Chapitre 9

180 8 0
                                    

Annabelle rêvassait devant son ordinateur, sans pour autant que son esprit capte le fruit de ses pensées.

— So, Was ist Hana machen ?

La question de sa professeure d'allemand la surprit et la ramena à son manuel numérique. Indubitablement... elle ne comprit rien. Elle n'était pas non plus sûre d'avoir bien compris la question, mais elle s'en fichait, ce n'était pas à elle qu'on demandait. Enfin, ça, c'était encore à vérifier en observant les yeux quémandeurs et chercheurs de l'adulte. Celle-ci n'eut pas à interroger un élève d'elle-même puisque l'un d'eux se porta volontaire.

De nouveau, Anna retourna dans ses rêves sans plus se préoccuper de son cours d'allemand. De toute façon, celui-ci ne durait qu'une heure et si après cinq ans elle retenait « Guten Tag, wie geht es dir ? Ich heisse Annabelle aber ich spreche nicht Deutsch » c'était déjà pas mal. On venait d'ailleurs de lui rappeler que « wie geht es dir » ne demandait pas l'heure mais comment allait-on. Merci à sa voisine de derrière et de table. Elle n'avait rien contre la langue de Freud, simplement, elle n'arrivait pas à l'apprendre. En même temps, dirait-elle, si l'enseignement avait été meilleur et que ses premiers enseignants n'adhéraient pas à l'absentéisme scolaire, elle n'en serait pas là. Enfin, tout ça n'était peut-être que des excuses pour couvrir son manque d'intérêt de plus en plus évident.

— Annabelle, Was ist Hana machen ?

Ça, elle ne l'avait pas vu venir, elle devait bien l'avouer. Et pourtant que de fois n'avait-elle souffert de l'habitude de sa professeure de poser plusieurs fois la même question. Elle reprit rapidement une posture favorisant la réponse à un professeur et jeta un regard désespéré, mais rapide, à Naëlle. Celle-ci lui glissa bien évidement la réponse, mais pas dans la bonne langue. Avec son pauvre vocabulaire, elle devait maintenant retranscrire l'idée du voyage avec le verbe « machen ».

— Sie... Mâchen eine Trip ? hésitât-elle.

Son regard se jetait partout dans la classe, rencontrant ceux compatissant de ses camarades alors que l'enseignante la reprenait. Au fil des explications, elle répondait un « Ya » affirmé mais, cherchant à moitié désespérément à comprendre où était son erreur.

— Verstehen ?

— Ya !

— Gut, so, Mit wir Hana machen sein Trip ?

— Was ?

La quinquagénaire sourit en regardant son élève. Elle attendait peut-être une réponse de sa part malgré l'incompréhension dont elle venait de témoigner.

— Sofia ?

Anna souffla alors qu'elle se tournait vers son amie qui lui lançait désormais des regards effrayés à elle et Naëlle. Pendant que la professeure tentait d'expliquer tant bien que mal ce qu'elle voulait de la jeune fille sans utiliser le français, la plus jeune du trio se retourna vers son ordinateur, délaissant le malheur de son amie et surtout, sachant très bien que si elle restait une seconde de plus dos à l'adulte elle aurait droit à une réflexion, ou pire, à répondre à une deuxième question. Cependant, une fois devant son écran, une idée lui vint. Rapidement, elle se dirigea sur hIDe et ouvrit sa discussion avec « Sugar ».

De Anna à Sugar :
Tu prévois de venir en France quand ?

De Sugar à Anna :
J'ai jamais dit que je prévoyais d'aller en France. ?

De Anna à Sugar :
Je sais, mais je te demande ça pour te faire savoir que si jamais tu veux aller en France je peux tenter de me débrouiller pour te loger et te faire visiter ma ville. D'autant plus que mes parents ne voudront jamais que j'aille en Corée seule.

De Dijon à SéoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant