XII

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        Tavier vivait dans un appartement typique des quartiers résidentiels. Le genre où il ne faisait pas bon vivre, sans pour autant faillir à son locataire. Le genre qui nous permettait de vivre, tout simplement. A cette heure-ci l'immeuble était presque désert, et Émilie, en qualité d'envoyée de l'Archi-Mage Byrd, disposait d'un droit presque absolu. Pour ces deux raisons, elle laissa son amie crocheter la serrure de l'appartement de Tavier, situé au deuxième étage. Le plan était d'inspecter les lieux afin d'en apprendre le maximum sur le lien entre Tavier et l'Amena, et accessoirement découvrir le motif de son imminent assassinat. Elle se mentait en justifiant cette enquête par l'envie d'accomplir sa tâche avec parcimonie. En réalité, elle ne voulait que satisfaire sa curiosité. Et peu importe ce qu'elle découvrira, Tavier mourra de sa main, car c'était son jour de bonheur.

         Émilie ressentit comme une vague de soulagement en entrant. Elle craignait trouver à nouveau une ambiance dérangeante, et surtout de voir de nouvelles figurines d'Aurore Farelle. Mais, à l'opposé de l'arrière-boutique, l'appartement de Tavier était des plus normal, ce qui par conséquent le rendait chaleureux. La lumière du soleil passait avec légèreté à travers des rideaux blancs, ce qui permettait d'admirer l'endroit sans problème. Le mobilier, quoiqu'un peu trop simple, n'était pas non plus déplaisant, et surtout bien nettoyé. Le manque cruel d'identité était le seul véritable défaut de l'appartement. En effet, les quelques décorations n'avaient aucune touche personnelle, seuls quelques cadres lambdas étaient disposés çà et là, représentant majoritairement des paysages. Émilie fut surprise de ne retrouver aucune trace d'Aurore Farelle. On aurait dit que cet endroit n'était pas habité par Benjamin Tavier, et pourtant nombres d'éléments le confirmaient.

         D'abord Émilie examina unepile de lettres se trouvant sur le bureau personnel de Tavier. Toutes, sansexception, étaient adressées au même destinataire et avaient la mention« renvoi après réception ». La première remontait à un mois et demi,la plus récente datait d'il y a deux jours. Ce qu'il y avait d'étrange, c'étaitqu'aucune ne mentionnait le nom dudit destinataire, uniquement son adresseétait indiquée : 17 rue du Dormeur à Persent. Évidemment, Émilie neconnaissait pas exactement la géographie de l'Empire, mais elle était certaineque cette adresse n'existait pas. Son amie fut du même avis. Tavier voulaitcorrespondre avec quelqu'un de très discret. Mais pour que cela fonctionne, ilfallait que le service postal, géré par le gouvernement, entame des démarchesspécifiques à l'encontre de ces lettres. Immédiatement, l'image de Byrds'imposa à Émilie. Elle était presque certaine qu'il était le destinataire deces lettres. Leur contenu l'aiguilla sur cette piste.


[OLD] Le Jour de Bonheur d'ÉmilieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant