Quatre semaines s'étaient écoulées depuis cet étrange cauchemar qui l'avait réveillée en larmes et Daisy ne parvenait toujours pas à s'expliquer cette tristesse qui continuait d'assombrir son humeur. Elle se sentait étrangement lasse et fatiguée, si bien que la fête qu'Hélène tint à organiser début mars et où toute la maisonnée – même les plus jeunes – fut convié, Daisy l'avait décliné, trop fatiguée par ses nuits sans sommeil et ses préoccupations diurnes. Car non seulement ses nuits étaient hantées de mauvais rêves, mais les messages anonymes continuaient de lui parvenir. Et ce matin-là ne fit pas exception.
Assise sur le rebord de son lit, Daisy en étudiait les courbes manuscrites avec fascination et effroi, car au-delà même des mots, ces lettres lui semblaient diablement familières.
Il y a dans tes yeux bien plus de mots que ne saurait en chanter tes lèvres. S'il me l'était permis, oserai-je en capturer les vers ?
Daisy ne pouvait s'empêcher de regarder ces quelques mots les lèvres pincées. D'où venait cette poésie ? Elle était sûre de l'avoir déjà entendu quelque part...
Contrairement à ce qu'elle avait cru, ce qu'elle avait espéré même, le mystérieux commanditaire ne s'était pas arrêté à une simple lettre énigmatique. Et ce matin en se réveillant, elle avait même eu l'affreuse surprise de découvrir le papier glissé sous la porte de sa chambre. Lorsqu'elle était sortie dans le couloir pour en découvrir la provenance, elle n'avait trouvé qu'un corridor désert et silencieux.
Daisy ignorait comment cette personne – femme ou homme – était parvenue à se faufiler jusqu'aux étages supérieurs, mais cela ne lui plaisait guère. D'autant qu'avec le nombre ahurissant d'invités qui avaient parcouru le manoir le soir précédent, elle ne pensait pas possible de savoir qui avait pu lui laisser ce mot. Avec le retour du printemps, Hélène avait ouvert son manoir à tous, si bien que malgré sa grande fatigue, Daisy avait mis des heures à s'endormir avec tout le bruit des conversations et la musique. Pourtant elle n'avait ni vu ni entendu qui que ce soit glisser le mot sous la porte, ce qui la confortait dans l'idée qu'un intrus avait dû profiter de la fête pour se faufiler dans le manoir au plus tard de la nuit quand elle était enfin parvenue à s'endormir.
En revanche, elle se voyait assez mal en parler à Vincent ou quiconque d'autre car parler d'une possible intrusion reviendrait à leur parler de ces mystérieuses lettres et elle se voyait mal justifier une telle cachoterie à la famille. N'importe qui d'autre en aurait ri ou en aurait parlé, mais pas Daisy.
Quelque chose dans ces mots l'intriguait autant qu'ils l'inquiétaient et elle ne pouvait s'empêcher de penser que peut-être, le petit plaisantin finirait par se lasser de son manque de réaction.
Les jours suivants, aucun nouveau mot ne lui parvint. Daisy espérait secrètement que ce fut le dernier, mais un doute la tenaillait toujours. Après tout, si son mystérieux correspondant s'était donné la peine de pénétrer le manoir, elle n'avait aucun doute qu'il n'hésiterait pas à lui en faire parvenir d'autres. Et ça ne la rassurait guère.
Ce matin-là en revanche, Daisy n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage. Les beaux jours revenant à Paris, la famille Delcourt et toute l'aristocratie de la capitale se donna rendez-vous dans les jardins des Tuileries pour une promenade – une corvée mondaine comme aimait à se plaindre Louise.
En ce qui la concernait, Daisy était ravie. Prendre l'air lui ferait le plus grand bien. Au demeurant, elle espérait profiter de cette sortie pour retrouver Mathias. Le célèbre libertin n'avait plus croisé son chemin depuis un moment et cela minait un peu plus l'humeur de la jeune femme à qui il manquait beaucoup. En effet son ami avait été retenu par des affaires qui ne pouvaient pas attendre. Car comme elle l'avait appris à force de le côtoyer, Mathias Rousseau était un homme responsable et honnête et prenait grand soin de son important patrimoine, même s'il n'en avait pas l'air.
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Eugénie (en pause)
ParanormalElle n'a plus de nom ni de passé Ses souvenirs envolés Mais le danger court toujours Prenez garde au triste amour. Trouvée aux abords de la Seine, frigorifiée, une jeune femme est recueillie par le vicomte Vincent Delcourt. Sans nom ni passé, le je...