[OLD] Le Jour de Bonheur d'Émilie

IV

         Émilie parvint à garder son sang-froid et resta neutre. Elle devait rester innocente aussi longtemps que possible, afin de repérer un maximum d'assassins. Ses nombreuses missions lui avaient appris à privilégier l'analyse à la précipitation, ainsi elle pouvait rapidement élaborer un plan optimal et l'exécuter à la perfection. Elle ralentit le rythme de sa marche, mimant une fatigue due à la longue montée. De cette façon, elle pouvait prendre son temps et observer avec des coups d'œil furtifs les alentours. Elle dénombra cinq ennemis, trois sur sa gauche, deux sur sa droite. Comme toujours, le fourreau de son épée courte était sanglé dans son dos, caché par une cape si ample qu'on ne pouvait deviner sa forme.

         Elle ne souhaitait pas attaquer la première. Il était tout à fait possible que tout ce stratagème fasse partie d'une quelconque épreuve imposée par l'Archi-Mage Byrd. Émilie avait déjà tué par le passé, mais elle préférait éviter les effusions de sang si cela était possible. Bientôt elle approcha du sommet de la colline, symbolisant également la fin des allées de buissons et d'arbres. Ils ne s'étaient toujours pas révélés, et leur opportunité allait disparaître sous peu. Émilie espérait sincèrement qu'ils allaient en rester là, qu'elle allait pouvoir entrer dans le Tribunal de la Magie et avoir des explications. Mais évidemment, elle entendit une lame frotter doucement les feuillages. Une lame que l'on s'apprêtait à lancer.

         Émilie esquiva sans difficulté le couteau qui alla se planter entre deux pavés derrière elle. Un second surgit dans un angle-mort, mais d'un bond en arrière la jeune femme put se repositionner et prévoir les prochaines attaques de ses adversaires. Deux personnages masqués l'attaquèrent sur sa droite et sur sa gauche. Émilie brandit sa paume gauche et projeta une gerbe de Magie de feu sur son assaillant, brûlant gravement son visage. Il stoppa son offensive et partit dans un concert de mouvements chaotiques mélangé à des cris de souffrance. Dans le même temps, elle dégaina son épée et trancha la gorge du deuxième homme avant que celui-ci n'ait pu s'approcher. Entendant de nouveau une lame sur le point de siffler, elle releva le blessé et s'en servit comme bouclier humain. Son visage calciné accueillit un couteau au niveau du front, et ses cris de douleur stoppèrent.

         Deux autres ennemis apparurent devant Émilie, restant à distance. Elle ne pouvait pas les atteindre avec sa Magie, et les couteaux du dernier assassin continuaient de passer près d'elle. Courir vers eux aurait été trop risqué, mais elle ne pouvait pas maintenir cette situation très longtemps. Alors, les deux assaillants révélèrent des couteaux de lancer dans leur main, et s'empressèrent de les lancer vers la jeune femme. En vérité, elle aurait pu éviter les trois lames sans grande difficulté, mais elle laissa volontairement l'une d'elle l'atteindre à l'épaule, et s'affaissa. La douleur était désagréable mais pas insupportable, et comme elle l'espérait, les deux ennemis ruèrent droit vers elle, dans une tentative vaine de l'achever. Comme si sa blessure n'existait pas, Émilie se releva et dévia une première lame, tournoyant sur elle-même. En prolongement de son geste, elle transperça de part en part le ventre du second homme, ne retirant son épée que pour taillader mortellement le dos du premier sur toute la longueur. Son geste fut si fluide et si gracieux que le sang sur sa lame se dispersa sur la voie, lui rendant sa blancheur pure.

         Le dernier assassin semblait avoir arrêté ses lancers, et commençait à fuir. Comme on lui avait appris, Émilie comptait le capturer afin d'en obtenir des informations. Mais alors qu'elle s'apprêtait à le poursuivre, elle sentit une présence étrangère, et l'homme, toujours caché dans les buissons, s'arrêta. Il cria quelques mots d'excuse et de pitié, avant de surgir sur la route et de se précipiter maladroitement vers Émilie. Il semblé comme enroulé par une sorte de long fil fin, parsemé de petits piques qui étaient plantés à de nombreux endroits de son corps. Émilie remarqua également que le fil continuait jusqu'aux buissons d'où était sorti l'homme. Elle brandit son épée, quand soudain la base du fil commença à s'embraser. Les flammes remontèrent le cordon, comme si elle suivait un chemin. Le feu entoura le corps de l'homme, et il gagna soudain en intensité. Émilie dut reculer pour éviter la chaleur, et n'arriva qu'à entrapercevoir une mine horrifiée dans les flammes. Après quelques interminables secondes, l'assassin, méconnaissable, s'écroula sans vie au sol. Une grande figure apparut sur la voie, d'où provenait le fil.

— Bien, bien jeune fille. Bonne performance. Tu es prometteuse, j'ai été bien renseigné.