Chapitre 32

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Caitlyn


« Assieds-toi, je t'en prie, » dis-je en m'installant sur une des chaises de la terrasse. « Ça va ?

— Ça va bien, » répond-il en ne quittant pas Marie des yeux.

« Tu sembles vraiment amoureux de Marie.

— Elle est la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie, Caitlyn. Je suis complètement accroc. J'ai été marié, tu sais. C'était bien au début, mais nous étions jeunes. Et la passion s'est rapidement éteinte. Alice et moi n'étions pas heureux, nous ne nous comprenions plus. Nous étions meilleurs amis que mari et femme. Marie c'est... indéfinissable. Elle est forte et fragile, dure et douce. Patiente. Vive. Je me suis attaché à elle assez rapidement après ton départ. Je culpabilisais, elle était seule, triste et en colère. Tous les jours j'étais là, afin qu'elle ne soit pas seule. Et nous nous sommes trouvés.

— Merci d'avoir été là pour elle.

— Ce n'est rien. Je suis en partie responsable.

— Dis-moi. Est-ce que tu nous accompagneras, si Marie vient ?

— Là où elle va, je vais. Béa, mon éditrice, n'y voit aucun problème. Je ne suis pas le visage d'Emma Rayne, je n'ai donc aucun engagement, juste celui d'écrire.

— Bien. Je suis contente. J'avais peur qu'elle ne veuille pas me suivre. Depuis que je suis arrivée avec Siobhan, je les vois toutes les deux, je me dis que ça pourrait marcher.

— Mais tu as le problème de votre commerce. C'est difficile de trouver un acheteur, non ?

— En effet. J'ai de l'argent qui dort sur mes tablettes, ma réserve. Et à moins de brader les livres, je ne peux pas m'en débarrasser. D'une façon ou d'une autre, je perds de l'argent.

— Tu l'as fait évaluer ?

— En deux entités distinctes. C'est impossible autrement. Je dois investir pour refermer le mur entre les deux commerces. Donc ça signifie demander un prêt à la banque. Je n'ai pas travaillé depuis des mois, je n'ai que des sorties d'argent.

— Je peux te prêter de l'argent ?

— Non, Daniel. Je dois me débrouiller seule. C'est gentil de te proposer, mais je préfère pouvoir compter sur toi au cas où, au village.

— Tu veux bien me montrer les évaluations s'il te plaît ?

— Tiens, » dit-elle en revenant quelques instants plus tard, en me montrant le dossier.

« C'est pas mal du tout. Le retour sur investissement est bon, non ? Si tu arrives à te débarrasser des bouquins. Aucune proposition pour la librairie ? Personne ne s'est manifesté pour la reprendre ?

— Non.

— Et si vous gardiez vos commerces ? Engagez des employés pour les boutiques et un comptable. Ça vous fera comme une rente.

— Notre marge sera bouffée par les salaires, et il nous faut de l'argent pour ouvrir le restaurant.

— Alors, je te rachète la librairie. Je ne sais pas si je peux pour le café, je dois voir avec ma banque.

— Daniel...

— Si on se plante, vos commerces seront toujours là, et on aura vécu une belle expérience. »

Marie arrive avec des verres, Siobhan suit avec une bouteille de whisky.

« Ça cuit, » dit-elle en se collant contre Daniel. Je suis tellement heureuse de la voir comme ça que je me lève pour l'enlacer.

« Ça me fait du bien de te voir heureuse Marie, » murmure-je à son oreille, avant de chuchoter à celle de Siobhan. Celle-ci me répond en retour, et je lui réponds à nouveau.

« French Mary, tu es mon amie, » déclare Siobhan en français. « Toi et moi, » elle se penche à nouveau, je lui souffle la traduction, « on va créer des recettes géniales pour le restaurant.

— Siobhan, » se lève Marie, « il n'y a qu'une façon de sceller notre amitié ! Câlin, viens dans mes bras. Ensuite on boit. Et ce soir, nous serons tellement saoules que tu dors dans mon lit. Pyjama optionnel ! »

Je retraduis en termes plus clairs, confirmant ce qu'elle avait bien compris.

« Tutut ! » poursuit Marie, en posant un doigt sur sa bouche. « No sex. Just dodo.

— Ah. C'est...

— Tradition, » expliqué-je, lui expliquant mes angoisses nocturnes et mes nombreuses nuits dans le lit de Marie.

« Je... hum... dors où ? » tente Daniel.

« Chez toi ! J'ai encore mon appartement je te signale, » lui rappelle Marie en riant.

« Eh oui, forcément.

— Toi et moi, on est copines, Siobhan. Je t'aime bien, » dit-elle en l'enlaçant. « Comment on fait pour nos magasins ? » déprime-t-elle d'un seul coup en se laissant tomber sur le fauteuil.

« Il est possible que quelqu'un soit intéressé à nous les reprendre.

— Les deux ?

— J'attends des nouvelles, afin de voir si c'est faisable.

— Ça, c'est top ! »

Le repas est délicieux, et je suis agréablement surprise par Siobhan, qui se définit simplement comme serveuse, mais m'explique qu'elle ne se voit pas courir dans une cuisine pour préparer vingt assiettes en même temps. Elle préfère le rôle de serveuse pour profiter des pourboires, qui rendent son salaire plus intéressant.

Tout le monde prend soin de traduire nos conversations pour inclure Siobhan, surtout Daniel, qui est souvent en avance pour la traduction. Elle se sent intégrée, et rire, s'amuser et discuter avec Marie et Daniel. J'ai envie d'elle, de la garder près de moi, de construire quelque chose de durable avec elle. Marie, soucieuse, demande souvent à Siobhan si elle est saoule et insiste pour la ramener chez elle, mais Siobhan, avec son humour typique, lui rappelle qu'elle est écossaise et qu'elle a été élevée au whisky. Marie, un peu froissée, va chercher du champagne et une poire Williams que je garde dans un meuble.

Le champagne a perturbé Siobhan, mais la poire ne l'a pas intimidée du tout.

Marie s'est allongée sur mon canapé en disant qu'elle ne resterait que « deux minutes », et Siobhan en a profité pour faire des selfies avec elle en train de dormir, y compris un où elle l'embrasse sur la joue, que j'ai immédiatement mis en fond d'écran sur son téléphone.

Daniel est parti, me promettant des nouvelles bientôt. Je l'ai enlacé longuement, réalisant qu'il est le dénominateur commun de notre bonheur à toutes. Siobhan a fini de débarrasser la table, et j'ai aidé à enlever les chaussures de Marie, puis à déboutonner son pantalon pour lui retirer. Siobhan m'a aidé à la redresser afin que je puisse retirer son soutien-gorge, laissant Marie plus à l'aise pour dormir. Je l'ai ensuite recouverte d'une couverture, en éteignant toutes les lumières sauf celle de la salle de bain pour lui faire une veilleuse comme un phare pour la guider.

Siobhan m'a rejoint dans la chambre, sa démarche féline accentuée, ses boucles rousses détachées ondulant gracieusement.

« J'ai passé une belle journée, une très belle soirée. J'adore tes amis. Ils sont si protecteurs et t'aiment beaucoup. Marie est exceptionnelle, quel caractère ! Elle ne s'avoue pas facilement vaincue.

— Tant qu'elle tient debout, elle se bat.

— Une belle devise de Clan.

— Tu as raison. »

Siobhan s'allonge à mes côtés, posant sa tête sur mon ventre. Je joue avec ses boucles, caressant doucement son dos.

« J'aimerais rester ici, j'aime ta librairie, le café de Marie. Mais j'ai envie d'essayer, avec Marie. C'est une passionnée, je suis certaine qu'à nous deux, on pourra créer des recettes franco-écossaises qui attireront des clients. Les anciens du village veulent nous aider. Le fait que je sois revenue ici, que tu sois là, tout ça est peut-être un signe. Je suis profondément tombée amoureuse aujourd'hui. Je t'aime, Moyra.

— Siobhan... »


Tormented soulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant