Surprise

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Damien

Cela faisait trois semaines que j'étais entré au service du prince Alexandre. Nous n'avions jamais reparlé de l'incident avec le tisonnier ou des mes découvertes sur ses escapades en ville. Je faisait semblant de ne pas le voir quand il s'éclipsait par sa porte dérobée – dont j'avais remis la clé sur la serrure le premier soir – et il faisait semblant de ne pas me remarquer lorsque je veillais sur lui dans la ville.

Le prince était beaucoup plus aimable avec moi et j'avais l'impression qu'il commençait à me faire confiance. Je crois qu'il avait été très étonné de ma réaction lorsqu'il m'avait avoué sa différence. Il s'attendait probablement à ce que je le frappe ou le dénonce à son père. Je n'aurais jamais fait ça. J'ai toujours aimé les femmes, personnellement, mais l'idée que l'on puisse punir quelqu'un pour une chose aussi innocente que l'amour me révoltait. Dans mon monde idéal, chacun serait libre d'aimer qui il voulait et d'être qui il voulait. Malheureusement, ceux qui avaient le pouvoir n'étaient pas de cet avis. Dans tous les cas, le fait que j'accepte la différence du prince et que je ne l'empêche pas de s'échapper du château jouait en ma faveur auprès de lui. C'était le principal. Plus le temps passait, plus j'appréciais... ou disons plutôt supportais ma punition.

Un matin, c'est avec un petit sourire joueur que je tirai les rideaux d'un coup sec pour faire entrer la lumière dans la chambre princière.

- Debout Votre Altesse ! Il fait beau, les oiseaux chantent et nous avons beaucoup à faire aujourd'hui !

Un grognement me répondit et j'étouffai un petit rire. Le prince rabattit les couvertures sur sa tête, sans doute dans l'espoir de gagner quelques secondes d'obscurité. Cette fois-ci, je rigolai franchement et lui arrachai les draps des mains. Avec ses cheveux en bataille et sa petite moue boudeuse, le prince Alexandre était beaucoup trop adorable. Mon cœur manqua un battement avant que je ne me ressaisisse. Qu'est-ce qui me prenait tout à coup ?

Je ne me laissai pas le temps de décortiquer ces pensées inhabituelles et me dirigeai vers la table pour servir le petit-déjeuner. Au bout de longues minutes durant lesquelles je l'entendis grogner abondamment, le prince vint enfin s'assoir. Il soupira en voyant les nombreuses victuailles sur la table.

- Tu es vraiment le spécialiste des réveils en douceur dis moi ?

- Je suis bien obligé sinon vous ne vous levez pas du tout, ris-je.

Le prince haussa les épaules et se saisit d'une pomme dans le panier de fruit. Il la croqua sans grand entrain et je me préparai déjà à le sermonner.

- Dîtes moi que vous n'allez pas manger que ça ?

- Si, et tu le sais très bien...

Je soupirai mais n'insistai pas. Depuis que j'étais à son service, je n'avais jamais vu le prince manger beaucoup. J'ignorais si c'était une habitude ou si c'était quelque chose de récent mais Rosie avait l'air de s'inquiéter pour lui l'autre jour. Elle disait qu'il avait maigri et j'étais d'accord avec elle. Je n'avais cependant pas le cœur à insister. Dans une semaine, la princesse Héléna d'Aldéras arriverait et Alexandre devrait l'épouser. Il savait aussi bien que moi qu'il devrait renoncer à ses escapades pour se concentrer d'avantage sur les affaires du royaume. Je ne pouvais m'empêcher de ressentir de la peine pour lui. Plus la date approchait, plus je voyais la joie s'éteindre dans son regard. Ça me faisait mal, même si je ne le connaissais pas depuis longtemps.

Cette dernière semaine allait être la pire de toute. Le prince n'aurait absolument pas le temps de sortir du château et je voyais qu'il le savait très bien. Il avait rangé la clé de la porte dérobée tout au fond d'un tiroir et avait même verrouillé l'armoire. Tous les jours, je le voyais être balloté de serviteur en serviteur. Il avait toujours quelque chose à faire : choisir sa tenue, les couleurs pour les tables, les troubadours, les mets qui seraient servis, accueillir les premiers dignitaires...

Le prince d'Andoria (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant