Katia, partie 01

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Ce matin j'ai reçu une notification assez rare sur Blaze, une notification que j'avais dû recevoir à peine plus de cinq fois depuis que j'ai créé mon compte: Une demande d'ajout en amis.

J'avais commencé à me convaincre que ma page n'était vraiment pas attirante pour que si peu de gens soient curieux de rentrer en contact avec moi, mais j'ai appris avec le temps que c'était en fait le fonctionnement implicite de ce réseau, sa méta.

C'est vrai qu'en général, les filles sur Blaze n'envoient que très rarement de demandes spontanées. De ce que j'ai pu constater, elles préfèrent liker deux ou trois photos de mon album public pour attirer mon attention, et elles attendent que j'envoie la demande. C'est une approche assez maline puisque je vais toujours consulter le profil des inconnues qui viennent de me lâcher quelques likes. Comme quoi, ça marche leur petite affaire.

Partant de ce constat, recevoir une demande d'ajout venue de nulle part, forcément, ça intrigue. C'était peut-être un profil que j'avais consulté mais sur lequel je ne m'étais pas attardé plus que ça. Avec le système de Blaze, la personne aura été notifiée de ma visite, et en regardant mon profil, elle m'aura trouvé à son goût. C'était possible.

Mais non, c'était une demande d'ajout d'un compte que je n'avais jamais vu. Une certaine « KatiaDS ». Et comme elle n'avait pas accompagné son invitation d'un petit message, j'étais bien embêté pour savoir ce qu'elle me voulait.

Je cliquais sur le profil de cette mystérieuse Katia. Elle avait dix ans de plus que moi, ce qui voulait dire que je n'aurais pas pu la croiser dans ma fenêtre de recherches, puisque mon filtre ne me montrait que des femmes au maximum six ans plus âgées que moi, et minimum trois ans de moins. Une fourchette totalement arbitraire que j'avais établie lors de mon inscription, et à laquelle je n'avais jamais retouchée.

J'avais néanmoins l'information que Katia recherchait des hommes qui pouvaient être bien plus jeunes qu'elle. Sans être forcément surprenant, ça avait au moins le mérite de piquer ma curiosité.

J'attendais de faire le tour de sa page avant d'accepter la demande d'ajout, même si par principe j'aurais dû l'accepter vu la rareté de l'évènement. Mais bon, pour une fois que j'étais dans cette position privilégiée, je n'allais pas bouder mon plaisir.

Katia était donc une secrétaire médicale de 36 ans, vivant dans le centre de la France. Elle n'avait pas rempli son statut relationnel, ce qui souvent laisse entendre sur ce genre de sites que tu n'es pas célibataire mais que tu l'assumes difficilement. Elle n'avait que très peu de photos sur son compte, à peine une petite dizaine de photos très Facebook Friendly dans son album public. J'y jetais un œil rapide : des photos de soirées avec des amis, quelques prises de vue d'une webcam, et des poses maladroites dans un parc... Katia était élégante et portait beaucoup de robes très légères et colorées. Ce qui m'a frappé en premier, c'est l'absence de sourire. Elle ne souriait sur aucune photo. Elle était là, au centre de l'image, mais effacée.

Je ne comprenais pas ce qu'elle fichait sur Blaze. Sa page ne correspondait en rien au ton du site, le fait qu'elle puisse trouver des hommes bien plus jeunes qu'elle me laissait suggérer qu'elle n'avait même pas configurer son compte, et qu'elle était complètement perdu. Ou alors, avec le pif que j'avais, c'était un fake. Mais je me trompais lourdement.

Si je n'avais pas été aussi curieux de cette apparition dans mes notifications, j'aurais sûrement refusé l'invitation pour passer à autre chose. Mais j'étais si curieux. Encore cette petite voix dans ma tête. J'ai accepté l'invitation, et lui ai envoyé immédiatement un message privé.

— Merci pour la demande très intrigante J On s'est déjà parlé ? Dans une soirée Gold peut-être ?

Je savais pertinemment que je ne l'avais jamais vue. Mais quand tu as si peu d'infos, qu'est-ce que tu veux dire pour engager la conversation ? Et puis, elle n'était peut-être pas en ligne en ce moment, donc c'était tout à fait possible qu'elle se connecte ce soir, remarque que je l'ai acceptée, mais comme je n'aurais envoyé aucun message, elle aurait continué sa petite vie avec juste un contact supplémentaire. Ça ne m'aurait pas plus avancé.

Comme prévu, j'ai attendu le début de soirée pour avoir une réaction de Katia. J'étais en train de me faire à manger quand j'ai entendu mon pc s'exciter dans ma chambre de toutes les notifications Blaze qu'il recevait.

Katia était en train de marquer son territoire sur toute ma page. Des likes et des commentaires sur toutes mes photos, des invitations à consulter son album privé, une demande pour avoir accès au mien... TOUT.

Je vais être honnête, mais ce genre de personnes surexcitées qui débordent d'énergie autour de moi alors que je ne les connais pas, ça m'angoisse, ça me fait vriller. Elles peuvent être adorables – et Katia l'était – ce n'est même pas la question. Moi, ça perturbe mon énergie. Katia partait bien mal et je commençais déjà à regretter d'avoir accepté sa demander d'ami.

Je laissais ma casserole en plan et allais voir tout ça avec un torchon sur l'épaule, comme un cuistot qui reçoit une nouvelle commande juste avant la fermeture. Pas aimable. J'ai regardé en diagonale les commentaires qu'elle laissait sur mes photos, je remarquai également qu'elle avait répondu à mon message privé. Je n'ai même pas pris le temps de lire son message que je l'ai mise en attente.

— Doucement avec toutes tes notifications ^^ tu vas faire crasher mon pc ! Je me fais à manger et je suis à toi, à tout à l'heure.

Je m'étais un peu senti obligé de lui rajouter un petit emoji pour ne pas paraître trop irrité, même si je l'étais un peu. Avec la chance que j'avais, à tous les coups elle ne serait plus connectée lorsque j'aurais fini de manger. Mais je n'avais pas envie de me presser pour grailler, et je ne voulais pas manger devant le pc, avec l'assiette en équilibre sur le clavier. Fait chier, j'allais récupérer mon pc portable pour lire tout ça en mangeant. Je me fatigue à être aussi impatient.

Tous les commentaires que Katia m'avait laissés sous mes photos étaient des compliments plus ou moins similaires. «très beau jeune homme » « très joli regard » « charmant jeune homme ». Beaucoup de suggestions comme quoi le fait d'être plus jeune qu'elle était un point important. Flatteur, mais toujours suspect. Je regardais notre nouvelle conversation privée, puisque je n'avais pas pris le temps de lire sa réponse.

— Merci pour ta demande très intrigante J On s'est déjà parlé ? Dans une soirée Gold peut-être ?

— Bonsoir ! Merci d'avoir accepté mon invitation, ça me touche, venant d'un beau jeune homme comme toi ;) Non on ne s'est jamais vu, je m'en souviendrais. Dois-je en conclure que tu as déjà fréquenté des femmes de mon âge ?

Encore une fois, suspect. Je trouvais le message trop propre, trop préparé. Je me demandais si ce n'était pas un ancien bord qui m'avait vu sur sa page de recherche, et qui pour éviter de s'afficher dans mon historique de visites, aurait créé un faux compte pour m'espionner en toute discrétion ?

Je regardais tout ça, la fourchette au bec, les sourcils froncés, comme quand tu reçois un mail étrange que tu relis trois fois en te disant « c'est quoi l'arnaque ? ».

J'avais toujours sa demande d'accès à mon album privé en attente, et l'invitation de consulter son album privé à elle. Comme tout ceci restait très suspect, je partais lorgner du côté de l'album privé de Katia mais sans lui donner accès au mien. Ce n'était pas fair play je sais, mais en même temps ce n'était pas non plus dans les conventions de Blaze que de demander ou proposer ce genre d'accès sans avoir discuté avec la personne. Je me contentais d'un petit message dans notre conversation privée pour lui signaler que j'étais dispo.

Toute cette histoire devint encore plus étrange lorsque je réalisais que Katia avait dix fois plus de photos dans son album privé que dans son dossier publique. Et quand je parle de photos privées, je ne parle pas de photos de vacances en famille qu'on ne veut pas montrer à tout le monde. Non non non. Je parle de photos sexy. Et pas qu'un peu !

Des photos en nuisettes de toutes les couleurs, des robes toujours plus courtes, toujours plus transparentes, des langues qui se lèchent les lèvres, des mains qui dissimulent une poitrine nue sur la plage, des poses devant le miroir de la salle de bain, enroulée dans une serviette de bain... Tout ceci était très coquin.

LE JOURNAL DE MAXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant