Cela faisait trois mois que le Professeur avait accepté Alpha comme colocataire. Trois mois qu'Alpha et lui cohabitaient du mieux possible. Trois mois pendant lesquels l'Akaïa et l'humain, chacun à leur niveau, chacun de leur côté, progressaient dans leur plan d'action pour prendre la fuite dans les conditions les plus sécurisées possibles.
Trois mois étranges, au cours desquels le scientifique attendait, à mi-chemin entre l'anxiété et une excitation absolument nouvelle et étrange. Il ne savait pas ce qu'il attendait exactement, mais ce qu'il attendait ne venait pas. Alpha s'obligeait de son côté à ne pas poser la main sur le Professeur. À ne pas le provoquer ou lui faire le moindre mal. Il en brûlait d'envie, pourtant. Il avait terriblement envie de cet être sensible, quitte à lui faire du mal – et il le savait. L'humain avait parfois besoin de serrer les poings pour se souvenir de réfréner ses pulsions. Comme ce jour où le Professeur rentra de trois jours d'évaluation d'un vaisseau-cargo dont le bouclier de défense avait été ruiné par une attaque pirate.
- Professeur ? fit Alpha qui était en train de faire des pompes au-dessus d'un manuel de pilotage de vaisseau amiral akaïa. Comment s'est passée votre mission ?
- Bien. Je... j'ai trouvé... il fallait que je vous le dise plus tôt, mais...
L'Akaïa ouvrit un large screenfilm, un écran de l'épaisseur d'une feuille de papier et de la taille d'une taie d'oreiller. Le prisonnier fronça les sourcils et s'essuya le front avec une serviette en microfibre sur laquelle le scientifique avait un jour distraitement griffonné quelques formules extrêmement complexes qui devaient entrer dans la composition d'un gel permettant d'activer la dédifférenciation cellulaire humaine dans le but d'activer ce que le jeune extraterrestre nommait avec un petit air sérieux la « surcicatrisation ». Ce gel, au contact de n'importe quel tissu – amas de cellules différenciées – pouvait reconstituer localement la lignée cellulaire contre laquelle il était mis en contact. Au contact d'un organe, le jeune prodige espérait un jour réussi à reconstituer, par simple contact, des portions complexes du dit-organe. Le Professeur s'était inspiré des idées du pôle Recherche cosmétiques, qui avait été le dernier à tester sur Alpha. Il avait sublimé ces idées. La formule n'était pas parfaite, mais elle fonctionnait déjà bien sur les cellules composant les plans épidermiques à musculaire. Les neurones répondaient très mal aux tests, mais le Professeur n'avait pas perdu espoir. De petits mammifères extraterrestres en avaient fait les frais.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Attendez que le document se charge ! siffla le Professeur d'un ton bien plus acide qu'à l'ordinaire.
- Je parlais de ceci.
Alpha, prenant garde à ne pas effleurer la peau de son colocataire improvisé, pointa du doigt une auréole violacée qui s'étendait juste sous l'oreille. Le Professeur bondit, manquant de déchirer le fin screenfilm et repoussa l'humain sans ménagements.
- N... non ! Ne me touchez pas !
- Je ne vous ai pas touché, répondit avec calme Alpha, qui était resté assis sur un tabouret pour observer le travail du scientifique.
Le jeune Akaïa s'était détourné pour frotter la marque sous son oreille avec une telle frénésie qu'il se griffa la peau. Son compagnon ne fit pas un geste. Il observait.
- Vous m'avez touché.
- J'ai fait très attention à ne pas vous toucher, justement.
- Vous m'avez... touché !
Le Professeur tremblait de rage. Il n'aurait pas dévisagé Alpha autrement s'il souhaitait sa mort. Ce dernier croisa les bras et inclina la tête :
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Alpha - Inoculation
Science FictionSci-Fi. Le peuple des Akaïas a écrasé l'humanité et un homme rebelle est tenu captif dans un laboratoire pour y subir des expérimentations. Un jeune scientifique apitoyé accepte de le faire sortir de sa cage, mais il ignore qu'il vient de libérer un...