Amy était d'une humeur massacrante lorsqu'elle se mit en route pour le bureau le lendemain matin. Elle avait su, au moment où elle avait ouvert les yeux, qu'elle allait payer cher son excès de la veille. Nauséeuse, elle avait difficilement réussi à avaler un café avant de prendre la direction de la Happy Ending Company, avec en plus le sentiment d'être complètement ridicule affublée de ses lunettes de soleil malgré la brume matinale.
Dans l'ascenseur, elle s'était mentalement préparée aux assauts de Jeff qui, naturellement, ne manquerait pas de poser des questions auxquelles elle n'avait nullement envie de répondre. La soirée d'hier avait été un désastre. Elle ne voulait en aucune façon aborder ce sujet... Mais elle n'y échapperait pas. Il fallait s'y résoudre. Jeff n'était pas du genre à se laisser berner par la technique de la thanatose. Cette pensée eut au moins pour effet de la dérider un peu. Elle s'imaginait très bien en reptile simulant sa propre mort face au danger... Mais, malheureusement pour elle, Jeff faisait partie des carnassiers qui aimait se repaître des cadavres des autres. Alors imaginer lui échapper était de l'ordre du fantasme pur et simple.
- T'as une sale tête, princesse ! Grimaça celui qui occupait ses pensées, à son approche.
- Sans commentaire, répondit-elle rapidement avant d'aller s'enfermer dans son bureau.
Sans prendre le temps d'ôter son manteau, elle parcourut en trois enjambées la distance qui la séparait de son fauteuil avant d'aller se vautrer dessus avec autant de grâce qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Se roulant du mieux qu'elle le put en position fœtale, elle put enfin apprécier toute la beauté du silence. Enfin presque...
- Tu croyais vraiment t'en sortir comme cela ? Demanda Jeff en entrant dans la pièce telle une tempête.
- Es-tu obligé de faire un vacarme pareil ? Tu me fais penser à ... oui, tiens ! A ce mammouth dans l'Age de Glace ! Comment s'appelait-il déjà ?
- Merci du compliment, ça fait toujours plaisir. Tu as de la chance que la taille de mon égo soit si élevée qu'aucune de tes mesquineries ne m'atteignent ! Je te pardonne même pour cette fois, à condition que tu boives ceci et que tu me racontes tout depuis le début, dit Jeff en lui tendant un grand verre dans lequel une mixture à l'aspect peu ragoutante flottée mollement.
- Hors de question que j'avale ce truc, on dirait de la morve de troll ! S'exclama Amy écœurée.
- Oh mais oui tu vas le boire et jusqu'à la dernière goutte ! Je l'ai baptisé : la Potion Miracle de Jeff. Je te certifie qu'après cela ta gueule de bois sera de l'histoire ancienne. Allez, obéis un peu vilaine fille !
Se bouchant le nez, Amy termina le plus vite possible, ce qu'elle qualifia aussitôt de la chose « la plus immonde qu'elle n'ait jamais avalée de toute sa vie ». Puis elle soupira avant de se lancer dans le récit de ses péripéties de la veille. A la fin de son histoire, elle fut surprise de constater qu'elle se sentait déjà beaucoup mieux, à la fois physiquement et mentalement. Elle réussit même à sourire devant les bouffonneries de son ami, qui s'employait à imiter grossièrement son cavalier de la veille. Même si elle n'avait pas encore tout à fait digéré l'opéra, elle arrivait tout de même à le prendre avec humour. Et c'était tant mieux par ailleurs, car dans les heures à suivre elle allait devoir faire preuve de tout le sang-froid dont elle était capable. Passer une matinée complète en compagnie de l'homme qu'elle exécrait autant qu'elle désirait, serait une épreuve supplémentaire pour son self-control. Elle pensa en traversant le hall de son entreprise une heure plus tard, que si un jour elle faisait faillite, elle n'aurait aucun mal à se reconvertir en moine bouddhiste. Elle s'imagina aussitôt avec le crâne rasé et portant une de ses longues tuniques rouge et orange caractéristique de sa future profession et cette image suffit à lui redonner le sourire.
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Happy Ending Company
ChickLitIl était une fois une jeune femme comme les autres du nom d'Amy Wellington. A l'âge de 27 ans, elle était déjà à la tête d'un véritable petit empire. Elle avait réussi à force de travail et d'acharnement à créer et développer sa propre entreprise :...