Brun Cannelle (terminée)

20- Le Couronnement

Le mont de cristal. Calissa avait pu le reconnaître à son dôme de  pierre. Il contenait douze portes, toutes marquées par un symbole.

Sur celle qui intéressait la jeune fille, un dragon rayonnait d'une lumière ocre grésillante, tandis que le bas de la porte piétinait dans la neige.

Cali frissonna. Sans sa seconde peau de feu, qui liquéfiait le poison blanc, un pas l'aurait gelée.

Elle entra. La majestueuse table , qu'elle avait connu enfant, était à moitié couverte de givre. Et au fond, claquant des dents, son reflet lui faisait face.

— Tilly! s'épouvanta - t-elle. Qu'est ce que tu fais là ?

Vêtue d'une fourrure d'ours, la princesse se tenait les coudes. Elle avait allumé un feu de bois, bien faiblard face à la brise glacée qui régnait ici.

Lorsque Calissa approcha, sa sœur soupira d'aise.

— L'enfant Lune m'a tout raconté. Quand nous étions petites, Maman t'a offert une partie de sa flamme. Mais maintenant, il faut que tu montes sur le trône, ou elle périra et...

Cali s'agenouilla.

— Doucement, doucement. Comment es-tu  montée jusqu'ici ? La neige aurait pu te tuer.

En première réponse, Tilly posa une main sur la sienne, un air doux sur le visage.

— L'enfant Lune m'a téléportée jusqu'ici.

L'enfant Lune ? C'est qui ça encore ?

— C'était de la folie,Tilly, fit-elle d'une voix posée comme si elle s'adressait à une démente—et elle doutait que sa sœur ne le soit devenue un peu.  Qu'importe qui est cet Enfant Lune, il n'aurait jamais dû te faire venir ici.

— C'est le fils de la Déesse Lune, clarifia sa cadette. Ne le blâme pas. Je l'ai forcé à m'emmener ici.

Où tirait-elle son imagination ?

— Forcé, c'est bien le mot, approuva une silhouette en traversant une porte.

Elle portait un masque d'argent, et une cape noire, brodée d'une étoile. Cali aurait pu croire qu'un être mystique était bien apparu sous le dôme si elle n'avait pas reconnu la cape de sa jumelle. Cette dernière l'avait cousue elle même, et bien qu'elle ne la porte que rarement, Calissa l'avait toujours trouvée plus distinguée que les autres tenues de sa soeur.

— Qui es-tu ? Et pourquoi tu portes la cape de ma sœur, le houspilla-t-elle, en se relevant brusquement.

Après son voyage dans la forêt des mirages, et la vue infâme de Scorpion, plus rien ne l'impressionnait. Encore moins une ombrume mal déguisée.

— Cali, calme toi, l'implora Tilly. Il ne m'a rien fait. Je... je lui ai juste filé un coup de main pour préserver son identité. Il y a plus urgent à faire, tu ne penses pas ?

Tout en se pinçant les lèvres, inquiète, Tilly désigna le givre qui grimpait contre un tas de bois, avant d'escalader les pieds de la table.

— Ce n'est pas un hasard, ou l'œuvre de la Lune, si l'hiver n'a jamais lieu ici. C'est grâce à mère.

Le jour de son couronnement, la nouvelle reine des dragons se rendait au sommet du mont de cristal pour la cérémonie d'intronisation. Ses cheveux étaient tressés d'or, et sa peau maquillée de diamants. Calissa se souvenait encore des peintures de leur mère, parsemant les couloirs de leurs appartements : elle ressemblait à une nymphe. Radieuse et solennelle.

Pour cet événement, une seule règle importait : la cérémonie devait avoir lieu de nuit.

L'intronisation offrait à la reine des pouvoirs divins : un feu plus fort, et un vol plus rapide. Calissa avait entendu bien des rumeurs sur l'éclat des écailles de sa mère, ou l'extraordinaire muraille de feu qu'elle avait un jour érigé pour combattre toute une armée de gorgones.