Victor

128 6 0
                                    

Damien

Le fer mangeait la peau de mes poignets et de mon cou. La cellule dans laquelle on m'avait enchainé était exigüe et humide, à peine assez grande pour contenir deux hommes assis. On m'avait retiré mes vêtements pour ne laisser que mon bas et je frissonnais. Je ramenai mes genoux contre ma poitrine et enfoui ma tête dans mes bras. Les chaînes tintaient cruellement à chacun de mes mouvements.

J'étais désespéré. Je n'aurais jamais du laisser mes sentiments pour le prince altérer mon jugement. Par ma faute, il était condamné à souffrir et je ne pouvais plus rien y faire. Je me rendais compte maintenant que c'était une erreur de lui dire que je l'aimais. Je pensais que je n'allais pas survire à ce coup de couteau. Sans les onguents de Gisèle, je savais pertinemment que ça aurait été le cas. J'avais été égoïste et je me sentais coupable.

Pourtant, je n'arrivais pas à regretter ces quelques moments de bonheur volé. J'aimais Alexandre de toute mon âme et j'étais heureux de pouvoir quitter ce monde en ayant en mémoire le goût de sa peau et de ses lèvres, la douceur de ses caresses et la mélodie de sa voix. Je fermai les yeux et plongeai dans mes souvenirs. Nous n'avions eu l'occasion de faire l'amour qu'une seule fois mais je savais que j'emporterais ces visions avec moi dans l'au-delà. Je pourrais peut-être demander à Lirion et Térris de veiller sur mon amour. Avec un peu de chance, ils me laisseraient même retourner sur terre sous la forme d'un esprit pour le protéger moi-même.

Je me perdais dans le souvenir d'Alexandre lorsque j'entendis des pas se rapprocher de ma cellule. C'était étrange. Cela faisait plusieurs heures que j'étais ici et personne n'avait cherché à me parler. Les gardes s'étaient contenté de m'enchaîner en me jetant des regards désapprobateurs avant de refermer la porte de ma petite cellule. Je savais pertinemment que personne ne m'amènera à manger ou à boire. A quoi bon nourrir un condamné à mort ?

Je relevai donc la tête, curieux, et aperçu une silhouette qui me semblait familière. La mystérieuse apparition portait une torche et je ne distinguais pas encore son visage mais une seule de mes connaissances avait cette carrure.

- Victor ?

- Shhhh, ne fais pas de bruit Damien. Je n'ai pas le droit d'être ici.

Je l'observai avec étonnement ouvrir la porte de ma cage et s'assoir en face de moi. Même lui n'avait pas trop l'air de savoir pourquoi il était là. Il soupira avant de poser la question qui semblait lui bruler les lèvres.

- Est-ce que ce que le roi a dit est vrai ?

- Hein ?

- Tu es amoureux du prince ?

Oh...

- Oui. Je l'aime plus que ma propre vie.

Victor soupira de nouveau et sembla lutter contre lui-même. Je fronçai les sourcils.

- Pourquoi tu veux savoir ça ?

- Parce-que je... Bon, écoutes, je ne dis pas que je comprends ou que j'approuves. Je ne conçois pas comment deux hommes peuvent s'aimer comme un homme et une femme.

- Victor si c'est pour me dire ça tu...

- Mais ! Mais, je tiens beaucoup à vous deux et si c'est ce que vous avez choisi alors je n'arrive pas non plus à voir le mal là dedans. Je ne comprends pas mais je refuses aussi de penser qu'une chose aussi innocente et pure que de l'amour puisse mener à condamner quelqu'un à mort.

Je ne su quoi répondre. Je finis par hausser les épaules. Je m'étais résigné et je ne m'attendais pas à ce que qui que ce soit vienne à mon secours. La mort m'attendait et personne ne pouvait rien y faire. Je compris que j'avais peut-être tort lorsque je vis Victor sortir une clé de sa poche et déverrouiller mes chaînes. Je lui jetai un regard incrédule et le vieil homme me fit signe de filer. Il m'expliqua qu'il avait endormi les gardes et que j'avais une heure pour aller délivrer Alexandre et m'enfuir du château avant qu'il ne sonne l'alarme. Je ne perdis pas une seconde de plus et me précipitai hors de la cellule, non sans avoir lancé un regard empli de gratitude à Victor.

Je couru dans les couloirs, évitant habilement les rondes de nuit dont je connaissais les trajets par cœur. Lorsque j'arrivai près de la porte de la chambre d'Alexandre, je me retrouvai devant un problème. Un garde en armure était posté devant et semblai très attentif. J'étouffai un juron et me préparai à me battre lorsqu'une main se posa sur ma bouche. Une voix familière me chuchota à l'oreille et je me détendis aussitôt.

- Je m'en occupe ! Toi, libères Alexandre et partez d'ici. Victor m'a prévenue et j'ai fais préparer des chevaux pour vous à la sortie du passage secret.

Je me retournai et serrai Héléna dans mes bras. Je n'eu pas le temps de la remercier davantage puisqu'elle avait déjà commencé à faire son chemin vers le garde.

- Bonjour, joli cœur, roucoula-t-elle en mettant en avant sa poitrine généreuse et en se collant à lui. Alors ? Le prince ne t'as pas donné trop de fil à retordre ? Quelle plaie pour moi. Je vais devoir l'épouser alors qu'il est tellement bizarre... J'aurais bien besoin de quelqu'un pour m'aider à... évacuer toute la tension qui va s'accumuler, si tu vois ce que je veux dire.

Le garde tomba immédiatement dans le panneau et suivit Héléna dans un coin éloigné avec un rire qui trahissait ses pensées obscènes. J'espèrerai fugitivement que la princesse ne risquait rien mais je la savais assez forte pour s'en sortir seule. Je bondis de ma cachette et forçai la porte avant de la refermer vivement derrière moi. La vision qui s'offrit alors à moi me donna envie de faire un détour par la chambre du roi pour l'assassiner. Alexandre était endormi sur son lit, roulé en boule. Ses mains étaient rouges à force d'avoir trop tiré sur ses liens et sa cheville enchaînée était meurtrie. Même dans son sommeil, ses épaules semblaient de temps à autre secouées de tremblements et de sanglots. Je serrai les dents et m'approchai doucement de lui. Je ne voulais pas lui faire peur et qu'il alerte la garde en criant. Je n'avais pas le temps de le réveiller en douceur cependant et je décidai donc de poser une main sur sa bouche. Aussitôt, Alexandre ouvrit grands les yeux et se débattit, manquant de m'assommer à coup de pied.

- Shhhh, shhh, ce n'est que moi. Al', regardes moi.

Ma voix eu un effet immédiat sur lui. Il cessa de lutter et se jeta contre moi en pleurant.

- Oh Damien, Damien mon amour, j'ai cru que je ne te reverrais jamais.

- Tout va bien, je suis là maintenant et je vais te sortir de là.

- Mais comment tu as fais ? Comment tu as pu t'échapper ?

- Victor m'a aidé mais on a pas de temps à perdre, il faut qu'on s'en aille maintenant.

Tout en parlant, je m'activai pour le débarrasser de ses liens. Je coupai la corde qui entravait ses poignets avec un couteau que j'avais piqué à l'un des gardes endormis – tout comme la tenue qui m'habillait – et je m'attaquai ensuite à la chaîne de sa cheville. Je n'avais pas le temps de m'occuper de la menotte en fer et décidai plutôt de faire céder la chaîne. Je repérai un maillon plus faible et fit levier avec mon couteau jusqu'à ce que celui cède. Évidemment, cela fit beaucoup de bruit et je su que notre temps pour fuir avait diminué. Je ne m'arrêtai pas une seule seconde et défonçai la porte dérobée, tant pis pour le bruit. J'attrapai la main d'Alexandre et l'entraînai dans le passage secret à toute allure. J'entendis des pas précipités derrière nous. Les gardes étaient sur nos talons. J'accélérai encore le pas et je sentis qu'Alexandre me suivais sans faiblir. Bientôt, nous arrivâmes dehors. Je regardai frénétiquement autour de nous mais ne parvins pas à repérer les chevaux. C'était une catastrophe ! Sans monture nous ne parviendrions jamais à semer les gardes et nous serions de nouveau séparés. Je resserrai ma prise sur la main d'Alexandre. J'étais prêt à me battre s'il n'y avait pas d'autre issue. Plutôt mourir en combattant et en le protégeant que de les laisser m'emmener loin de lui encore une fois. Je m'apprêtai à faire volte face pour combattre les gardes lorsque je sentis mon prince me tirer vers un buisson. Là, deux chevaux scellés nous attendaient. Dieux merci. Sans perdre plus de temps nous nous élançâmes sur nos montures, loin du château et de la ville.

Le prince d'Andoria (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant