- Numéro Alpha-Lima-340 ? C'est là ?
Un jeune humain aux cheveux d'un rouge ardent et à la peau mate releva la tête. Ses yeux noirs brillèrent de colère. Il affronta du regard l'inspecteur de santé akaïa, venu vérifier si les cobayes utilisés par le laboratoire AXS13 étaient traités selon les règles imposées.
- Tu comprends ma langue, humain AL-340 ?
- J'ai un nom ! cracha Alpha en se jetant violemment sur la cage en propa-métal.
Les cellules de reconnaissance des barreaux de la grille détectèrent aussitôt le potentiel galvanique de l'humain comme « Danger à contenir » et la cage s'électrifia aussitôt, tétanisant douloureusement le prisonnier. L'inspecteur de santé ricana en entendant le gémissement de douleur d'Alpha, dont les longs cheveux rouges couvraient à demi le visage, et s'éloigna en cochant quelques cases.
- Il faudra me calmer tout ça, docteur Jazkaïa.
- Oui, inspecteur.
- J'ai tendance à sanctionner quand les sujets d'étude sont maltraités, mais laisser un esprit si rebelle en pleine possession de ses moyens, c'est risqué. Ou alors, emmenez-le loin de la planète. Dans un de vos labos en orbite.
- Il ne tiendra pas longtemps, avec ce qu'on a prévu de lui faire...
Les deux Akaïas ricanèrent, et les muscles tendus d'Alpha-Lima-340 frissonnèrent. Il était le seul prisonnier humain de « sa » section. La section « recherche et développement en biotechnologies ». Et le docteur Jazkaïa était un véritable sadique qui aimait tenter des expérimentation inouïes sur son sujet préféré. Cela faisait presque un an, et Alpha tenait toujours. Il avait déjà réussi à tuer deux Akaïas qui travaillaient au laboratoire. Un visiteur naïf et imprudent, et un laborantin. Les deux meurtres avaient été suivis de représailles terribles, mais l'humain ne regrettait rien.
AAA
- Mrakal, vous avez vu mon stylo ?
- Non, professeur.
- Mais j'ai perdu ce stylo, il doit bien être quelque part !
Celui que l'on ne connaîtrait bientôt plus que sous le nom de « Professeur », était un jeune Akaïa surdoué, qui dirigeait une petite équipe dans la section « R&D Nouvelles Technologies – Génie Mécanique et Armement ». Il avait à peine vingt-et-un ans. L'un des éléments les plus prometteurs de sa génération.
Le Professeur redressa ses lunettes et eut un sourire nerveux :
- J'ai dû l'oublier en salle de repos.
- Prof', il est dix heures, tout le monde va se coucher, là.
- Si je n'y vais pas maintenant, il n'y sera plus demain, grommela l'Akaïa en tournant les talons. Et je veux rester pour travailler un peu, encore.
- Ah. Comme vous voudrez, Professeur, soupira Mrakal en levant les yeux au ciel. Bonne nuit, alors ?
- C'est ça, c'est ça... bonne nuit.
Mrakal ricana en voyant la fine silhouette du petit génie disparaître dans les couloirs obscurs des laboratoires AXS13. Ce type était brillant, ça oui, mais il n'avait aucune expérience. Qui restait encore à travailler après dix heures, quand la guerre contre ces idiots d'humains avait été gagnée ?!
- Mais enfin, où est-ce qu'il est ?
Le jeune Akaïa avait retourné la salle de repos sens dessus dessous, et il avait découvert quantité de stylos, excepté le sien... Il jouait de malchance ! Penaud, il fit demi-tour. En passant devant le couloir dit des « Biotech' », il perçut un bruit étrange. C'était un gémissement, presque un sanglot. Quelqu'un avait un souci !
Le Professeur, sans hésiter, se servit de son pass pour accéder au département d'expérimentations, alors désert et éclairé seulement par les néons bleus d'antiques lampes chauffantes. Son pas résonnait sur la plate-forme métallique, et aucun autre son ne se faisait entendre.
- Il... excusez-moi, il y a quelqu'un ?
- Pitié...
L'Akaïa bondit si haut qu'il en perdit ses lunettes. La voix, chaude et vibrante, était montée d'une cage plongée dans le noir – et donc privée de chaleur – juste à sa droite. Le Professeur ne parvint pas à mettre la main sur les lunettes. À tous les coups, elles étaient tombées dans la cage du cobaye.
- Je... excusez-moi, tu... vous avez appelé ?
L'Akaïa fouilla dans la poche interne de sa blouse en filigrane de plexiglas – le plus résistant sur le marché... – et y dénicha une lampe à infrarouges. Le tuyau métallisé était en réalité pourvu d'une caméra infrarouge, connectée directement au computering lens – une sorte de verre de contact interactif, qui servait principalement au Professeur d'appareil photo. L'humanoïde, hésitant, braqua la torche vers la cage et l'alluma. Le computering lens transmit directement sur son nerf optique l'image – directement convertie en couleurs du spectre visible – capturée par la caméra.
C'était un humain, sans doute du même âge que le Professeur, vêtu uniquement d'un vieux pantalon à treillis noir. Peut-être un rebelle récupéré sur une station isolée ? Il avait de longs cheveux d'un rouge profond, qui lui cascadaient dans le dos. Il se cachait le visage derrière de grandes mains brunes et laissait échapper des pleurs mal contenus. Aussitôt, le Professeur, qui n'avait l'habitude que de microprocesseurs et de formules chimiques à dormir debout, sentit la pitié lui remuer les tripes.
- Par... pardon... gémit l'humain. Je... j'ai fait un mauvais rêve. Par... pardon... ne me... ne le dites pas au... à monsieur le docteur Jazkaïa...
Alpha peinait à retenir un sourire, et c'était bien la raison pour laquelle il se dissimulait derrière ses mains. Il parvenait à peine à donner à sa voix grave des inflexions poignantes et geignardes, mais l'Akaïa qui se tenait face à lui semblait aisément dupé.
- Oh, je... je ne suis pas ici pour vous faire du mal, voyons ! se récria le Professeur, scandalisé. Vous n'avez pas de raison d'avoir peur de moi, je vous en prie. Mais pourquoi êtes-vous si mal traité ? Vous ne devriez pas être sous une lampe chauffante ?
- Ne le dites pas à monsieur le docteur, gémit Alpha en se repliant davantage dans sa cage.
- Attendez, votre cage est trop petite, je vais ouvrir le plafond, vous allez pouvoir vous mettre debout.
- Non !
Le cri d'Alpha pétrifia le jeune professeur
- Si... si le docteur Jazkaïa voit que... que la cage a été ouverte, il va encore f... faire des expériences sur ma tête. Avec les électrodes.
Une nausée envahit le Professeur. Cet humain ressemblait tant à un Akaïa, sauf pour la peau et les cheveux. Sa musculature également était sans doute plus développée que la moyenne du peuple akaïa, songea l'humanoïde en regardant la peau lisse du prisonnier. Comment Jazkaïa pouvait-il se montrer si abject ?
- Dites-moi ce que je peux faire pour vous, demanda alors le Professeur de la voix la plus douce du monde. Je ne suis pas votre ennemi.
Alpha écarta alors les mains qui lui masquaient les traits et le jeune Akaïa fut surpris de découvrir un regard et un visage à la fois si durs et si beaux...
VOUS LISEZ
Alpha - Inoculation
Science FictionSci-Fi. Le peuple des Akaïas a écrasé l'humanité et un homme rebelle est tenu captif dans un laboratoire pour y subir des expérimentations. Un jeune scientifique apitoyé accepte de le faire sortir de sa cage, mais il ignore qu'il vient de libérer un...