[OLD] Le Jour de Bonheur d'Émilie

XVI

        Voilà. C'était fini. Tavier s'écroula sur son bureau, sans vie. Sa blessure commençait à former une flaque de sang au niveau de son siège. Émilie resta immobile. Le liquide rouge allait atteindre ses bottes quand son amie la tira en arrière pour l'enlacer. Ce n'est que là qu'Émilie laissa libre cours à ses émotions, et elle commença à rire de soulagement. Son amie en profita pour récupérer l'Amena de ses mains et rembobina le fil qui s'était accroché dans le dos de Tavier. Par la même occasion, elle prit l'une des lettres sur le bureau, et s'en servit pour nettoyer le sang sur la lame et les piques.

— Ça y est mon chou. Tu as réussi !

— Oui... Oui, tout est fini.

— Un peu plus d'enthousiasme voyons ! Tu vas devenir le Khatan de Byrd !

— Je sais, j'en suis très heureuse crois-moi. Je me disais juste... Qu'il y aurait pu avoir un autre dénouement que celui-ci.

— N'y pense pas mon chou ! Dis-toi que Tavier ne méritait peut-être pas sa mort, mais qu'il la souhaitait !

— Peut-être... Je ne sais pas s'il faut le voir comme ça.

— Allez mon chou, reprends-toi ! Ce n'est que passager, et tu le sais aussi bien que moi !

— D'accord, je vais essayer...

— Merci mon chou ! Profite de ton jour de bonheur !

— Venez dans la ruelle à côté. Toutes les deux. Ne touchez pas au cadavre.

        L'Archi-Mage Byrd. Ni Émilie, ni son amie n'avaient remarqué sa présence. Sa voix froide et désintéressée réussit l'exploit de geler sur place l'amie d'Émilie. Il lui fallut plusieurs secondes pour qu'elle relâche sa prise, et fasse disparaître cet air apeuré sur son visage. Émilie se libéra du câlin, et observa à nouveau Tavier. Cette fois, son masque l'intrigua vraiment. Mais pour l'heure, il ne fallait surtout pas faire attendre l'Archi-Mage. Abandonnant le cadavre derrière elles, Émilie et son amie sortirent de l'immeuble pour rejoindre la petite ruelle adjacente. Désormais le soleil était sur le point de disparaître, seuls quelques rayons éclairaient le lieu où se trouvait Byrd. Comme d'habitude, il semblait pensif, alternant son regard sur Émilie et son amie.

— Tu as accompli ta mission Émilie. Félicitations.

— Merci Archi-Mage.

— Tu noteras cependant que cela ne fait pas de toi mon Khatan. Je n'ai jamais précisé que cette mission t'accorderait ce titre.

— Quel était son objectif alors ?

— A déterminer certaines choses. Le chemin que tu tracerais, disons.

— Ai-je échoué ?

— Non. En réalité, je ne vois qu'une seule manière d'échouer.

— Laisser Tavier vivre ?

— Son sort n'importait pas vraiment. Ta mort, voilà le seul échec possible.

— Je vois. Que va-t-il se passer maintenant ?

— Ta véritable épreuve commence. Car tu n'as pas fait qu'assassiner Tavier. Tu as trouvé la complexité dans une mission des plus simples. Et avec tous les éléments que tu as rassemblés, tu as décidé de tout de même le tuer. Arrête-moi si j'ai tort.

— Non Archi-Mage. Grâce à sa correspondance avec vous, j'ai pu en apprendre beaucoup.

— Par conséquent, j'en viens à la conclusion que tu as en toi une forte détermination. Une détermination à devenir mon Khatan, et à servir l'Empire ; quoiqu'il en coûte. Peu importe les éléments qui se dresseront sur ton chemin.

— Oui, Archi-Mage.

— Parfait. Tout est réglé alors. Passons à la conclusion de cet acte.

— Je vous écoute, Archi-Mage.

— Tue-la.

         Pour la première fois, lanonchalance quitta le visage de Byrd, remplacée un sérieux imperturbable. Sonregard de fer et son doigt à peine dressé pointaient tous deux vers l'amie d'Émilie. Son jour de bonheur touchait à sa fin.