Chapitre 10 : Francesca Crivelli

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      Quelques jours avaient passé et le printemps s'installait pour de bon sur la capitale, comme porté par les bonnes fées qui s'éveillent après un long sommeil.

     Mais ce 23 mars s'avéra bien plus agité que Daisy ne l'avait d'abord pensé.

     La journée avait bien sûr commencé aussi banalement que toutes les autres. Daisy avait été réveillée très tôt par un nouveau rêve étrange qui l'avait laissé songeuse une bonne partie de la matinée. La mélancolie qui l'avait envahi le soir de leur pique-nique improvisé dans la serre ne l'avait pas quitté, si bien que la jeune femme en vint à regretter la pluie qui avait laissé place à un superbe soleil.

     Après un petit-déjeuner agité où Mathilde et Emmie se disputèrent l'attention de la jeune femme, Daisy était parvenue à trouver refuge dans un coin de la bibliothèque quand était venu le professeur de musique de Mathilde. Emmie avait longuement insisté pour suivre sa sœur lors de son cours et n'avait plus fait un bruit alors que le manoir se retrouvait bercé par les notes parfois maladroites de la jeune musicienne.

     Ce fut quelques heures avant que ne sonne midi que Mathias était apparu comme une tornade, suivit de Vincent. Si le vicomte affichait une mine parfaitement calme et posée comme d'habitude, son ami, lui, exultait. Et en retrouvant la famille qui s'apprêtait à passer à table, il s'exclama en levant bien haut une enveloppe violette au sceau argenté brisé :

     – Chers Delcourt, je vous annonce que vous êtes officiellement invités au goûter organisé par le comte et la comtesse Piédelune !

     Louise en avait lâché sa tasse de thé qui s'écrasa lamentablement au sol. Une bonne se précipita pour en ramasser les débris, mais personne ne lui prêta attention. Tout le monde regardait Mathias avec surprise. Daisy, elle, ne comprenait pas.

     – Piédelune ? répéta-t-elle confuse.

     Sa remarque sembla ramener la petite famille au présent. Hélène lui offrit alors un sourire charmant en prenant place à table.

     – Il s'agit de l'une des plus grandes familles de Paris, expliqua-t-elle alors que tout le monde prenait place autour de la table.

     Un couvert fut ajouté pour Mathias qui, ravi de son petit effet, ne pouvait s'empêcher de sourire.

     – Ils sont presque aussi riches et célèbres que les Cartier, lui indiqua Louise avec un regard encore plus brillant que lors du bal du nouvel an. On dit même que l'un de leurs ancêtres était un prince féerique et qu'il aurait offert comme bénédiction à sa descendance le don de parler aux plantes !

     – En fait, corrigea gentiment Hélène alors que ses filles trépignaient d'impatience sur leurs sièges, ils ne parlent pas réellement aux plantes. Mais l'on peut dire qu'ils ont la main verte. Leur jardin est le plus beau de tout Paris, peut-être même du monde, et aucun jardinier ne s'en occupe, la famille se charge elle-même d'en prendre soin.

     – C'est leur héritage familial le plus précieux, ajouta Vincent, ils y tiennent beaucoup. Tu ne verras pas plus beau jardin que le leur.

     – Et, intervint Mathias avec enthousiasme en agitant son enveloppe au-dessus de la table, c'est dans ce précieux jardin qu'ils organisent le goûter auxquels vous êtes tous conviés.

     Louise, qui rêvait jusque-là aux splendeurs des jardins Piédelune se ressaisit soudain et lança un regard méfiant à l'ancien libertin.

     – Et peut-on savoir comment diable as-tu fait pour nous faire inviter ? Les Piédelune organisent ce goûter chaque année et nous n'y avons jamais été conviés.

Eugénie (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant