XIX

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        Bien sûr, Byrd avait suivi Émilie. Il l'avait vue entrer dans la boutique de Tavier, elle était sans peur, déterminée et résolue. Intrigué, il avait laissé le temps s'écouler. Il permit même à son amie de la rejoindre, curieux de voir ce qu'elles préparaient. Il était certain qu'il n'y avait dans la boutique de Tavier aucun élément susceptible de les aider à s'échapper. Et au bout du compte, elles mourraient toutes les deux. Mais il était curieux, alors il leur laissa une chance. Vingt minutes après la venue de l'amie, il se décida à entrer pour les confronter. Il trouva Émilie dans l'arrière-boutique.

         Il pleuvait. On était en intérieur mais il pleuvait. Il n'y avait pas la moindre fuite dans le bâtiment mais il pleuvait. Il n'y avait pas le moindre nuage dehors, mais il pleuvait. Et il y avait une odeur. Celle du sang. Il y en avait partout, au sol, sur les murs, au plafond. C'était là qu'elle était. Entourée par une sorte de fil barbelé, qu'on avait accroché au plafond comme s'il s'agissait d'une décoration de festival, pour qu'elle tienne en l'air. Elle pendouillait là, sans vie. On ne pouvait deviner son visage, les fils meurtriers n'avaient épargnés qu'une seule zone : son sourire, un sourire d'acceptation.

         Les fils n'étaient pas les seuls responsables de tout ce sang. De là où il était, Byrd parvenait à discerner autre chose. Il en dénombra trois au ventre, trois sur chaque bras, trois sur chaque jambe, et une à la gorge. Ces coupures, toutes profondes, étaient sans doute responsables de la mort, et responsables de cette pluie morbide qui ne s'arrêtait pas. L'arme qui les avait provoquées reposait tranquillement sur un atelier, on le devinait au fil qui la rejoignait, et au sang accusateur qui en dégoulinait. Elle était plantée dans un genre de bout de journal. Elle était particulièrement mise en évidence, plus que le cadavre en lui-même. D'ailleurs, c'est là que Byrd remarqua un détail important. Les vêtements de la jeune femme avaient été arrachés, découpés même, au niveau de la poitrine, révélant ainsi ses attributs, qui d'ordinaire auraient séduit n'importe quel homme, sauf évidemment dans cette situation, étant donné qu'ils étaient colorés d'un rouge repoussant. Mais surtout, au niveau gauche de sa poitrine, une statuette de femme était incrustée. Une statuette semblable à celles qu'on trouvait au sol. Incrustée si profondément qu'elle tenait à la verticale, dans le corps de la victime. Mais Byrd ne put y penser plus longtemps. Puisqu'une autre femme, vivante celle-ci, se révéla à ses côtés. Il fit un bond en arrière, de peur. Son sourire était terrifiant.

— Ah mon chou, vous voilà enfin ! Vous étiez long, alors j'ai préparé ça ! Qu'en pensez-vous ?

— Vous... Vous avez fait ça ?

— Mais bien sûr !

         Elle s'approchait de lui. Son sourire était horrifiant.

— Vous êtes folle... Vous êtes folle...

— Alors mon chou ? Je peux devenir votre Khatan ?

— Quoi ? Vous avez perdu la tête, rien ne va...

— Vraiment ? J'ai fait ça pour rien mon chou ? Oh non, il ne faut pas dire ça mon chou !

         Elle s'approchait encore plus. Il reculait, pour s'éloigner d'elle. Guidé par la peur, il s'empara même d'une statuette qui traînait sur une étagère, ayant oublié sa propre épée. Il agita son arme improvisée devant lui, espérant la faire fuir de cette façon. Ça ne marchait pas. Son sourire, son sourire, son sourire, son sourire, son sourire. Son sourire montrait qu'elle acceptait.

— N'approchez pas ! Reculez !

— Vous me décevez mon chou. C'est bien dommage.

         Elle se rua sur lui. Ilcria, mais ça ne changea rien. La statuette d'écureuil roux tomba au sol, etune dague était plantée dans l'œil de Byrd.


[OLD] Le Jour de Bonheur d'ÉmilieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant