2 - Les ennuis commencent

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Il était étrange qu'un être à l'air si déterminé et puissant agisse comme s'il n'était qu'un nourrisson qui appelle sa mère. Mais l'Akaïa décida que le simple fait de faire dormir un humain dans une cage trop petite pour lui permettre de tenir debout était un manquement aux règles éthiques, même si l'empereur Sheadd avait ratifié le texte de loi présentant l'Homme comme une sous-race.

Tentant d'adopter l'attitude la plus déterminée qu'il pouvait, le Professeur déclara :

- Ne vous tourmentez pas, je ne vous attirerai pas d'ennuis. Mais je vais essayer de vous aider.

Il allait partir, éteignant la lampe, lorsque la voix chaude du numéro AL-340 s'éleva à nouveau :

- Professeur...

L'Akaïa fronça les sourcils : le prisonnier avait un ton si différent ! Lorsqu'il se retourna, il vit dans la pénombre un objet briller entre les barreaux de la cage.

- Je crois que vous avez perdu ceci...

Le jeune humanoïde bredouilla un rapide merci en récupérant ses lunettes, troublé. Il ne vit pas le sourire narquois que lui adressait l'humain et disparut aussi sec.

Le lendemain soir, alors qu'Alpha décidait de s'octroyer quelques minutes de sommeil – le dernier laborantin avait quitté la section « Biotech' » –, il fut surpris d'entendre crisser la porte menant à « son » couloir. Rapidement, le visage nerveux du Professeur, cet étrange Akaïa aux traits fins et au cœur trop tendre, apparut devant les barreaux de la cage. Alpha dut retenir un sourire et s'efforça de paraître effrayé, ce qui était difficile, face à cette créature qui paraissait aussi innocente qu'un agneau nouveau-né.

Le prisonnier entendit un crissement bref qui signait l'arrêt de la mise sous tension de sa cage. Le Professeur tremblant s'approcha plus près et voulut ouvrir le verrou magnétique à l'aide d'un carré noir. Mais il tremblait tant à l'idée de commettre un acte si répréhensible qu'il laissa tomber le carré noir dans la cage. Non, vraiment, pensa Alpha. Cette fois, ce serait trop facile. C'en serait même ridicule. Tuer cette pauvre chose qui risquait sa peau en le tirant de sa cage ? Il n'y aurait aucune fierté. Aucun amusement. Le prisonnier AL-340 n'avait à vrai dire pas de plan prédéfini pour s'enfuir, il savait qu'il ne le pourrait pas sans aide extérieure. Non, il voulait seulement massacrer le plus d'Akaïas possible. Et ce petit Professeur au visage si joli ne ferait pas une victime très glorieuse...

- Excusez-moi, balbutia le Professeur. Pouvez-vous me rendre le carré noir que j'ai laissé tomber ?

Il s'excusait. Il le vouvoyait... Non, vraiment, non. Alpha ne voyait plus vraiment l'intérêt d'étrangler le malheureux Professeur. Peut-être après, une fois qu'il en aurait eu assez de s'amuser.

Alpha obéit sans mot dire et, lorsque le plafond grillagé de la cage fut ôté, il se redressa d'un bond silencieux. Il surplombait l'Akaïa de deux têtes et ce dernier réalisa que l'humain n'aurait à présent plus aucun problème pour le maîtriser et s'enfuir. Il pourrait peut-être même essayer de l'enfermer dans cette horrible cage ?! Le Professeur ne put retenir un mouvement de recul lorsque le prisonnier passa ses longues jambes hors de la cage et s'étira. Pour briser la glace, l'Akaïa dit la première chose qui lui vint à l'esprit :

- Vous... vous êtes musclé.

Amusé, Alpha leva un sourcil :

- Et ?

- Et... et... c'est étonnant puisque vous passez du temps recroquevillé dans une...

- Les docteurs me maintiennent en forme, que croyez-vous ?

Ce ton... Le Professeur se rendait compte qu'il était tombé dans un piège. Et que le prisonnier affirmait son autorité face à lui.

- Même si je ne dis pas que j'aime dormir roulé en boule. Où allons-nous ?

- Dans... dans mon bureau. Suivez-moi, je vous prie.

Mais une fois devant, l'Akaïa regretta de ne pas avoir demandé à Alpha de le précéder. À tout moment, il s'attendait à sentir les grandes mains nerveuses de l'humain s'abattre sur son cou et serrer. Le Professeur avait peur.

Derrière lui, le prisonnier pouvait aisément sentir cette peur. Et un sourire carnassier grandissait sur ses traits. Décidément, cet Akaïa n'était pas pour lui déplaire.

- Entrez. Je suis désolé, c'est un peu dérangé.

Le bureau était un véritable capharnaüm. Le Professeur était un fanatique de l'archéologie interplanétaire et il entreposait des pièces rares dans son bureau, ainsi que de nombreux livres – des objets qui n'existaient plus que pour le decorum, selon la plupart des amateurs de livres, mais qui pour l'Akaïa, gardaient une âme et une mémoire plus importante que la plupart des memoryneedles.

- Voilà, bien, je... je voulais vous permettre de dormir ici pour la nuit, afin que vos membres soient moins engourdis. Je ne pourrai pas faire grand chose d'autre, vu mon statut. Je n'ai pas un réseau très... enfin... Voilà un matelas, des couvertures. J'ai quelques vêtements, et de quoi vous sustenter. Je ne sais pas si...

Mais le Professeur ne put en ajouter davantage. Son cœur venait de s'accélérer trop brutalement : Alpha avait fondu sur lui le plaquant contre une bibliothèque en bois, qui craqua sous le choc. L'humain pressa contre la chemise blanche de l'Akaïa son torse nu. Le contact fit foncir le jeune scientifique jusqu'à la pointe des oreilles. Terrifié, à la fois par la situation et par l'air bien trop diverti du numéro AL-340, le Professeur tenta vainement de repousser son adversaire aux cheveux de feu. Les muscles bandés, ce dernier n'avait même pas à se servir de ses bras pour immobiliser le malheureux Akaïa. Ce dernier, pensant qu'il allait mourir, releva la tête et lança avec un air de défi :

- Puis-je vous avouer que je me doutais que je tombais dans un piège ?

- Puis-je vous avouer à mon tour que je commence sérieusement à douter de vos capacités cognitives, Professeur, rétorqua Alpha avec ironie.

- Je... oh... !

C'était sans doute la sensation la plus inattendue que le Professeur avait crut ressentir jusqu'ici : au lieu de se refermer sur sa gorge, la main de l'humain venait de se poser sur son entrejambe. Le numéro AL-340 plissa les yeux et sourit. Il se pencha, de façon à ce que sa bouche parvienne tout contre l'oreille de sa victime et chuchota :

- Mais je commence sincèrement à me demander, Professeur, si ce n'était pas, au fond, ce que vous cherchiez depuis longtemps...

Le jeune scientifique, sentit les longs doigts de l'humain raffermir soudain leur prise, et il fut incapable de retenir un gémissement sous l'affluence des sensations nouvelles. Il avait l'impression que son dos se couvrait brutalement de sueur, tandis que des décharges d'adrénaline glissaient sous sa peau, le parcourant des pieds à la tête... L'Akaïa, impuissant face à la force de son ennemi, sentit les dents de l'humain se refermer juste sous son oreille, sur la peau de son cou.

- Alors, Professeur ? On ne se débat plus ?

Et le Professeur, tout en cherchant une issue à cette situation désespérée, se demanda lui aussi sincèrement, si ce n'était pas, au fond, ce qu'il cherchait depuis longtemps...


Alpha - InoculationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant