Veillée

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Damien

Les jours me semblaient interminables depuis la bataille. La dizaine de soldats qui avaient pris Héléna, le roi Loïs et Victor en otage avait été rapidement maîtrisée. C'était la garde personnelle du roi et de fervents partisans de sa politique. Le reste des soldats s'était rendu sans aucune résistance, ne trouvant plus aucune raison de se battre.

Réunir les conseillers n'avait pas été simple au début. Le roi était mort et nous étions considérés comme des envahisseurs. Heureusement, le témoignage de la princesse Héléna et de son père nous avait sauvé la mise. En apprenant qu'ils avaient été pris en otage et que l'état critique d'Alexandre était du fait de son propre géniteur, ils s'étaient rapidement rangés de notre côté. Il avait été décidé que mon prince serait couronné dès qu'il serait remis sur pied.

Malheureusement, Alexandre ne s'était toujours pas réveillé. Gisèle avait guéri ses blessures et s'occupait de lui chaque jour mais la lame avait transpercé sa clavicule très profondément. Chaque fois que je demandais des nouvelles de mon amour, la guérisseuse haussait les épaules et me lançait un regard désolé.

Je passais tout mon temps au chevet d'Alexandre, refusant de quitter sa chambre même pour me restaurer. De nombreuses personnes nous rendaient visite mais je ne les écoutais pas. Parfois, j'étais vaguement conscient qu'on me forçait à avaler quelque chose. Tant qu'on ne me demandait pas de le quitter des yeux je ne protestais pas.

Lorsque j'avais vu Alexandre sur le point de se faire assassiner par le roi, mon monde s'était écroulé. J'avais juré qu'aucun mal ne lui serait jamais fait et j'avais échoué. Je n'avais même pas été capable de réagir assez rapidement pour le sauver. Heureusement, Eloïse avait été plus rapide et redoutablement précise.

Des larmes coulèrent sur mes joues et je cachai mes yeux avec la main froide d'Alexandre. Sa peau sentait toujours ce mélange de cannelle et de pomme que j'avais appris à lui associer. Sa respiration faible mais régulière était le seul bruit dans la pièce trop silencieuse. Un sanglot vint rompre ce silence.

- Oh Al', mon amour, je t'en supplie ne me laisses pas seul, pleurai-je. Qu'est-ce que je vais faire sans toi ?

- D... Damien ? me répondit une voix faible.

Je relevai brusquement la tête et rouvrit les yeux. Mon cœur explosa de joie lorsque je vis enfin les beaux yeux verts d'Alexandre. Un nouveau sanglot déchira ma gorge et je tombai à genoux. J'enfoui doucement ma tête contre le ventre de mon amant, le corps secoué de tremblements. Une main vint se perdre dans mes cheveux sales. Peu à peu, mes sanglots s'apaisèrent sous les caresses de mon amant. Je relevai lentement la tête, craignant que ce n'ai été qu'un rêve. Le regard vert profond d'Alexandre m'arracha un gémissement soulagé.

- Tu es réveillé, soufflai-je.

- Il en faut bien plus que ça pour venir à bout du célèbre prince Alexandre, répliqua-t-il avec un léger sourire.

J'écarquillai les yeux et je sentis de nouvelles larmes couler sur mes joues sans pouvoir les arrêter.

- I...idiot... lâchai-je entre deux sanglots.

- Oh non, non Damien, mon amour ne pleure pas. Désolé, je voulais simplement te faire rire...

Je lui fis un petit sourire et tentai tant bien que mal de sécher mes larmes.

- Je comprends mieux pourquoi tu m'as frappé la dernière fois, rigolai-je doucement.

Puis, d'un ton beaucoup plus sérieux j'ajoutai :

- S'il te plaît, ne me fais plus jamais ça.

- Si tu me promets de ne plus le faire non plus, répliqua-t-il sur le même ton.

J'acquiesçai doucement. Alexandre me tendit les bras, m'invitant à me glisser contre lui. Je ne me fis pas prier et, avec un soupir de soulagement, je me blotti dans ses bras. Je posai ma tête contre sa poitrine, juste à côté de la cicatrice qui resterai sur son corps à jamais et fermai les yeux. Épuisé par ma veille prolongée, je m'endormis rapidement, bercé par les battements de cœur de mon amour.

...

Quelques semaines plus tard, Alexandre était enfin autorisé à sortir de l'infirmerie. Gisèle l'avait prévenu de ne pas faire trop d'efforts pendant encore quelques mois mais la blessure était maintenant totalement guérie.

Le conseil prépara aussitôt la cérémonie pour couronner Alexandre. Elle fut rapide, sans fioritures et Alexandre se mit au travail tout de suite après. Il réunit tous les conseillers et nomma Lilly première ministre – ce qui ne plut pas du tout au premier ministre en place mais un seul regard noir d'Alexandre suffit à faire taire les protestations. La jeune femme serait en charge de rétablir les anciennes lois et de révoquer l'interdiction du culte de Lirion et Térris.

En réalité, Alexandre comptait lui donner le plus de responsabilités possibles pour amener en douceur le fait qu'il lui céderait bientôt la couronne. Nous avions décidé cela lors de la convalescence d'Alexandre. Il n'avait pas envie de régner et Lilly semblait faite pour ça. Lorsque nous lui avions annoncé, la jeune femme avait d'abord refusé mais Alexandre avait su la convaincre avec l'aide de Léna et la mienne.

Comme je le pensais, les habitants de la cité furent ravis de l'accession au trône d'Alexandre. Les jugements injustes avaient rapidement été révisés, prouvant à la population et aux rebelles que le jeune homme était un roi honnête et juste. Tout le monde semblait adorer leur nouveau souverain et cela me ravissait.

Je repris mon poste de garde aux côtés de mon roi, dans l'unique but d'être avec lui le plus souvent possible. Nous avions décidé de ne pas révéler la vraie nature de notre relation au conseil et à la population. Les préjugés nés avec l'interdiction d'une union entre personnes de même genre étaient encore bien ancrés dans la plupart des mentalités, surtout au sein du château et nous ne voulions pas risquer de créer une révolte. Lorsque Lilly serait reine, elle et Léna montreraient parfaitement la voie.

En quelques semaines, nous avions déjà fait un grand pas vers le royaume plus juste et équitable que désiraient les rebelles. J'étais fier de mon Alexandre et je ne manquais pas de le lui montrer chaque jour.

De mon poste à droite du trône, je vis clairement le sourire illuminer le visage de mon roi. Héléna était revenu d'Alderas pour une visite de courtoisie. Elle et son père avaient tenu à nous assurer que les relations entre nos deux royaumes n'étaient en rien dégradées par les événements récents, bien au contraire. Héléna était devenue la porte parole de son royaume et nous avions conclu un accord qui faisaient de nous des alliés fidèles. En temps que meilleure amie du roi, la princesse ne craignait pas de trahison et les relations n'avaient jamais été aussi bonnes. Elle venait nous rendre visite aussi souvent que possible et, chaque fois, Alexandre en était ravi.

Avec un petit sourire attendri, je vis les deux amis se jeter dans les bras l'un de l'autre, faisant fi des convenances. Avant même que je n'ai eu le temps de descendre les quelques marches qui montaient vers le trône, je sentis les bras d'Héléna se refermer autour de moi.

Nous dinâmes gaiement tous ensemble ce soir là. Beaucoup de choses restaient à faire mais j'avais le sentiment que, pour la première fois depuis la mort de sa mère, Alexandre avait le droit à un peu de bonheur.

Le prince d'Andoria (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant