III

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        Émilie s'approcha fébrilement des deux gardes impériaux se tenant immobiles devant la voie pavée. Leur armure intégrale était d'un gris ancestral, couleur et reflet des valeurs chères à l'Empire. Ils restaient imperturbables, même en les analysant pendant plusieurs heures ou jours, il serait presque impossible de discerner chez eux le moindre mouvement. Quelqu'un de non-averti pourrait les confondre avec de banales armures, posées là dans un simple but de dissuasion. Et puis, personne ne pourrait survivre bien longtemps entre ces lourdes plaques, en étant constamment attaqué par une chaleur meurtrière. Pourtant l'un d'eux tourna légèrement la tête quand Émilie lui annonça la raison de sa venue, accompagnant sa déclaration de la lettre recommandée qui lui était parvenue quelques jours plus tôt. Le garde ne dit rien, et se contenta de lâcher la poignée de son épée, qu'il tenait fermement jusqu'alors. Son camarade en fit de même, et Émilie comprit qu'ils lui autorisaient le passage.

         C'est à ce moment qu'Émilie se rendit compte de sa situation. Jusqu'à présent, elle croyait encore à un faux-espoir, un subtil mélange de son imagination parfois trop extrême, et d'une arnaque bien ficelée. Mais si ces gardes l'avaient laissée passer, alors tout était bien vrai. Cela semblait si irréel. Elle, qui n'était qu'une étudiante en Magie, certes très douée et promise à un avenir radieux, se retrouvait invitée en personne par l'Archi-Mage de la guerre, Byrd. Au cours de ses études, Émilie sut se démarquer par ses résultats exceptionnels et son active participation aux différentes opérations de l'Empire. Cela ne la surprenait pas vraiment que l'Archi-Mage ait entendu parler d'elle. En revanche, il était bien plus surprenant qu'il la désigne comme son Khatan. D'ordinaire les Archi-Mages ne désignent leur successeur qu'à la fin de leur vie, et ne choisissent qu'une personne en qui ils placent une grande confiance. Et bien qu'il s'agisse du jour de bonheur d'Émilie, aucun des deux critères n'était respecté.

         Le dilemme de son amie l'intriguait aussi. Celle-ci, qu'elle connaissait depuis l'enfance, n'avait jamais failli à sa bonne humeur et à son optimisme. Jamais Émilie ne la vit douter ou quitter son sourire habituel. D'après ses dires, sans cela elle ne pourrait pas la soutenir ou l'aider à sortir des périodes de troubles. Pourtant, aujourd'hui les rôles étaient inversés, et Émilie regrettait de ne pas pouvoir l'aider plus que ça. La question n'était pas tant de savoir s'il s'agissait vraiment de ses parents, mais plutôt de savoir pourquoi cela la tourmentait autant. Comme la plupart des élèves en école de Magie, ce sujet semblait inexistant dans son esprit, jusqu'à aujourd'hui. Émilie essaya de faire fuir ces inquiétudes de sa tête, en vain. Maintenant elle ne pensait qu'à ça, au point qu'elle ne remarqua pas la présence de ces mystérieuses ombres, cachées dans les buissons et arbres qui bordaient la voie. Ce n'est qu'à mi-chemin qu'elle en débusqua une, la lueur du soleil s'étant réfléchie sur la lame de son poignard. Le jour de bonheur d'Émilie prenait une tournure inattendue.


[OLD] Le Jour de Bonheur d'ÉmilieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant