Tormented soul

Chapitre 20

Caitlyn

À nouveau, je cherche la protection que m'offre la terre de mes ancêtres. C'est le cœur lourd que Marie m'accompagne à l'aéroport, en me tenant la main. Elle a au moins réussi à me faire céder là-dessus. Ce n'est pas mon premier voyage, ce n'est qu'un retour à la maison pour moi. Dans quatre heures, je serais en Écosse, dans les Highlands. J'ai besoin de la solitude du Loch, de l'odeur de la tourbe, de la rudesse du paysage de la lande afin de me ressourcer. J'aime le côté rustique, brut, de mes grands-parents, de leur accent qui fut un peu le mien, dix ans plus tôt après des mois à vivre avec eux, roulant moi aussi les « R », alors que je m'exprimais uniquement dans la langue de William Wallace.

J'aime la maison familiale perchée sur une petite colline à la sortie du village de Glenfinnan, encaissé dans le Glen, la vallée, du même nom, surplombant le Loch Shiel, et entourée de bruyère. Je me sens bien, chez moi, dans cette maison, ce pays. Les Highlands sont mes racines, mon refuge, et cette maison est mon sanctuaire où je me reconnecte avec la force de mes ancêtres. Je me sens en communion avec le passé, comme si les fantômes de mes ancêtres veillent sur moi.

Cette maison, c'est mon héritage. La claymore, la lourde et grande épée maniée à deux mains, accrochée au-dessus de la cheminée, est un témoignage du passé de guerrier de mon clan. À côté sont accrochées nos couleurs, un tartan du Clan MacDonald de Clanranald. Ces couleurs sont une affirmation de notre identité. J'ai parfois honte d'être aussi faible, quand je me compare à mes ancêtres, et quand la mélancolie me prend, Grand-Père Ewan sort sa cornemuse, va sur la lande et joue, pour moi, pour nos ancêtres, pour le Loch. Le son de la cornemuse m'achève dans ma tristesse puis me redonne de l'énergie alors que Grand-Mère Caitlyn le rejoint pour chanter une complainte en gaélique.

Bien évidemment, je me vante souvent auprès de Marie quand je lui rabâche les oreilles à chaque Marathon Harry Potter, en lui disant que moi, j'ai déjà pris le train pour Poudlard, le viaduc étant situé à Glenfinnan et que je me suis baignée plus d'une fois dans le lac où Harry lance son Patronus. Ça l'agace, je sais. Mais elle aime ça, pour elle, je suis une fille de Poudlard. Nous sommes des Poufsouffle toutes les deux. Elle est déjà venue en vacances avec moi. J'étais fière de lui montrer mon second chez moi, lui traduisant quand elle ne comprenait pas et la traduisant quand les villageois bloquaient sur son accent parisien. Si elle a aimé l'Écosse, ses paysages, elle ne l'a pas vécu comme je le vis à chaque fois. Elle me l'avait fait remarquer, je suis différente, moins... blessée, plus en harmonie. Mais son trip absolu a été de prendre le train pour rendre visite à mes autres grands-parents, vivant à Fort William au sud-ouest de Glenfinnan. Et quel train. Marie a pleuré, si si. Pour de vrai. J'ai une photo pour le prouver. Elle ne s'y attendait pas du tout, mais arrivée à la gare, quand elle a vu la locomotive « The Jacobite » elle a failli faire une crise cardiaque. De vraies palpitations. Un beau souvenir. Je l'entends encore crier, les bras tendus vers le majestueux train à vapeur qui semblait tout droit sorti des livres de J.K. Rowling.

Si la demeure ancestrale du clan a été perdue il y a des siècles pour l'amour d'une femme, et sert aujourd'hui d'hôtel et de salle de réception, je préfère de loin la maison que mes ancêtres ont bâtie pour vivre leur amour. La romantique en moi ne peut qu'être éprise de ces pierres et de l'histoire qui imprègne chaque recoin de cette maison. Perdre un château par amour, c'est une histoire à la fois triste et belle, un héritage qui résonne en moi. Après mon père, cette demeure me reviendra, et je suis profondément attachée à elle. Mes grands-parents le savent, et cela les rassure quant à l'avenir de la maison. Mais qu'en ferais-je ? Est-ce que je viendrais m'établir ici ? Qu'y ferais-je ? Devenir détective privée à la manière d'Agatha Raisin 1 ? L'idée me fait sourire.