[OLD] Le Jour de Bonheur d'Émilie

XVII

        Le monde s'était arrêté. Émilie était figée dans le temps et dans l'espace. Seules ses pensées continuaient de tourbillonner dans sa tête. Des pensées qui lui criaient toutes, sans exception, de se réveiller de ce cauchemar. Car l'ordre de Byrd était irréalisable, alors jamais il n'aurait pu correspondre au bon déroulement de son jour de bonheur. Mais peu importe à quel point elle se le hurlait mentalement, rien ne changeait. Byrd était toujours là, avec son expression accusatrice. Du coin de l'œil, Émilie parvint à voir sa camarade. Jamais elle ne l'avait vu avec un visage aussi apeuré. En réalité, elle ne l'avait jamais vu avoir peur. Mais cette première fois arriva en cet instant, car elle aussi avait réalisé la fatalité du moment. Peu importe le dénouement de tout ceci, ça ne sera pas celui qu'elle souhaitait pour son jour de bonheur.

— Me suis-je mal fait comprendre ? Émilie, tue-la.

Toujours impossible d'ouvrir la bouche, d'exprimer son incompréhension. Pourtant il le fallait, car Byrd n'allait pas se satisfaire d'un silence. Il fallait qu'elle dise quelque chose, n'importe quoi. Mais rien. Pas même la salive qui reposait dans sa bouche n'arrivait à descendre le long de sa gorge. Émilie aurait pu rester comme ça une éternité. Mais comme toujours, toujours dans les pires situations, son amie était là pour la sauver, la débloquer. Cela sera l'une des dernières fois.

— Archi-Mage, si je peux me permettre... Pourquoi me tuer ?

— Elle doit répondre de ses actes. Et toi aussi. Elle a juré allégeance à l'Empire, alors qu'elle le fasse. Car avant d'être son amie, tu es une criminelle.

— Non ! Ce n'est pas le cas !

         Ça y est. Elle avait réussi. Elle était enfin sortie de cet état de stase infini. Peut-être que la situation allait s'arranger, après tout.

— Archi-Mage Byrd ! Elle n'a rien fait de mal ! Je l'ai moi-même entraînée dans ma mission. La responsabilité est sur mes épaules !

— Oh Émilie... Je ne parle pas de ça. Après tout, elle a à peine agi dans toute cette affaire.

— Mais... Pour quelle raison alors ?!

— Tout d'abord, je lui ai fait une fleur. Si les gardes l'ont laissée passer, c'est uniquement parce que je leur avais dit de le faire. Si quelqu'un souhaite autant mourir, alors qu'on me laisse le plaisir de m'en occuper. Mais, il y avait quelque chose de spécial chez elle, sa réaction quand elle m'a vu. Elle m'intriguait, alors je l'ai laissée vivre. Peu après notre première rencontre, un de mes agents est venu m'avertir. On avait repêché deux cadavres dans le canal. Un homme et une femme. Ensuite, je n'ai pu m'empêcher de vous écouter, quand vous discutiez sur le chemin. Non, en fait je vous espionnais bien sûr. Bref, il n'y avait rien de bien intéressant, en dehors d'une chose. Tu as fait mention d'une histoire avec ses parents. Après vérification, il se trouve que je suis tombé sur une coïncidence bien intrigante. Vois-tu, les deux cadavres que nous avons trouvés... Son père, et sa mère. Poignardés à dix-sept reprises. Chacun.

— Non... Ce n'est pas elle, c'est impossible ! L'écart de temps est trop court !

— Tu cherches à voiler la vérité. Si son intention était uniquement de se débarrasser d'eux, elle n'avait qu'à agir rapidement. Un crime personnel, et qui échappa à mes guetteurs. Ça ne m'offre qu'une maigre liste de suspects. Et évidemment, ton amie est en première position. En fait, c'est la seule de la liste.

— Arrêtez ! Elle est innocente, j'en suis persuadée ! Il doit y avoir autre chose !

— Émilie, Émilie... Ça sera sans doute plus simple si tu te dénonces toi-même, ma chère.