8- Hiver D'enfance

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— Votre altesse ? Votre Altesse ! Réveillez-vous, tonnait une voix  comme un tambour.

Les dragons ne supportaient pas la neige. Alors quand Calissa aperçut deux épaulettes  de sable blanc  sur le dos du jeune garçon, elle manqua de crier de tout son soûl. Il n'aurait fallu qu'un infime contact avec lui, pour geler et perdre l'usage de ses doigts.

Or Terence s'epousetta l'épaule et la poudreuse tomba comme de la semoule sur le sol. Si la princesse essaya de se relever à son tour, elle retomba en arrière, les mains liées par une corde rêche.

— Je ne sais pas ce qu'elle nous a fait, chuchota-t-il en tentant de défaire les liens qui entravaient les délicats poignets de Calissa, mais c'est comme si...on avait perdu nos pouvoirs.

En effet, une simple flamme aurait consumé sans soucis ses chaînes végétales, toutefois aucune ne se décida à jaillir de ses doigts menus. Impossible que cet écart ne soit du à l'inconfort de sa situation : Calissa manipulait les flammes presque aussi bien qu'elle respirait.

Non. Le paysan semblait avoir raison, et c'était bien ce qui l'inquiétait. Sans magie, pas de transformation en dragon (pour lui) . Pas de porte de sortie.

Enfin, le noeud céda, et Calissa put enfin tendre les bras. Néanmoins, sorti de son état vaseux, un détail l'intrigua.

—Pourquoi n'êtes vous pas ligoté ? demanda-t-elle la voix encore un peu pâteuse.

—Je ne l'intéressais pas... Quand vous vous êtes endormie. J'ai suivi la magicienne, parce que... elle ne m'inspire pas confiance.

Oui, on donne rarement sa confiance aux personnes qui assoment et ligotent des princesses, je comprends, c'est tout à fait cohérent.

— Vous pourriez nous guider vers la sortie ?

Elle s'attendit à une réponse cinglante, du style : Vous pourriez réembaucher mon père ? Elle l'aurait mérité, et bien qu'elle se forçat à ne pas le montrer, elle se sentait un peu honteuse de s'être retrouvée dans cette situation.

Sauvé par un paysan... Quelle humiliation. Encore si le beau prince Adrian avait rassemblé des troupes pour lui venir en aide, elle aurait pu trouver cela un minimum chevalesque.

Ici , non seulement elle ne pouvait pas se libérer toute seule, mais en plus son héros n'avait rien d'un tant soit peu séduisant.

Tandis qu'il la laissait s'appuyer contre ses épaules pour affronter ses nombreux vertiges, elle put le dévisager de plus près.
En fait, elle se trompait : sans la poussière folle qui lui maquillait le visage, ses traits dégageaient quelque chose de plutôt ... mignon.

— Vite, ne tardons pas, elle pourrait revenir, somma-t-il, j'ai laissé des branches et cailloux noirs sur le trajet, s'il n'a pas neigé par dessus, on devrait rentrer dans votre royaume.

Calissa ne répondit rien, et se hâta de le suivre. Des milliers de cristaux clignotaient sur le plafond pentueux qui les surplombait. Un ciel fictif que Calissa se surprit à contempler au lieu de fixer le chemin qu'il empruntait.

« Cali, attends moi !  »

— Vous avez entendu ? s'alarma-t-elle.

Terence se retourna, l'air perplexe.

— Entendu quoi ?

« Cali, ne t'en va pas sans moi !  »

Une enfant l'avait appelée. Les parois s'habillèrent de rouge, d'orange et de mauve, comme un troublant jeu de lanternes et de lumières. Cali se statufia, quand son image apparut, collée contre le mur.

— Votre altesse, allons nous-en, c'est sûrement un piège, affirma le paysan, prouvant à la jeune princesse qu'elle n'avait pas cédé à la folie.

Mais elle ne pouvait pas obéir. Parce qu'elle n'obeissait à personne. Parce que ce souvenir faisait remonter en elle, une profonde douleur.

Comment avait-on pu le projeter ? Par quelle magie ?

Calissa avait alors douze ans.

« — Je veux savoir, Tilly. Mais j'irai sans toi. Reste avec tes parents. 

Or, sa sœur l'avait retenue par le bras, peu décidée à la laisser commettre une bêtise.

— Nos parents, rectifia-t-elle. Ne les écoute pas, s'il te plaît. Ce sont des idiots.

— C'est notre peuple...

Une flammèche s'était libérée de sa paume , et Cali s'était enfuie en courant, la tête sous un chaperon de soie. Dehors, au loin, dans un autre royaume, la neige avait commencé à tomber.  »

Le brouillard masqua la scène. 

— Allons nous en, insista Terence, manquant de la frôler.

La princesse ne l'écouta pas. Elle rebroussa chemin, s'enfonçant un peu plus dans la grotte, où une nouvelle fresque rayonna.

« Cali ! Cali! Où es-tu ?

Sous une lune ronde, des chevaux henissaient, deux loups reniflaient à gauche et à droite d'un carrosse roulant avec difficulté sur les graviers. À l'intérieur, le roi Emiguel et la reine Enora se tenaient l'un contre l'autre, à l'abri du froid de dehors. L'inquiétude marquait leur visage, comme à la craie.

— Emiguel, regarde là.

Cali ne se souvenait pas de ce moment. Du peu qu'on lui avait raconté, on l'avait secourue. Elle avait côtoyé la mort, secoué le château tout entier par sa disparition, et reflété dans les yeux de son père une immense déception.

La vision sembla confirmer tout ça. Puisque sur le mur bossu, face à elle, une jeune Calissa, âgée de douze printemps, était étendue sur le sol gelé.

Ses parents l'avaient retrouvée, au cœur de la montagne des reines. Immobile .

Enora était sortie. Puisqu'aucun flocon de neige ne couchait sur le sol, elle avait traversé, un lourd manteau de fourrure sur les épaules. Elle avait pris sa fille dans ses bras, constaté avec effroi ses lèvres violacées, son teint cireux.

Soudain, elle avait secoué la tête, comme frappé de folie. Le nom de Calissa avait été appelé, répété, saccadé sous la brise glaciale. Les larmes étaient montés sur ses yeux châtaignes. Elles avaient dévalé ses joues, et roulé jusqu'à terre, accrochant les cailloux sous formes de gouttes de cire .

Le  roi s'était approché lentement, attendant, anxieux, le verdict de son épouse.

—  Cali... Elle... Elle Ne respire plus.  »

** *

Bonjour à tous, pas de jeux aujourd'hui ^^
Le prochain devrait demain ^^.

Merci à tous de suivre cette histoire et pour votre soutien.

Des bisous 😘❤️


Brun Cannelle (terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant