Chapitre 9

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Furya


Mon samedi soir commence plutôt bien. J'ai lu l'histoire de "Traquée" deux fois. J'ai adoré. Complètement. Tous les éléments d'une bonne romance sont présents. Je suis fière quelque part, car c'est un peu grâce à moi. Rayne avait l'air de se complaire dans son premier jet, mais au fond de moi, je savais que ce texte pouvait devenir meilleur, ailleurs.

Je me connecte sur Facebook et, voyant le point vert à côté de son avatar, je lui envoie un message pour lui faire part de mon ressenti.

[Je viens de finir la nouvelle version de "Traquée". Bien joué. Ça n'a plus rien à voir, tu l'as amené à un autre niveau.]

Je regarde les trois petits points clignoter sur l'écran.

[Merci. C'est entièrement grâce à toi. Tu as vraiment aimé ?]

[J'ai adoré tu veux dire. L'histoire m'a prise aux tripes. Et Dan, on aime tant le détester.]

[Ok. Je suis contente. Je vais le poster sur le site. Comme promis, j'ai une surprise pour toi.]

[Ah ? C'est quoi ?]

[Tu verras sur le site, un nouveau lien. J'attends que tu me dises ce que tu en penses, tu es ma bêta-lectrice Furya.]

Curieuse, je vais voir. 

"En fuite. Version 2.0."

Je me dirige tout de suite vers le chapitre 3 pour lire les modifications avant de revenir à la page 1. La coquine. Elle a réécrit le livre, c'est une romance.

[Merci. Je me mets dessus dans quelques minutes. Je reviens avec ma critique, mais je suis agréablement surprise. ;) Merci copine.]

[À plus tard, Furya, ne te couche pas trop tard à cause de moi.]

[Aucune promesse, ça dépendra uniquement de ton texte. Bisous]

[:)]


J'ouvre mon réfrigérateur, prends un plat, pioche dans les ustensiles.

« Salade de céleri rave, carottes râpées et pommes de terre. »

Une fois de plus, je commente mon repas avec mes murs.

Je m'installe et me plonge dans ma lecture, faisant défiler les pages avec intérêt. Parfois, ma fourchette reste en l'air, près de ma bouche, alors que je suis captivée par l'histoire, avant de l'approcher lentement pour manger.

« La salope ! » crié-je malgré moi en tournant la dernière page avant de me jeter sur mon téléphone.

[Tu n'es qu'une salope ! :)]

J'attends sa réaction.

[Ah ? Ce n'est pas vraiment la réaction que j'espérais de ta part.]

[Putain de bordel de merde, ton livre est génial ! Merde alors !]

[Tu es sérieuse ?]

Elle se fout de moi ?

[Tu te fous de ma gueule ? IL EST GÉNIAL ! Tu vois, je crie !]

[Merci F. Ça compte beaucoup pour moi :)]

[Publie-le ! Tu veux que je t'aide à trouver un éditeur ? J'ai des contacts.]

[Je n'avais jamais pensé publier, le marché du livre est assez sélectif, fermé et radin il faut le dire.]

[Mais quitte à garder tes histoires pour toi ou les partager gratuitement, pourquoi ne pas aller chercher un petit 7 ou 8 % sur les ventes ?]

[Sur lesquels je devrais en plus payer de l'impôt, pourquoi pas ? en effet. ;)]

[Imagine seulement que tu trouves le bon éditeur, celui qui verra le potentiel du livre, plus Traquée. Tu as deux bouquins, copine. À moins que tu sois blindée côté cash et que tu n'as pas besoin d'une rentrée d'argent supplémentaire...]

[Non, je suis comme tout le monde.]

[Alors arrête de tortiller du cul, et saute le pas ! Je t'envoie une liste d'éditeurs dans cette branche, actuellement à la recherche d'auteurs. Je t'enverrai aussi une mise à jour des appels à textes.]

[C'est quoi ?]

[Des éditeurs ont une thématique qu'ils veulent exploiter et demandes des textes là dessus. Ça pourrait t'inspirer pour un troisième bouquin.]

Je sors une liste que j'ai sous la main, que je rafraîchis régulièrement et lui envoie.

[Ce sont des éditeurs sérieux, ils ont un bon rythme de publication. Je te suggère de poster les trois premiers chapitres sur le site de Mon petit bouquin, ça te fera de la pub. Je vais avertir tous mes contacts d'aller te lire et de commenter ça te fera des vues. Ça attirera l'attention.]

[Vraiment, merci.]

[Écoute, je ne fais jamais ça, mais... Où es-tu ? Je suis sur Paris.]

Elle tarde à me répondre, probablement en train de poster les trois chapitres comme je lui ai suggéré. À moins que j'aie été trop directe en lui proposant que l'on se voie.

[Je ne suis pas en France, F.]

[Pas grave. Je te pardonne ;) T'es où, si ce n'est pas indiscret ?]

[Jersey]

[Wow, le New-Jersey. Tu vois Manhattan de chez toi ?]

[Pas le New-Jersey, Jersey, à côté de la Normandie.]

[Je blaguais ;) Mais ça tu ne le sauras jamais ;) C'est chouette pareil. Et je te pardonne aussi.]

[Je vais étudier tout ce que tu m'as envoyé. Tu crois que j'ai mes chances ?]

[Mes conseils étaient comment jusqu'à présent ?]

[De bons conseils.]

[C'en est un autre. Suis-le, ton bouquin est génial.]

[D'accord. Je dois te laisser, je te tiens au courant, merci F.]

[De rien, copine.]


« Putain ! Elle m'a drainée. »

J'ai les yeux qui me piquent. Je vais me passer de l'eau sur le visage, avant de me regarder dans le miroir. Je suis fière de moi. Ma copine va être publiée. Je n'en ai aucun doute. Je vais attendre qu'elle publie son livre sur le site, et posterai une critique dessus en plus de ma page Facebook, ça générera encore plus d'attention dessus. J'ai découvert une auteure qui s'ignorait.

Je passe par la cuisine me servir un verre de vin que je bois d'une traite, avant de m'en servir un deuxième. Je me pavane chez moi, pieds nus, remuant mon popotin dans des déhanchements inqualifiables. Je suis possédée par un dieu de la danse qui a confondu grâce et grasse, élégance et éléphante. Je n'ai absolument aucun talent pour la danse, mon corps bouge seul, chaque membre indépendamment de l'autre, pour une raison mystérieuse. Je n'ai aucune coordination, mais je m'en fous, je gesticule seule. Je m'affale dans son sofa, épuisée.

Je prends ma tablette, mais je la repose aussitôt. Mon portable suit le même sort. Je suis épuisée, mentalement épuisée. Je n'ai pas envie de lire, ce qui est rare pour moi. Est-ce un mauvais signe ? Peut-être que je couve quelque chose ?

Je laisse mon regard errer dans l'appartement. Je n'ai envie de rien faire. Il est trop tôt pour que j'aille me coucher. C'est purement psychologique. Impossible de me coucher avant vingt-trois heures. J'aperçois la manette sur la table basse et, par dépit, je m'en saisis et allume la télévision.

Il faut bien voir si elle fonctionne encore...

Je zappe sur quelques chaînes, je déprime rapidement. Je tombe sur les infos, j'ai soudainement envie de boire un autre verre. Je continue de zapper pour finalement m'endormir, la télécommande à côté de moi. Par chance, je ne mets pas de son quand je regarde la télévision, les images sont déjà assez merdiques comme ça, si en plus je devais écouter.

Tormented soulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant