Très enthousiastes à l'idée de participer à la fête la plus en vue de Paris, Louise et Hélène avaient embarqué Daisy dans une longue chasse à la tenue parfaite, écumant toutes les plus belles boutiques de la capitale.
Si elle avait d'abord cru que tous ces efforts étaient pour Louise, la jeune femme déchanta vite car mère et fille avaient toutes les deux dans l'idée de faire de leur protégée la plus belle fille du bal. Hors de question qu'elle porte une vieille robe déjà portée ! Il lui fallait le meilleur pour briller en société en ce premier jour où elle y paraitrait vraiment.
Louise prétendait que c'était une manière pour sa mère de rabattre le caquet de toutes ces bonnes gens à la langue bien pendue et en particulier celle des chroniqueurs de La Sentinelle à qui elle n'avait toujours pas pardonné l'affront de cet article peu élogieux à l'égard de sa protégée et dont les cendres reposaient toujours dans la cheminée. Hélène n'aimait pas les rumeurs, encore moins quand cela concernait des gens auxquels elle tenait. Cela toucha profondément Daisy qui, par égard pour la dame, s'empêcha de protester quand elle insista pour lui trouver de beaux atours et refaire entièrement sa garde-robe.
En outre, jamais la jeune femme n'avait vu autant de soie, de satin et de brocard. Les coupes étaient grandioses, faites pour habillée les plus belles fées ou au moins des princesses. Daisy se sentaient mal à l'aise à essayer ainsi autant de jolies toilettes pour s'admirer ensuite dans le grand miroir à pied de la boutique. Tous ces volants, ces dentelles et ces froufrous la ravissaient autant qu'ils la mettaient mal à l'aise. Bien que ces robes eussent été splendides, la jeune femme aurait préféré quelque chose de plus simple, de moins chargé. Une grande première dans cette époque où on aimait autant gonfler les jupes de ces dames que de leur serrer la taille dans d'affreux corsets. L'épreuve qu'avait représenté l'essayage d'un seul de ces objets de malheur avait suffi à Daisy pour refuser catégoriquement la jolie robe qui allait avec. Ressembler à une princesse le temps d'un bal, d'accord, mais mourir d'asphyxie en le faisant, jamais ! La jeune femme ne comprenait même pas comment ses contemporaines pouvaient endurer pareille épreuve et jeta un regard nouveau sur Louise et sa mère, priant intérieurement pour leurs poumons qu'elle espérait moins compressés dans leurs belles toilettes qu'elle ne l'avait été dans celle-ci.
Ce fut donc au prix de longues négociations que Daisy parvint à échapper à l'épreuve d'un tel habit. À la place, et au grand étonnement de la vendeuse, elle demanda quelque chose de plus simple, au corset plus délicat avec ses cottes s'il n'y avait pas moyen de ne pas en porter du tout. Bien que surprise, la dame finit par sourire en étudiant plus attentivement la jeune fille.
– Mademoiselle a du goût, approuva-t-elle avec un hochement de tête avant de s'éloigner dans l'arrière-boutique.
Quelques instants à peine plus tard, elle revint avec la plus belle robe que Daisy n'eut jamais vue. Elle était simple, sans volants ni froufrous et son corset était à peine visible et nettement pour confortable. Mais ce qui fascina la jeune femme – ainsi que ses accompagnatrices – ce fut le tissu utilisé. Encore plus doux que de la soie et brillant comme du satin, la robe semblait tissée dans un rayon de lune dont l'argent étincelait à la lumière du jour.
– Une robe de fée... s'émerveilla Louise en effleurant le tissu satiné du bout des doigts, comme craignant de l'abimer si elle y poser franchement la main.
– Presque, sourit la vendeuse, très fière d'elle. Ceci est un arrivage récent. Une bonne âme a mis à la vente il y a quelque temps tout une cargaison de tissu de la même qualité. La provenance reste floue, mais il est probable qu'il s'agisse réellement d'un travail de fée. En atteste la finesse de cette broderie, indiqua-t-elle aux trois dames dont le regard suivit aussitôt.
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Eugénie (en pause)
FantastiqueElle n'a plus de nom ni de passé Ses souvenirs envolés Mais le danger court toujours Prenez garde au triste amour. Trouvée aux abords de la Seine, frigorifiée, une jeune femme est recueillie par le vicomte Vincent Delcourt. Sans nom ni passé, le je...