemi.

Je fermais mes yeux pleins de larmes, remplis de tristesse et de regrets car moi aussi j'aurais dû mourir cette nuit-là.



Je rouvris les yeux en sursaut, le paysage sicilien s'étendait à présent devant mes yeux.

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