1- L'enflammée Cali

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— Viré ? Mais... Mais votre Altesse, balbultia le vieil homme, les yeux ronds comme des pleines lunes, je ne suis votre précepteur que depuis une semaine et...

— Et félicitations, vous avez déjà réussi à m'agacer. Moi qui pensais que n'importe qui pouvait rendre passionnant un cours sur la diversité du monde ombrumien. Visiblement, je me suis trompée. Vous êtes ennuyeux à mourir !

En réalité, si Calissa avait décidé d'accorder à son nouveau professeur le plus long congé de sa misérable existence, c'était -comme toujours -pour un garçon. Un sang des plus purs : le prince des phénix.

Sans prendre la peine de saluer le vieux croulant, elle se précipita vers la sortie, veillant d'un œil attentif à éviter les domestiques qui avaient encore l'audace —ou la malchance — de croiser son chemin. Une fois la voie libre, elle s'enfuit par le plus sombre et étroit des couloirs, puis regagna l'extérieur.

Le soleil tapait si fort qu'il devenait difficile de regarder devant soi. Pourtant, en plissant les yeux, Calissa distingua une silhouette sombre et élancée.

— Adrian ! s'exclama-t-elle en courant vers lui, au risque de salir le bas de sa robe de soie.

La perfection. Rien ne décrirait mieux le physique de l'héritier des Wallfire, la dynastie Phénix. Des cheveux bruns comme le bois, des yeux aussi doux que le miel et un sourire à faire fondre la moitié des femmes -et sans doute quelques hommes-de son royaume.

Non, Calissa avait pioché la bonne paire en choisissant ce phénix comme ami. Et petit copain non officiel.

Non officiel dans le sens où Adrian comme elle savaient que leur relation ne durerait pas.

Pourquoi ? Parce que leurs parents avaient omis -refusé ? -de les fiancer à la naissance. Ils auraient pu rectifier cette erreur dès leur entrée dans le monde : à leur tout premier bal, à leur premier banquet. Finalement, ils avaient rendu leur jugement : le futur époux de Calissa serait de sang dragonien.

Quant à la promise d'Adrian, le roi et la reine Phénix attendaient sans doute sa seconde vie pour la désigner.

Quasiment immortels, les hommes phénix se consumaient à l'âge de cent ans. Leur peau ridée, leurs muscles fragiles comme du verre et leurs yeux fatigués s'effaçaient dans la cendre. Du vieux, renaissait le neuf.

Un bébé, qui ne recouvrait ses souvenirs qu'à sa majorité. Peut-être plus tôt pour les plus ingénieux.

Quel casse-tête, soupira Cali en enlaçant son ami de ses bras hâlés.

Elle en profita pour humer le parfum floral qu'il dégageait.

— Mes parents sont chez les fées. Ce qui veut dire que le palais, et ma chambre en particulier sont libres pour tous.les. Deux, lui apprit-elle, deux doigts gambadant lentement sur son bras sculpté.

Mais le sourire d'Adrian se rompit. Il fronça les sourcils.

— Tes parents, oui, mais le château n'est pas vide.

Quel scandale cela serait ! Si quelqu'un apprenait que la princesse aînée avait trompé son fiancé avec... Une Ombrume à plumes, Cali pouvait dire adieu à sa liberté. Et bonjour aux serrures blindées jusqu'à ses deux cents cinquante ans.

Son fiancé, Edward, était un dragon «exemplaire » , pas idiot, diplomate mais terriblement banal, ce que la jeune dragonne avait plus d'une fois remonté à ses chers parents.

Pitié, je mérite mieux... Elle préférait encore se tailler les griffes plutôt que supporter une vie aux côtés de ce dictionnaire ambulant.

Brun Cannelle (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant