Du fil à l'aiguille [Passion au Manoir Pourpre 3] [édité]

Chapitre 6

Ses espoirs de se débarrasser de tous les uniformes en un tour étaient vains, Ethan le comprit dès qu'il passa la porte des vestiaires après avoir frappé. A l'intérieur, c'était un joyeux foutoir. Deux types finissaient de se préparer devant les maquilleuses, l'un en boxer et l'autre en string, sans aucun égard pour son entourage. Ça lui rappelait un peu Juliana qui avait cette fâcheuse tendance à traverser le couloir en petite culotte, mais qui n'en avait rien à faire sous prétexte qu'il ne s'intéressait pas aux femmes. Ce à quoi il répondait toujours d'un majeur levé, songeant que cette attitude était probablement une des raisons pour lesquelles il ne jetait pas même un coup d'œil sur une poitrine. Ce n'était pas laid, mais il ne comprenait pas l'attrait des autres gars, lorsqu'il était au lycée, pour ces machins qui dépassaient des corps et pendaient plus ou moins. Leurs entrejambes plats étaient dépourvus d'intérêt, n'accrochant jamais le regard d'Ethan.

— Les nouveaux uniformes ?

Il reporta son attention sur le jeune homme qui lui faisait face. Déjà maquillé, ses grands yeux de biche le fixaient et un sourire ourlait sa jolie bouche aux lèvres rouges. Au sommet de son crâne, ses longs cheveux bruns étaient attachés dans une queue de cheval serrée, l'extrémité bouclée dans un charmant tomber. Ethan aurait presque apprécié s'il n'était pas seulement vêtu d'un minuscule serre-taille et de ses collants transparents, un string pour seule décence en dessous. Les mains sur les hanches sans sembler remarquer le trouble qu'il instaurait chez son vis-à-vis, Guillaume Delacre le dévisageait sans gêne.

— Il faut les essayer et nous faire un retour pour les modifications s'il y en a, acquiesça Ethan en posant la caisse et fermant la porte derrière lui, retenant son agacement.

Pourquoi ces types étaient-ils toujours à poil quand il venait ? Une condition sine qua non des vestiaires ?

— Cool ! Pas de souci. Tu me files le mien ?

Au moins, ça n'allait pas traîner pendant dix ans, ce qui le rassurait. La première chose que fit Guillaume lorsqu'il l'eut entre les mains, ce fut d'enfiler la jupe de son nouvel uniforme. Ethan sentit sa mauvaise humeur s'envoler aussitôt quand les froufrous et les jupons se mirent en place, flattant les cuisses délicates du jeune homme. Sur la pointe des pieds pour simuler les talons qu'il porterait, le serveur tourna sur lui-même, son corps s'arquant avec grâce. Les jupons tournèrent. La ceinture tombait un peu bas autour du serre-taille, mais ce n'était pas grand-chose. Le cœur battant, Ethan fit un pas en avant.

— Je peux ? demanda-t-il en avançant une main.

L'homme écarta les bras, retomba sur ses talons et sourit grandement.

— Je t'en prie, fais ton boulot.

Ethan avait toujours quelques épingles accrochées le long de sa manche, qu'il avait oubliées de remettre sur les supports de Aaron. Du bout des doigts, il pinça l'excédent de matière de la jupe, le maintint avec une, deux, puis trois épingles. Il se redressa :

— Tu peux bouger de nouveau ?

Bien trop ravi de s'exécuter, Guillaume tourna. Son cœur rata un battement en voyant le fruit de son travail s'agiter aussi joliment, de surcroît sur ce corps souple et gracile. L'homme n'était pas épais, ses muscles fins, mais ses mouvements étaient fluides, dénotant d'une habitude à se mouvoir. Peut-être dansait-il, ou quelque chose dans ce goût-là. Il n'en était pas certain. Les arts du corps n'étaient pas quelque chose qu'il connaissait bien, sinon sur des vidéos qui le laissaient toujours pantois quant aux capacités humaines. Éric et Tanguy faisaient des choses folles aussi, Ethan les avait déjà aperçus en répétition.

— Tu peux arrêter, rit-il alors que Guillaume entamait un nouveau mouvement.

— Je peux essayer le mien, moi aussi ?