Chapitre 3 : Lucifer

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Je change encore une fois de chaines. Je m'ennuie. Je prends mon téléphone et j'envoie un message aux gars pour savoir s'ils veulent venir. En attendant je décide de voir ce que fait la baby-sitter. Je me tourne donc vers la cuisine et je la vois, adossée au plan de travail en fixant mon petit frère. Eh oui ma grande, tu ferais mieux de repartir et si tu ne le fais pas, je le ferais pour toi.

Elle mordille sa lèvre inférieure en détaillant Michel qui dessine dehors. Elle a lamentablement échoué comme prévu car mon petit frère ne peut être approché que par moi. Il est renfermé. Pire que ça, il ne dit pas un mot en présence de personnes autour de lui. Il ne fait rien. Depuis tout petit il est comme ça. Il n'a jamais ris, ni pleuré comme un bébé normal. Sauf avec moi.

La baby-sitter remonte sur un coup de tête et j'espère vraiment que c'est pour remballer son foutoir et dégager rapidement. Si elle doit être dans mes pattes pendant deux mois je crois que je vais vriller. Elle redescend quelques minutes plus tard et je ne peux m'empêcher de lui envoyer un pique.

-J'ai bien cru que tu abandonnais déjà pour mon plus grand plaisir.

-N'y a-t-il que des mauvaises choses qui sortent de ta bouche ? Râle-t-elle prise d'un élan de courage surement.

Son retour ne me met pas en colère mais m'amuse et je décide de jouer un peu.

-Non ne t'inquiète pas, elle sait faire bien d'autres choses, je réplique avec un sourire en coin qui parle de lui-même.

Elle grimace avant de retourner dans la cuisine me permettant d'analyser sa démarche et reluquer en même temps ce que je vais avoir sous les yeux. Son physique est difficile à cerner vu les fringues qu'elle porte, bien trop large pour elle. Elle est plutôt jolie mais encore une fois son apparence ne me permet pas réellement d'en juger. Elle met une musique, assez forte, ce qui me fait arrêter de la fixer. Je ne sais pas si elle le fait exprès ou non mais je vais vite casser l'ambiance.

-Eh, des potes à moi viennent alors tu te fais petite tu seras mignonne, dis-je. Oh et baisse ta musique.

Je retourne au canapé en veillant sur Michel qui n'a pas bougé et qui ne semble pas vouloir bouger ni accorder la moindre importance cette nana. Je me pose mais le son n'a toujours pas baissé et je commence à perdre patience. Au bout d'une bonne vingtaine de minutes, je me relève et ouvre la cuisine violemment ce qui la fait sursauter me montrant des yeux baignés dans l'angoisse. Vaut mieux avoir peur du diable tu as raison. Je l'emprisonne entre moi et l'ilot ou elle cuisinait, les deux mains de chaque côté de son frêle corps qui semble trembler.

-Allons bellissima, je ne t'ai même pas encore touché que tu trembles déjà pour moi.

Elle se recule, presque à se fondre sur le plan de travail pour éviter le plus possible un quelconque contact avec moi.

-Par contre, il me semble t'avoir demandé quelque chose, j'affirme en la regardant droit dans les yeux me confrontant à un regard ambré et apeuré.

Elle attrape docilement son téléphone et baisse le son.

-Gentille fille, je répète.

Je la laisse et referme derrière moi pour me reposer. Une heure plus tard, ça sonne. Je me lève et ouvre aux gars même s'ils ont le code pour rentrer. Ils me font le coup à chaque fois. Ils entrent et se garent derrière la bagnole de la baby-sitter.

-C'est à qui la caisse ? Me demande Jack.

-A personne, je réponds.

-Tu veux dire à la bombasse dans ta cuisine, réagit Dylan en se frottant les mains tout en détaillant la nana en question.

Elle a enlevé son énorme pull nous montrant un haut noir serré, dévoilant une poitrine plus qu'appréciable. Ok, elle est baisable.

-C'est la baby-sitter de Michel.

Tous me dévisagent et je hausse les épaules en m'affalant.

-Ne me demandez pas, c'est ma mère, je souffle. En tout cas elle n'a pas réussi à obtenir, ne serait-ce qu'un bonjour du petit. C'est très mal partie, me moqué-je.

Les gars ricanent avec moi, sachant qu'il leurs a fallu à chacun plus de deux ans pour que Michel leur parle un minimum, malgré mes propres efforts à le faire aller vers eux. Même si je lui disais qu'ils étaient mes amis, qu'ils ne feront rien de mal, il était rebuté à l'idée de les approcher. On discute de nos projets lorsque les portes de la cuisine s'ouvrent. On se tourne vers la baby-sitter qui sort sur la terrasse avec un plateau. J'ouvre discrètement mon côté de la baie vitré pour entendre ce qu'elle va trouver à lui dire pour l'approcher et, encore, échouer. Cependant, pour la discrétion on reviendra car je sais que derrière moi, quatre paires d'yeux guettent chaque fait et geste de la baby-sitter.

Contre toute attente elle s'assoit avec lui. Ses jambes en tailleur, elle ne déclenche pourtant aucune réaction chez Michel sauf lorsqu'elle attrape une feuille et un crayon avant de s'abaisser et commencer à elle aussi, dessiner.

-Pousse toi, je ne vois pas ce qu'elle fait, balance Dylan en venant à côté de moi.

Je lui donne un coup dans les côtes alors qu'il me bouscule. Le petit parait totalement absorbé par ses coups de crayons qui semblent précis, nets et sûr d'eux. Elle lève ses yeux sombres vers lui avant d'esquisser un léger sourire et de se mettre dos à lui. Michel semble décontenancé mais il ne se laisse pas faire et il décide de se lever pour s'accroupir devant elle. Mais cette débile fuit encore en reprenant sa place initiale. Il la suit une seconde fois ne voulant pas lâcher l'affaire. Elle s'étire, attrape le verre de jus d'orange qui se trouvait sur le plateau de goûté et le glisse vers mon petit frère, l'incitant à se servir ce qui fonctionne.

-Alors qu'est ce que tu dessines toi ? Demande-t-elle avec une voix exceptionnellement douce en jetant un coup d'œil à tous ces dessins.

Il attrape une de ses feuilles et lui montre. Dessus une salle de classe dessinée à gros coup de crayon noir et des élèves en rouge.

-Pourquoi ils sont tous en rouge sauf un ?

A travers ses dessins, il exprime un calvaire quotidien.

-Les autres enfants sont méchants avec moi, avoue-t-il soudainement, surprenant tout le monde, en gribouillant un énième bonhomme vert entouré de bonhommes rouges.

La réaction de la baby-sitter ne se fait pas attendre : son visage blêmit et son regard se met à briller de tristesse.

-Tu sais... commence-t-elle mais s'arrête, réfléchissant avant de se donner du courage. Moi aussi il y a des méchantes personnes dans mon école.

La réaction de Michel est vive. Il redresse sa tête et son regard sonde l'âme de la baby-sitter.

-Ils disent que je suis bizarre, réplique-t-elle en faisant quelques mouvements ridicules qui dessinent un minuscule sourire sur le visage de mon petit frère. Du coup, ils m'embêtent très souvent et je suis mise à l'écart comme lui.

Elle pointe sur le papier le seul petit bonhomme dénué de rouge. Je n'ai aucune idée de si elle lui ment ou non mais Michel semble envouté. Elle lui tend la feuille qu'elle griffonnait et les yeux de mon petit frère se mette à pétiller, tellement que prit d'un élan il court vers moi.

-Luci ! Luci ! Regarde.

Il me montre fièrement le dessin qui le représente parfaitement : lui, le visage penché vers ses chefs d'œuvre, chaque détail est frappant. Cette gamine a du talent. Mais même si elle en a, elle va devoir dégager rapidement avant que Michel ne s'attache à elle car ça, il en est hors de question.

Car tel est mon rôle : le protéger quoiqu'il m'en coûte.

The Baby Sitter Of The Devil's BrotherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant