Le prince d'Andoria (BxB)

Mariage

Alexandre

-    Cette fois-ci s'en est trop ! Je démissionne ! Je ne suis pas assez payé pour surveiller un prince qui préfère s'enfuir dans le lit de femmes de petite vertue plutôt que de faire son devoir !

Je levai les yeux au ciel et avec un grand sourire que je savais insolent, ouvrit grand la porte de ma chambre.

-    Mais je ne te retiens pas mon cher, dis-je en désignant l'ouverture ainsi créée.

Mon garde du corps – ou ancien garde du corps ? – me jeta un regard glacial et sortit de ma chambre d'un pas rageur, les poings serrés sur ses flancs. Cela devait faire la troisième fois en moins d'un mois qu'un des soldats assignés à ma garde par mon père le suppliait de le transférer ailleurs. Je devais bien l'avouer, la plupart de ces démissions étaient sciemment provoquées. Je ne supportais pas d'être enfermé dans le château et les questions politiques ne m'intéressaient que très peu. Toute la cour était persuadée que je m'efforçais d'échapper à mon devoir de prince pour aller m'acoquiner avec les prostituées de la ville. J'étais très conscient que les gardes venaient d'abord me chercher dans les maisons closes lorsque je disparaissais. Je mettais un point d'honneur à ce qu'ils m'y trouvent toujours. J'avais réussi à soudoyer un garçon qui venait me prévenir dès qu'un des gardes se mettait à ma recherche. Forcément, les courtisans et les serviteurs racontaient maintenant à qui voulait l'entendre que je n'étais rien de plus qu'un petit prince pourri gâté et pervers. Pourtant, rien n'aurait pu être plus faux. En réalité, je préférais largement passer mes journées déguisé en paysan pour aider les habitants de la ville qu'à courir les jupes des filles. Aucune femme n'avait jamais réussi à retenir mon regard. Je savais que ce n'étais pas normal. Après tout, j'avais déjà 22 ans et la plupart des hommes de mon âge avaient au moins eu une aventure – s'ils n'étaient pas carrément mariés et père de famille. Je faisais mon possible pour ne pas m'attarder sur cette différence. On m'avait bien fait comprendre que c'était une tare. Un jour ou l'autre, mon père, le roi, me choisirait une épouse. J'espérais que je tomberais amoureux d'elle. Sans savoir pourquoi, cependant, cette perspective me serrait la gorge, comme si une part de moi savait ne jamais pouvoir trouver le bonheur dans cet avenir tout tracé.

Je chassai bien vite mes idées noires pour me reconcentrer sur mon but premier : m'échapper encore une fois du château. Le garde du corps parti, j'avais le champ libre et décidai de m'enfuir par la grande porte pour une fois. Je réuni mes affaires dans un petit sac – une tunique et un pantalon usés ainsi qu'une capeline pour dissimuler mon visage – et sorti à mon tour. La grande porte – et la liberté – n'étaient plus qu'à quelques mètres lorsqu'une voix retentit derrière moi.

-    Prince Alexandre, vous allez quelque part ?

Je retins une grimace et placardai un immense sourire innocent sur mon visage avant de faire volte face. Victor, mon maitre d'arme et mentor, se tenait droit comme un piquet, sa main gauche sur le pommeau de son épée impeccablement nettoyée. Sa carrure imposante, ses cheveux grisonnants et ses cicatrices de vétéran de guerre lui donnaient un air autoritaire et impressionnant. Ses yeux, en revanche, plissés par un petit sourire malicieux, trahissaient immédiatement sa véritable nature enjouée. Le ton qu'il avait employé pour m'arrêter était ferme mais attendri et je savais qu'il ne me sermonnerait pas réellement. Victor était bien la seule personne dans tout le château qui pouvait me faire obéir aux ordres en dehors de mon père. Je le considérais plus comme un père que mon propre géniteur. Lui avait toujours été là pour moi et représentait un soutien indéfectible depuis la mort de ma mère. Malheureusement pour moi, cela signifiait également que je ne m'échapperais pas cette fois-ci. J'aurais dû choisir le passage secret finalement... Je pris une grande inspiration, laissai tomber mon sac dans un coin où je savais que je pourrais le récupérer plus tard, et rejoignis le vétéran d'un pas trainant.