12 - Récidive

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« Tu dois apprendre à aimer ton corps, Bashuka. Regarde, moi, j'aime ton corps... J'ai appris à aimer ton horrible corps... »

Le Professeur hurlait de douleur, la bouche enfouie contre la chemise déchirée et couverte de larmes d'Alpha. Ce dernier avait tout écouté, il avait vu l'Akaïa revivre ce que Tore'k, l'un des démons du passé du jeune génie, venait de lui faire subir. Laned avait demandé au bureau administratif des laboratoires de transférer l'un des capitaines responsables de la sécurité dans l'unité où le Professeur s'était créé un petit havre de paix. Tore'k était tombé sur son ancien souffre-douleur après les heures de bureau et l'avait violé avec sauvagerie dans la Security Room. Or, le jeune génie n'aurait jamais pu imaginer, il n'aurait jamais pu concevoir qu'après le rendu de justice qui l'avait déclaré victime de ce groupe d'Akaïas, il aurait pu à nouveau – et aussi facilement – tomber entre les griffes de l'un d'eux.

Alpha, à la demande de son compagnon, avait fini par refermer les bras sur lui pour le serrer contre son torse. Ravagé par la détresse, l'humanoïde avait saisi à pleines mains la chemise de l'humain et avait à de nombreuses reprises mordu jusqu'au sang la poitrine du prisonnier pour étouffer ses cris de souffrance. La Saoudien avait dû serrer les dents pour ne pas crier ou forcer son ami à reculer. Il avait enduré cette douleur, ô combien superficielle – il le savait – en comparaison avec celle qui consumait le Professeur. Du sang coula sur la peau du terrien et celui-ci finit par laisser la colère prendre possession de chaque fibre de sa chair et de ses os. Il ne le montra pas. Il laissa le jeune scientifique s'épuiser de pleurs et se briser de chagrin entre ses bras. Il le laissa s'écrouler d'épuisement sur un matelas avant d'aller vérifier que la porte du « bureau » était verrouillée.

- Professeur, murmura l'humain en s'allongeant prudemment aux côtés du blessé qui oscillait entre les limbes et la réalité. Je dois vous soigner. Professeur ? Il faut que vous me fassiez confiance, je dois vous soigner. Vous êtes blessé.

- N... non...

- Pro...

L'humain, qui avait dû se retenir de ne pas nommer son compagnon depuis le début de leur relation forcée afin de ne pas « s'attacher », comprit qu'il devait briser une dernière barrière.

- Bashuka. Écoutez-moi. Non, moi, écoutez-moi.

- Je dois...

Se soutenant sur un bras, Alpha posa l'index sous le menton du scientifique.

- Je ne vous demande pas de me regarder dans les yeux, Professeur, je sais que vous voulez vous replier à l'intérieur de vous-même et je vous demande simplement de m'écouter. N'écoutez pas ce que le jinn sur votre épaule peut vous murmurer.

- De quoi parlez...

Le froncement de sourcils de l'Akaïa rappela à l'humain qu'aucun humanoïde n'avait de notion du divin.

- Laissez ça, je vous l'expliquerai plus tard. Tout ce que je veux, c'est que vous n'écoutiez personne d'autre que moi. Vous avez besoin de recevoir des soins et si vous ne me faites pas confiance, vous devez aller chercher de l'aide auprès d'une personne qui peut vous soigner.

- Je n'ai pas besoin d'être soigné, cracha le Professeur.

Alpha se redressa et secoua la tête :

- Vu tout ce que dont vous venez de témoigner, Bashuka, il y a certains soins que vous devez recevoir.

- Je ne veux pas qu'on me touche, est-ce que je suis assez clair ?!

L'humain eut un mouvement de recul : le scientifique avait lancé les mains en avant et venait de lui agripper la chemise. Ses dents étaient serrées mais bien visibles, son visage tordu dans une grimace de fureur et de terreur mêlées.

Alpha - InoculationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant