Chloé est rouge de honte à la caisse. Je la suis, ne voulant rien rater de la scène. La caissière fait passer les sous-vêtements en silence, jusqu'au fameux tâché de sa mouille.
Ses doigts rencontrent le tissu humide, elle fronce les sourcils, regarde Chloé qui, cramoisie, fixe ses pieds, puis moi qui lui adresse un nouveau clin d'œil. Un sourire en coin étire son visage, elle passe l'article et je la vois renifler rapidement ses doigts sans me lâcher du regard.
Intéressant, il faudra sans doute que je revienne par ici.
Ses achats dans un sac qu'elle porte elle-même, Chloé me lance un regard interrogateur, curieuse — et sans doute inquiète — du reste de notre périple.
-Maintenant il te faut des chaussures, elles seront déterminantes pour ton nouveau style. Il y a quelque chose qui te ferait plaisir ? Un plaisir coupable auquel tu n'as jamais osé succomber par manque de courage ?
La damoiselle regarde ses baskets blanches usées, elle hésite un instant.
-Des bottines. Mais pas avec de gros talons, je ne sais pas marcher avec.
J'hoche la tête.
-C'est un bon choix.
J'aime beaucoup les chaussures de femmes, et les bottines figurent parmi mes préférées. Encore une fois je suis légèrement surpris parce que Chloé sait ce qu'elle veut. En définitive, j'en viens à penser qu'elle l'a toujours su mais qu'elle n'a jamais osé se donner les moyens de réaliser ses envies.
C'est un peu l'histoire de sa vie. Des désirs et de la frustration.
C'est aussi pour ça que je suis là après tout : si la damoiselle pouvait se débrouiller toute seule je ne servirais à rien.
Mais pour le moment Chloé a encore besoin de moi et je compte bien mener ma mission à bien.
Je pénètre dans le magasin de chaussures tel un enfant dans un parc d'attraction, avec les yeux pleins d'étoiles. Tant de modèles à essayer, mais pour le moment je laisse la damoiselle y aller à son rythme. Elle parcourt les rayons, repère plusieurs articles qui lui plaisent et je me charge de porter les boîtes.
Je vois son regard s'arrêter sur une paire de bottines en cuir noir, avec une petit chaîne en argent et une boucle qui la ferme, un talon large et petit, tout ce qu'il faut pour une débutante.
Elle la fixe, rêveuse, avant de se détourner pour s'en aller. Dubitatif, je décide de la prendre quand même et l'accompagne jusqu'au siège pour les essayages.
Je découvre alors une nouvelle Chloé, plus naturelle, enfantine, naïve, qui sourit en essayant des chaussures, fronce les sourcils quand ça ne lui va pas, qui marche en levant les bras pour rester en équilibre, insouciante de son entourage.
Quelques minutes plus tard, toutes les boîtes sont éventrées autour d'elle et mademoiselle semble insatisfaite. Elle se mord la lèvre inférieure et contemple les modèles essayés, sans qu'aucun ne trouve grâce à ses yeux.
-Je le savais, finit-elle par dire avec une pointe de tristesse, il n'y en aucune qui me correspond. Je ne suis pas faite pour ce type de chaussure.
Je glousse et m'agenouille devant elle.
-Panique pas Cendrillon, ton prince va trouver chaussure à ton pied. Tu n'as pas essayé le bon soulier, c'est tout. Laisse-moi faire.
Chloé me regarde avec incompréhension. J'ouvre la dernière boîte, en sors une des bottines sous ses yeux écarquillés et attrape son mollet. Je pose son talon sur mes genoux et, délicatement, je saisis sa cheville pour insérer son pied dans la chaussure.
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On l'appelle Mephisto
RomanceEn chacun de nous sommeillent des désirs que l'on fait taire, par peur de ce qu'ils pourraient dire de nous. Des désirs qui nous font frémir mais que l'on n'ose pas assumer, des envies qui nous dévorent et que l'on se résigne à enfouir pour toute un...