Elle s'est enfin tue

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Une machine postée à côté de mon lit d'hôpital était reliée à mon bras, on m'avait dit qu'elle était chargée de me nourrir. Je regardai l'aiguille enfoncée dans ma veine en pleurant. Je ne faisais que cela depuis j'étais arrivée dans cette chambre, je pleurais. J'étais sobre depuis bien trop longtemps, une nuit et une moitié de journée, et je n'en pouvais déjà plus. Je voulais mourir. Si c'était ainsi que j'étais obligée de vivre, je voulais mourir. Je voulais que ça s'arrête. Je ne pouvais que penser à la merde que j'étais, et à la merde qu'était ma vie. Que mes parents avaient perdu la vie sous mes yeux, et je le voyais et je le revivais en boucle. Que j'avais achevé mon propre frère, lui qui s'était trouvé là pour la seule et unique raison qu'il voulait me protéger, et je le voyais en boucle, et je le revivais en boucle. Ils mourraient, ils mourraient encore et encore. Et moi j'étais seule, je n'avais plus rien, je n'avais plus personne. Je n'avais ni présent ni futur, tout ce que j'avais c'était un passé que je ne pouvais plus atteindre. Puis je me revoyais perdre la tête, et j'étais obligée de constater quelle déception j'étais pour mes parents et mon frère, et je me revoyais incapable de gérer ce qu'il était arrivé à ma famille, et je ne pouvais que penser à quel point mes parents et mon frère devaient être dégoûtés de moi. Et je repensais à Theodore, lui qui m'avait ouvert les portes à la seule et unique chose qui m'avait permis une bouffée d'air frais parmi cette incommensurable douleur. Il m'avait permis de survivre, il m'avait donné une porte de sortie. Et puis je le revoyais me violer, me frapper, m'agresser, et je le revoyais se vider de son sang sur le sol de ma chambre, et je me souvenais que j'avais fait cela. Que j'étais une meurtrière. Que j'avais mêlé Blaise à tout cela. Et qu'il m'avait abandonnée à son tour. Et c'était là tout ce que je pensais, tout ce que je voyais et que je revivais en boucle, sans cesse, à chaque instant de chaque minute, et je pleurais, et je voulais mourir. Je voulais que ça s'arrête, il fallait que ça s'arrête. Ma tête ne me permettait pas une seule seconde de répit, elle m'envoyait image après image, commentaire acerbe sur commentaire acerbe, et je ne pouvais que subir, parce que je n'avais aucune échappatoire. Ils pensaient tous me sauver, mais ils étaient en train de me tuer. Il fallait que je meure. Il fallait que ça s'arrête.

La porte de ma chambre d'hôpital s'ouvrit et Blaise y entra. J'inspirai à nouveau pour la première fois depuis trop longtemps. Je m'asseyais sur mon lit alors qu'il s'approchait tout doucement de moi. Ses yeux rouges m'indiquaient qu'il avait pleuré. Mon propre visage était inondé de larmes. Il posa une main sur ma joue alors que je le suppliai en chuchotant, lui attrapant la main :

- Blaise... Blaise je t'en supplie, il faut que tu me sortes d'ici...

Une larme coula sur sa propre joue alors qu'il me regardait avec une mine de douleur intense. Ses yeux si bruns et pénétrants étaient gorgés de larmes et ses mâchoires étaient si serrées qu'elles tremblaient alors qu'il s'efforçait de me regarder dans les yeux.

- Blaise, je vais mourir si je reste ici. Je ne peux pas, chuchotai-je à travers mes sanglots, je ne peux pas.

D'autres larmes coulèrent le long de ses joues alors qu'il fixait maintenant le sol, incapable de me voir dans un tel état de détresse.

- Je les vois, continuai-je comme je le pouvais, je n'arrête pas de les voir... Je les vois mourir, je les vois mourir et ça n'arrête pas.

Les sanglots et la douleur m'empêchèrent de parler quelques instants avant que je ne puisse reprendre sous les yeux pleins de larmes de Blaise :

- Je ne peux pas Blaise, je vais mourir si je reste ici...

Il pinça ses lèvres tremblantes et je cru le voir acquiescer doucement de la tête. Il ne réfléchit pas plus longtemps, enleva l'aiguille qui était enfoncée dans mon bras, me détacha du lit d'hôpital d'un coup de baguette magique et me souleva du lit en me portant contre son torse. Je laissai ma tête reposer contre celui-ci et fermai les yeux. Il était là. Il était revenu pour moi. Je pouvais entendre son cœur battre contre mon visage. Je sentais son odeur chaleureuse. Il était revenu pour moi. Il ne m'avait pas laissée. J'allais pouvoir boire à nouveau, pensai-je alors qu'une soudaine vague incroyable de fatigue m'envahissait. J'allais pouvoir oublier.

Alpha OphisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant