— Votre Altesse, Sa Majesté votre père est injoignable, tous les téléporteurs sont privés de magie. Quels sont vos ordres ? la pressa un garde,lance en main comme s'il s'apprêtait à terrasser le monstre neigeux qui grandissait dehors.
Tilly hoqueta. Ses ordres ? La princesse avait toujours pensé que jamais elle n'aurait à donner de directives primordiales . Il lui arrivait parfois de s'intéresser à la politique, de parier sur les paroles de sa sœur ou de ses parents —une activité dans laquelle elle était devenue excellente —, ou encore de disputer une partie de brumes et épées, le plus grand jeu de stratégie en vogue du pays.
En résumé, rien ne la prédisposait à gérer une telle crise.
De son côté, Adrian soupirait. Il roula, des yeux et s'échappa à pas rapides. Stupéfaite, Tilly le regarda s'en aller sans dire un mot. Était-ce une habitude Phénix de s'éclipser au moindre problème ?
— Votre Altesse, insista le garde.
— Euh... Vous avez fermé toutes les issues ?
Il acquiesça.
— Aucun dragon n'est à l'extérieur ?
— Un recensement sera fait d'ici quelques minutes. Devons nous prévenir les fées, les vampires, les phénix ? Expliquer la situation aux invités ? Devons nous annuler les festivités ?
Alors qu'Edward la soutenait toujours par les épaules, Tilly sentit une douleur au crâne la lancer.
L'air s'extirpa de ses poumons. Elle posa une main sur sa poitrine, se courba, prit appui sur ses genoux tandis que son petit ami lui faisait face.Il faut pas que je m'écroule. Il ne faut pas que je m'écroule. Je dois rester forte.
— Mon amour, murmura Edward alors que sa vue se troubla.
— Votre Altesse... amorça le garde, sans qu'elle ne sache s'il s'inquiétait de son état, ou bien de celui du royaume.
Inspire. Expire. Doucement.
Ainsi, les couleurs revinrent sur son visage, et l'oxygène dans sa gorge.
— Avant tout, dicta-t-elle, étourdie. Distribuez des couvertures à tout le monde. Assurez vous que... le personnel, et les invités soient en sécurité —Elle reprit son souffle —même les plus robustes. On ne sait pas combien de temps va durer la tempête. Que...Que tout le monde se réfugie dans ses appartements.
Ses membres tremblaient, sa voix tressautait, mais l'unité de la garde royale comprit, et partit exécuter ses ordres.
Enfin, elle se redressa.
—Attendez ! appela-t-elle et le dernier soldat de la troupe se retourna. Sonnez la corne de brume.
Ce signal d'alarme, réduisait à néant l'espoir que la nouvelle échappe aux oreilles de sa mère. Tant pis, songea Tilly. Le peuple devait se protéger, avant que la neige ne se diffuse jusqu'à leur village.
Si ce n'était pas déjà le cas...
Elle suivit elle même ses propres instructions, et s'engagea seule dans ses appartements royaux. Edward était parti quérir l'avis de sa famille. Il lui avait laissé un baiser dans le cou, et une dose de courage dans le cœur.
Tilly n'avait rien montré, mais un noeud lui avait serré la gorge. Cali n'était toujours pas revenue. Les espions chargés de la ramener, non plus.
Si aucun d'eux n'était dragonien, la jeune dragonne s'inquiétait que le vent ne les emporte, ne les griffe ou ne les statufie. Qu'en savait-on ? En quelques minutes, la fine pluie de flocons s'était métamorphosée en fontaine glacée. Les premiers rapports annonçaient que la poudreuse arrivait aux mollets des chevaux. Les palefreniers, les jardiniers et les ramoneurs avaient été rapatriés à l'intérieur, certains blessés, tous terrifiés.
Les minutes passèrent. La princesse n'avait cessé de guetter le moindre rideau à refermer, de distribuer des couvertures aux domestiques —parfois les siennes— et d'allumer des chandelles. Près du grand salon où une partie des convives dragoniens avait été invitée, un feu brûlait dans l'âtre de la cheminée.
— Votre Altesse, revint un garde, essoufflé, et la jeune ombrume le prit à part pour n'inquièter personne. Outre l'escorte de sa Majesté votre père, il manque trois personnes : une palefrenière... votre sœur, Tillyssia...
Calissa...
— Que... Que personne ne sorte la chercher, balbultia la princesse. Elle... s'en sortira. Elle s'en sort toujours.
— Votre Altesse... tenta le garde.
— Je sais qu'elle est votre princesse mais le roi comprendra. J'en assume la responsabilité.
— Votre Altesse...
—Personne ne doit se perdre dans la neige. Pas même les non dragoniens.
Cali va s'en sortir. Cali va s'en sortir.
— Princesse Calissa ! insista le garde, en haussant la voix . Votre fiancé, Edward n'est plus dans le château.
Et avant que Tilly ne puisse digérer l'information, une dizaine de bougies s'éteignirent.
Dans la pénombre, des arabesques givrées s'emparèrent des vitres.
VOUS LISEZ
Brun Cannelle (terminée)
FantasyPersonne ne peut oser dire non à la princesse Calissa, première fille du roi des dragons. Personne ne peut envisager lui tenir tête Personne ne peut espérer la rabaisser. Du moins, c'est ce que Calissa croyait. Jusqu'au jour, où une étrange let...