Chapitre 11

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La journée aurait pu être pire, en toute honnêteté. Aaron ne l'avait pas fustigé, se montrant rassuré en le voyant entier plutôt que recevant une mauvaise nouvelle. Son premier retard donnait presque envie de réitérer, quand il voyait la douceur dont l'homme faisait preuve même dans cette situation.

Cependant, cela n'empêcha pas Aaron de lui donner toutes les reprises des costumes n'ayant pas survécu au spectacle de la veille. Son aiguille en main, coincée entre son index et son pouce, Ethan grommelait.

— Tanya était obligée de marcher sur sa traîne ? Y'a un trou, Aaron, un trou !

— L'inconvénient des talons aiguille, mon petit.

Aaron parlait toujours comme s'il avait deux fois son âge. D'ailleurs, quel âge avait-il, au juste ? Il paraissait plus jeune que ce qu'il était en réalité, mais Ethan était à peu près certain qu'il était aussi vieux que les deux autres gérants du Manoir. Ces types avaient presque l'âge de son propre père, il ne pouvait pas en être autrement. Après tout, ils avaient leur propre société !

— Ethan, réponds-moi.

Il sursauta à la voix amusée de Aaron, cligna des yeux et sortit de ses pensées.

— Euh, oui ?

— Oui à ma question, ou « oui qu'est-ce qu'il se passe ? », gloussa l'homme face à lui.

Il ne lambinait pas, brodant minutieusement une minuscule pièce de tissu qui serait probablement cachée à la vue de tous. Aaron était du genre méticuleux, à chercher la perfection dans ses œuvres, ce qui avait parfois causé beaucoup d'interrogations à Ethan. Ce dernier marmonna, pris en flagrant délit de rêverie.

— C'qui se passe ? grogna-t-il.

— Je disais que la moitié de l'équipe en backstage a la grippe, on a besoin de mains supplémentaires pour les soirs. Sans parler des retouches sur les artistes pour être sûr que tout se passe au mieux.

— Mieux que les talons de Tanya ?

Aaron eut un sourire.

— Si tu veux. Ma question étant : est-ce que ça t'intéresse ?

— De ?

Cette fois, Aaron roula des yeux.

— Tu n'écoutais vraiment rien... Pourquoi diable es-tu dans la lune, aujourd'hui ?

Un peu gêné, le jeune homme pinça les lèvres. Il devait bien admettre que depuis le démarrage en catastrophe le matin même, sa rencontre avec Léonard l'avait laissé un peu rêveur. Il ignorait pourquoi, d'ailleurs. Peut-être son regard timide et mal à l'aise. Ou bien son corps. Ou ce grain de beauté qui apparaissait malgré le fond de teint, ponctuant le coin de sa bouche. Ou encore la ligne solennelle de la jupe droite sur ses cuisses, glissant à chacun de ses mouvements. A travers les collants, Ethan avait remarqué ses jambes lisses et imberbes. Ou épilées. Peut-être plutôt ça. Quoique... dans tous les cas, Léonard Dupond était mignon dans toute sa gêne. Ethan avait vite relativisé quant à son retard.

— Je ne sais pas trop, admit-il cependant. Enfin, si. Bref. Et donc, ça m'intéresse de quoi, au juste ?

De nouveau, ces yeux qui roulèrent jusqu'au plafond.

— De venir en renfort pendant les spectacles, en coulisse.

— Sérieux ?

En une fraction de seconde, Ethan mit de côté tout ce qui ne concernait pas le Manoir, y compris le joli serveur. Il savait parfaitement ce que la proposition de Aaron signifiait, et il n'allait pas rater une telle occasion. Cette fois, il était bien éveillé, les sens en alerte et le cœur battant à tout rompre avec excitation tandis qu'il fixait son tuteur.

Du fil à l'aiguille [Passion au Manoir Pourpre 3] [édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant