3 - Le crétin le plus sentimental de tout l'univers

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Le Professeur, écrasé contre la bibliothèque par le poids de l'humain, sentait son cœur battre la chamade. Le numéro AL-340, un mauvais sourire aux lèvres, reporta son attention sur le visage contracté de sa victime :

- Je ne pense pas une seconde que le colonel Laned soit particulièrement heureux d'apprendre ce que vous avez fait, Professeur. Lui qui porte sur ses épaules la responsabilité militaire de tout ce glorieux établissement !

- J'ai seulement voulu...

Alpha s'appuya davantage contre l'humanoïde, ses doigts se pressant à nouveau de façon plus insistante sur l'entrejambe de ce dernier. Le jeune scientifique avait si peu l'habitude de ces sensations que cela lui coupa la parole. L'humain eut un nouveau sourire, il voulut à nouveau ajouter une remarque ironique concernant la profonde naïveté de l'Akaïa, mais quelque chose lui ôta les mots de la bouche. L'air à la fois furieux et scandalisé, le Professeur avait relevé la tête. Des larmes de rage couraient le long de ses joues. En secouant la tête, il murmura, désespéré :

- Vous allez vraiment me violer...

Ce n'était même pas une question rhétorique. Le numéro AL-340, très surpris, prit le temps de la réflexion, avant de décider que, s'il était parfaitement capable de tuer un Akaïa de sang-froid, il n'était pas tombé assez bas pour abuser de l'un d'eux par la force. Alpha, cessant de sourire, recula, relâchant le scientifique. Les mains sur les hanches, il lui fit face, le détaillant de la tête aux pieds. Le pauvre humanoïde tremblait comme une feuille, le regard toujours brillant de larmes. Comme il devait regretter d'avoir cédé à sa candide générosité... Alpha finit par sourire à nouveau, et fit entendre un ricanement moqueur :

- Oh, Professeur, vous êtes décidément à croquer...

L'Akaïa fronça les sourcils et ses joues prirent une teinte vert foncé. Il rougissait à sa manière.

- Allons, soupira le prisonnier en haussant les épaules, cessez de trembler. Je suis exténué, est-ce le lit que vous m'aviez préparé ?

À la grande surprise du Professeur, l'humain désignait le matelas disposé sur le sol.

- Ou... oui...

- Cessez de trembler, le rabroua soudain Alpha. Je ne vais pas vous violenter. Je veux me reposer.

- Il y a des couvertures, répéta l'Akaïa d'une voix blanche.

Il n'avait toujours pas bougé de la place où AL-340 l'avait embrassé. Il regardait le sol, concentré pour garder sa voix stable. Il avait très peur, et l'humain pouvait parfaitement le sentir. Moqueur, Alpha eut un petit rire :

- Merci, j'ai vu.

Puis :

- Vous êtes certain que vous travaillez ici en tant que scientifique ? Ou bien vous êtes un technicien de surface qui adore les jeux de rôle ?

Un lourd silence suivit cette question. Le Professeur n'avait pas le cœur à goûter la plaisanterie.

- Détendez-vous, Professeur, j'ai dit que je ne vous ferai pas de mal.

Alpha repéra, à la tête du matelas, un sandwich lyophilisé que l'humanoïde avait sans doute acheté à la buvette du laboratoire – il suffisait d'ouvrir le plastique de contention pour que l'eau contenue dans l'atmosphère fasse gonfler le sandwich, dont le goût était, il est vrai, discutable. Un siphon d'eau purifiée avait été posée à côté.

- Pour moi, tout ça ?

L'Akaïa ne bougeait toujours pas, il ne disait rien. L'humain finit par hausser les épaules. Ce jeune humanoïde devait lui en vouloir horriblement, mais s'il le dénonçait, il risquait fort de se voir lui-même exécuté d'une balle dans la tête par le colonel Laned.

Alpha - InoculationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant