Chapitre 13

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Après une longue marche qu'ils parvinrent à meubler d'une conversation plus ou moins intéressante, Van le quitta lorsqu'ils ne furent plus qu'à quelques mètres de son appartement, acceptant sans discuter de bifurquer plus tôt. Il y était habitué, les demandes de discrétion de Léo faisant partie de la routine.

La fraîcheur du hall d'entrée de son immeuble l'accueillit dès qu'il franchit la lourde porte. La vieille pierre, caractéristique des vieux bâtiments de la ville, retenait toujours la fraîcheur pendant des semaines. Puis, lorsque l'été serait bien installé, il n'y aurait plus que la chaleur pour les faire suffoquer en tout lieu. Cette dernière pensée en tête, Léo referma la porte de son appartement. Le rez-de-chaussée avait cela de pratique qu'il n'avait à croiser personne quand il rentrait chez lui, ou rarement. Deuxième porte sur la droite, c'était assez direct.

Dès l'entrée, la pénombre trancha avec les lumières du vieux couloir. Un halo plus clair et vacillant parvenait d'une pièce à deux pas de l'entrée, le bruit diffus de la télévision empêchant le silence de régner. Lentement, Léo ôta ses chaussures et les poussa contre le mur du minuscule couloir, puis il avança sur la pointe des pieds vers la première porte qui se présentait. La poignée tourna avec un simple cliquetis lorsqu'il l'actionna. D'un mouvement vif, il lança son sac dans la pièce plongée dans le noir, essayant de viser son lit. Le bruit mou qui en résultat le rassura, puis il...

— Y'a de la pizza dans le frigo, mec !

... referma la porte de sa chambre précipitamment. Lorsque Léo le rejoignit dans la pièce principale, Robin était vautré en tee-shirt et caleçon sur le canapé, absorbé par un film. Il bougea ses pieds malgré tout, permettant à son colocataire de s'asseoir enfin, une assiette tiède sur les genoux.

— J'sais pas comment tu fais pour bosser autant.

La voix de Robin était basse et un peu somnolente. Peut-être l'avait-il réveillé, d'ailleurs. Léo resta silencieux durant un moment, préférant d'abord manger. Il profitait du Manoir pour dîner plus tôt en soirée, mais il était toujours affamé après les services et la longue marche pour rentrer.

— J'sais pas comment tu fais pour dormir autant, rétorqua Léo avec un rictus.

Sur l'écran, les images lançaient des flash lumineux parfois aveuglants et Léo ne parvenait pas à reconnaître le film qui passait. Au vu de l'intrigue et de l'heure avancée, il ne pouvait que supposer qu'il était près de la fin.

Réchauffés au micro-onde, ses bouts de pizza refroidissaient rapidement, pour n'être qu'à peine tiède après deux minutes seulement. La déception habituelle le prit, tandis qu'il se forçait à continuer de manger, lentement. Il peinait toujours à rester à un poids correct et les vacances scolaires étant sous le signe du Manoir, l'intensité de ses journées n'était assurément pas la même qu'en période de cours.

— C'est loin d'ici ton boulot ?

La voix de Robin le fit sursauter, le tirant de ses pensées.

— Ouais, un peu... dit-il.

Ça dissuaderait peut-être Robin de se rendre sur son lieu de travail. Dans son ventre, un nœud bien connu commença à se former tandis qu'il commençait déjà à anticiper la conversation, pourtant lancée nonchalamment. Son colocataire avait une relation étroite avec la fénéantise, ce qui l'arrangeait la plupart du temps.

— Ça craint dehors, depuis quelques temps, marmonna son ami en basculant sur le dos.

Le bout de ses pieds poussa contre les jambes de Léo, l'agitant un peu.

— Ça va, c'est pas si loin et le quartier est loin d'être craignos.

Robin ignorait tout du quartier en question. S'il savait qu'il s'agissait du quartier le plus LGBTQ+ de la ville... Léo avait des frissons juste à y penser. Il y avait bien moins sécurisé, c'était certain. Mais c'était aussi un quartier où les agresseurs étaient assurés de trouver une proie s'ils s'y rendaient. Il y avait bien trop d'histoires de ce genre qui circulaient pour ne pas y prêter attention.

Du fil à l'aiguille [Passion au Manoir Pourpre 3] [édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant