10- Tomber Amoureuse

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— Je suis honorée de votre présence, souligna Tilly en engageant une révérence.

Adrian la jaugea d'un air renfrogné, tandis que ses parents pénètraient déjà dans la salle de réception, sans répondre à leur hôtesse. De tous les convives, le jeune prince  était celui qu'elle redoutait le plus. Car il connaissait Cali mieux que quiconque.

Or quand son regard s'éleva par dessus son épaule, Tilly comprit que ce n'était pas elle la cible de ses accusations. Mais Edward.

Adrian serait-il un prince... Jaloux ?

— Moi de même, princesse Calissa, répondit-il dans un brillant sourire.

Une simple politesse. Puisque lui aussi s'eclipsa dans la grande salle, où flûtes d'ambroisie et breuvages épicés avaient déjà été servis. Les épaules de Tilly se relachèrent, et Edward souffla par dessus son épaule.

— Tu t'en sors très bien, mon cœur.

Il n'eut cependant pas le temps de déposer un baiser sur sa joue, qu'un nouveau couple entra : le roi et la reine des vampires, accompagné de leur fils unique.
Tilly les aimait bien : ils ne s'encombraient peu souvent de manière, et parlait avec franchise.

— Calissa, comme tu as grandi ! s'exclama la reine Ewilona en l'enlaçant, et la dragonne manqua de trébucher sous sa force surnaturelle. Mais où est ta sœur ?

Pour parfaire sa ressemblance avec sa jumelle, Tilly n'avait eu qu'à modifier deux traits physiques : couper ses longs cheveux bruns et se poudrer davantage le nez, pour masquer une cicatrice qu'elle s'était faite en volant trop près des branches. Pour le reste, seule son attitude couvrirait la supercherie.

— Tilly... euh, elle est dans sa chambre. Je suppose.

— Je peux aller la voir ? s'enquit-elle, une lueur joyeuse brillant dans ses yeux lavandes.

— Oui, moi vouloir voir Tillyfia ! s'exclama  le petit prince en battant des mains.

Si Tillyssia s'entendait bien avec une ombrume, c'était la reine Ewilona, ou par extension son fils Simon. Petit ange blond, le prince de cinq printemps, contenait bien plus d'énergie que dix fées réunies.

— Votre Majesté, rattrapa Edward, sentant  la situation échapper à sa petite amie, le roi Emiguel m'a informé que le ballet allait bientôt débuter. Son altesse Tillyssia nous rejoindra tout à l'heure. Je peux emmener le jeune prince à l'espace réservé aux enfants si vous le souhaitez. Les jeunes fées sont déjà arrivées.

Le roi des vampires hocha la tête, mais refusa la proposition. Simon s'était déjà précipité vers Fly, le petit dernier de la fratrie des fées.

— Merci... souffla Tilly une fois les buveurs de sang partis.

— À quoi servirai-je si je ne pouvais pas épauler ma... fiancée?

La princesse se sentit rougir. Bien des fois, elle s'était imaginée à la place de sa sœur, aux côtés du beau Edward. On les félicitait pour leur future union,  on les couvrait de présents —qu'Edward refusait poliment sans doute pour embêter sa fiancée. Calissa recevait d'emouvantes lettres, et au milieu de tout ça, personne ne se doutait un seul instant que le mariage n'était qu'une vaste blague.

— Tous les invités sont arrivés. Tu as fait le plus dur, la réconforta le beau dragon. On pourrait se détendre un peu tous les deux. Je connais un endroit fabuleux, où personne ne nous verrait. Tu viens ?

Elle jeta un coup d'œil à la salle de réception. Entre éclats de rire, et retrouvailles, peu se seraient souciés de converser avec la jeune princesse. En revenant, Tilly n'aurait qu'à prétendre qu'une de ses broches s'était cassée, ou qu'il avait fallu changer de parure.

—Ferme les yeux, lui murmura-t-il, d'un ton sensuel.

Alors, se laissant guider, elle lâcha prise. Les mains d'Edward se glissèrent autour de sa taille, et il posa son menton contre son épaule.

— Tu es prête ?

Elle hocha la tête. Il claqua des doigts, et une agréable chaleur les enveloppa. Si Tilly avait ouvert yeux, elle n'aurait rien pu observer d'autre qu'une brume bleutée, au parfum de cannelle et de chocolat chaud. Les dons de téléportation d'Edward étaient ainsi fait : de merveille et d'enchantement.

Pour un demi sorcier, c'était une prouesse. Certains n'arrivaient même pas à s'envoler sur un balai, alors malgré la modestie dont il faisait preuve, Tilly savait que son petit ami valait de l'or.

—Je peux ouvrir les yeux ? demanda-t-elle alors qu'une brise légère lui caressait le cou.

—Pas encore.

Ils montèrent quelques marches, et le grésillement d'une porte de fer lui indiqua qu'il se rapprochait de l'extérieur. Elle serra la main rassurante de son bien aimé.

— Nous ne sommes plus dans le royaume des dragons. Il va faire un peu froid, j'ai pris un châle pour toi. Mais si ce n'est pas suffisant, je peux te réchauffer.

Elle releva la commissures de ses lèvres, tentée. Puis, ils s'arrêtèrent, et elle put  découvrir la vue qui s'offrait à elle.

D'ici, le monde des ombrumes se dévoilait. Des milliers de lanternes volaient au delà de la vallée des fées, comme un champ de fleurs éternel. À l'ouest, un manteau blanc masquait les routes, écaillé par les rochers gris des contrées des loups garous. De grands château les saluaient, et Tilly peina à tous les reconnaître, elle qui mettait si peu le pied dehors.

Puis,elle pencha la tête, les coudes sur la balustrade blanche — qui heureusement pour elle était réchauffée par un sortilège.
Des citrouilles reposaient encore, dans le royaume le plus proche — celui des sorcières— perchées sur des bottes de pailles gelées.

Rien ne surpassait la hauteur de leur tour, si ce n'était les glaciers monstrueux qui piquaient le ciel, peuplé d'étoiles.

— Edward, c'est magnifique.

— C'est drôle, je me disais exactement la même chose.

Soufflant ce mot, il avait tourné la tête vers elle, la laissant plonger dans ses émeraudes. Ils se rapprochèrent et s'echangèrent un baiser. Timide d'abord, puis plus insistant.

Sa douceur  l'enivra et lui fit oublier le vent frais qui commençait déjà à engourdir ses bras. Elle appuya ses mains contre sa nuque, il agrippa sa taille, prolongeant un instant de plus leur baiser.

Elle se cambra légèrement, bercée dans ses bras. Il se pencha vers elle, une lueur brûlante dans ses yeux amoureux. Elle songea à aller plus loin, portant un regard  vers la porte où le froid ne les hanterait plus. Mais, soudain, il s'arrêta.

L'éclat de ses yeux s'éteignit. Son sourire s'effaça.

Et la balustrade céda.

Emportant Tilly avec elle.

Brun Cannelle (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant