57.

423 10 0
                                    

Karol

- Prends ton temps, tu n'es pas obligée de m'en parler m'assure-t-il doucement.

J'acquiesce lentement, les yeux tournés vers mes mains entortillées sur la table.
J'ai une énorme boule au ventre à l'idée de lui raconter, à l'idée de revivre juste un court instant certains passages de cette période de ma vie.

- Quand je me suis mise avec lui, personne n'a vraiment compris mon choix. Les garçons n'arrêtaient pas de me demander ce que je lui trouvais, et les filles ne cessaient de me répéter combien il m'avait fait du mal.

- Et pourquoi tu as décidé de te mettre avec lui ?

Je hausse les épaules.

- Parce que quand tu es partie, j'avais la sensation constante d'être seule. J'avais l'impression que je n'arriverais jamais a me sentir de nouveau bien, et Sebastian a eu les mots que j'avais besoin d'entendre à cette époque de ma vie. Des mots faux pour sa part, mais j'allais tellement mal que ça aurait pu être n'importe qui, je l'aurais cru.

Je le vois simplement hocher la tête, certainement pour me laisser continuer à mon rythme sans trop forcer sur les questions.

- En soit, au début ça se passait bien, j'avais l'impression qu'il me comprenait. Je commençais à croire que j'avais eu raison de lui faire confiance, et que les autres se trompaient sur son compte, jusqu'au moment où j'ai moi même commencé à avoir des doutes.

Je touche nerveusement mes bagues à l'idée de poursuivre mon monologue. C'est tellement honteux pour moi, je m'en veux de toutes les façons possibles d'avoir été aussi naïve et d'avoir cru à ses promesses.

- Je ne lui ai rien raconté de notre histoire ou de ce qu'il c'était passé, mais pourtant j'avais l'impression qu'il était déjà au courant de tout. Il trouvait toujours la réponse parfaite quand on abordait ton sujet, il me disait qu'il avait essayé de t'empêcher de me faire du mal, qu'il te connaissait et que tu étais bien trop imprévisible pour être stable avec une quelconque fille.

Ma gorge se resserre, petit à petit, comme un serpent qui s'enroule autour de sa proie, puis mes yeux s'humidifient.

- Il a réussi à me faire douter de toi.
Je m'en veux Ruggero si tu savais dis-je en plaquant ma main contre ma bouche.

Les premières larmes perlent sur mes joues. La culpabilité me ronge et je me trouve nulle d'avoir cru Sebastian. Je me trouve nulle d'être tombée dans le panneau alors que la vérité paraissait évidente, je me trouve nulle d'être aussi fragile et naïve. Je me trouve nulle de ne pas avoir réussi à me tenir à l'écart de lui.

- Je m'en veux d'avoir pu croire ne serait-ce qu'un instant que tu m'avais manipulé.

- Tu n'as pas à t'en vouloir pour ça me dit-il alors que je pleure pour de bon. Le coupable dans cette histoire c'est lui, pas toi, tu ne dois jamais t'en vouloir pour avoir pensé que c'était quelqu'un de bien tu m'entends ?

Je pose mes coudes sur la table puis passe mes mains dans mes cheveux, triste et énervée contre moi même.

- Mais j'ai préféré le croire lui, j'ai préféré écouter ses mots plutôt que les vôtre. J'ai préféré oublier ce que tu avais fait pour moi pour lui donner raison, rugge.

Mon regard rencontre le sien, et je n'aperçoit même pas une once d'énervement à mon égard. Ses sourcils sont froncés, comme s'il détestait ma façon de voir les choses, puis il tend sa main vers moi. Je la regarde dans un premier temps, pas certaine de ce que ce geste signifiait, et finalement je dépose ma main dans la sienne.

- C'était son but, Karol. Et c'est aussi son but de te faire culpabiliser pour quelque chose dont tu n'es pas responsable. Ne te préoccupe pas de nous, concentre toi sur toi, on veut que tu ailles mieux et que tu te sortes de là c'est tout ce qu'on te demande.

Je hoche la tête de haut en bas, émue par la douceur de sa voix. Parce que je me rends compte, je me rends compte que malgré tout, il est encore là pour moi, qu'ils ont tous toujours était présents quoi qu'il arrive.

- Est-ce que je peux te poser une question ? me demande-t-il. Si tu ne veux pas y répondre tu n'es pas obligée, d'accord ?

- Oui, vas-y.

- Est-ce qu'il est déjà allé plus loin que la manipulation, avec toi ?

Je mets du temps à répondre à cette question. Je le sais. Je sais pertinemment aujourd'hui qu'il était coupable, que rien n'était de ma faute et qu'il était conscient de ses gestes. Je sais qu'à l'époque je me rassurais en me disant qu'il n'était pas méchant, que je ne racontais pas tout quand on me posait la question et surtout, que je l'ai toujours protégé sans raison.

Ma main resserre doucement le sienne, comme pour lui donner une réponse silencieuse.

- Oui. Il est déjà allé plus loin.

Je déglutis, toujours très nerveuse de parler de ce sujet.

- Il a commencé par lever la main sur moi, de temps à autre, quand on se disputait. Puis un jour il est allé au bout. J'ai eu un bleu sur la tempe pendant une semaine, je n'ai voulu voir personne, parce que j'avais honte.

Ma main libre tremble, mais j'essuie quand même ma joue d'un geste lent.

- Il l'a refait plusieurs fois, surtout quand il était énervé. Il me faisait comprendre que c'était de ma faute s'il était dans cet état là, et que je le cherchais.

Je lâche sa main pour passer les miennes sur mon visage. Mes larmes coulent, ma gorge me fait mal et mon coeur se brise. Je sens une nouvelle fois ses coups sur moi, sur mes bras, sur mon visage. Ses doigts qui cramponnaient ma mâchoire pour m'éviter de bouger, et ses yeux rempli de rage qui me regardaient. Il voulait me faire du mal, il aimait ça.

- Tu sais que ce n'est pas de toi faute, hein ? me demande Ruggero d'une voix douce et rassurante.

- Maintenant, oui.

- Tu es très courageuse Karol, tu le sais ça ?

J'acquiesce machinalement avant de me remettre à pleurer, puis il me tend ses bras et je me blottis contre lui. Je ne sais pas réellement si je suis courageuse, je sais simplement que j'ai réussi à ouvrir les yeux, et que je veux changer la situation. Je ne me considérerais plus jamais comme la coupable, mais lui le restera.


~~

heyyy petite note de l'auteure !

Ce chapitre aborde le sujet des violences conjugales ainsi que les répercussions morales de celles-ci.

Si jamais vous subissez la même chose, n'oubliez pas que vous n'êtes pas seul (e). Il existe des numéros à appeler notamment le 3919 qui est accessible 24h/24 et 7j/7.
Si jamais comme karol vous avez été victimes de violences, n'hésitez surtout pas à consulter un spécialiste pour en parler.

Prenez soin de vous, c'est l'essentiel.

~~

SMS ruggarol 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant