Acte I - Scène 1

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« Les ténèbres sont à l'intérieur. »

Les voiles claquaient dans le vent, la pluie martelait frénétiquement le pont et sans relâche les vagues bousculaient le navire tout entier. Je percevais l'agitation depuis le fond de la cale sombre et humide où j'étais enfermée. Assise et épuisée, je me cramponnais tant bien que mal à l'un des piliers pour tenter de résister aux violentes fluctuations du plancher. Cela faisait maintenant deux jours que je n'avais rien avalé, deux jours depuis le drame, deux jours qu'il ne restait de moi qu'une coquille vide.  Mon corps et mon âme agonisaient lentement dans l'attente impatiente qu'une flèche de l'Agneau y mette un terme définitif.

Cela m'aurait fort bien arrangé qu'une tempête nous fassent tous périr aujourd'hui. Et j'aurais moi-même extirpé le sang de mes veines si seulement ce fichu bracelet ne me garrottait pas le poignet. Deux jours. Cela me paraissait déjà une éternité.

Le navire tangua brusquement et je perdis ma faible prise. Je m'écroulai maladroitement sur le sol et roulait à l'autre bout de la cale. Mon costume de scène, la simple robe de Célestéa n'avait plus rien de blanc : tâchée de sang et de boue, elle ne couvrait rien de toutes les contusions qui noircissaient mon corps. Chacune d'elle me faisait souffrir, Jhin n'y était pas allé de main morte. J'étais si affaiblie que je me contentais d'endurer la douleur des chocs, essayant tout juste de me relever pour me cramponner à ce maudit pilier. Le navire tangua brusquement dans le sens opposé et je me retrouvai à nouveau propulsée de l'autre coté, percutant un tonneau de plein fouet.

« Bon sang, ça ne va jamais cesser ? gémis-je, clouée au sol.

— Et ça ne fait que commencer... »


Je me redressai promptement dans un sursaut, surprise par la voix de cet homme que je n'avais pas vu entrer. Je me hissai précipitamment sur mes jambes et balayai l'espace du regard sans trouver âme qui vive dans l'obscurité ambiante. Je perdis l'équilibre et, une fois de plus, je valdinguai à l'autre bout de la cale dans un bruit sourd. Je tentai de dissimuler un couinement de douleur.

« C'est à mourir de rire ! se moqua l'homme invisible à ma perception.

— Allez au diable ! feulai-je. Ayez au moins le cran de vous montrer !

— Arrête de faire le mariole ! s'éleva une seconde voix bien plus grave. 

— Excusez-moi, Maître ! soupira le premier. »


Je me relevai sur mes genoux, balancée par les mouvements du plancher quand soudain, un homme s'en extirpa. Le voir traverser le sol comme s'il tordait les lois de la matière me fit tomber à la renverse et je me relevai sur mes coudes à la hâte. Mon regard remonta vers une imposante silhouette : un jeune homme exhibait son torse nu et musclé, ses cheveux aussi noirs que l'ombre étaient si longs qu'ils auraient pu balayer le plancher. Alors qu'il m'observait, sa paume de main tenta de dissimuler un sourire railleur.

« Regardez-la ! Elle tient même pas debout ! Et en plus ils lui ont mis le bracelet de ces tarés de Démaciens !

— Ça ne te gêne pas de parler moi comme si je n'étais pas là ? m'offusquai-je. T'es qui ? Qu'est-ce que tu fais ici ? »


Une ombre s'étendit à ses cotés, s'élargissant dans l'espace et je me pétrifiai d'effroi. Puis elle se transforma en une immense silhouette avant de laisser apparaître un homme à l'allure impressionnante. Contrairement au premier, il était vêtu de la tête aux pieds d'une tunique rouge à capuchon. Ses jambes et ses bras se dissimulaient sous de lourdes pièces d'armure et un casque en acier couvrait l'intégralité de son visage. J'eus tout juste le temps de sursauter qu'une secousse me fit basculer. L'homme en rouge saisit mon bras pour me stabiliser.

Ôde au Chaos [ Zed & Jhin • League of Legends fanfiction ] (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant