4. Trahison

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GIAN


La vision légèrement brouillée par la quantité d'alcool dans mon sang, je repose maladroitement mon verre sur la table en marbre et rejette la tête en arrière.

La musique tambourine dans mes oreilles et le champagne inonde mes veines. Je me sens bien, le cul enfoncé dans un canapé en cuir et le corps flottant sur un petit nuage. Petrucci a mis le paquet pour nous accueillir : depuis deux heures, les danseuses se relaient incessamment et les spectacles qu'elles nous offrent rivalisent d'originalité et d'obscénité.

A mes côtés, Lev a un visage de bienheureux. Nonchalamment alangui contre le dossier du canapé, il dévore du regard une jeune fille blonde qui ondule lascivement sur ses cuisses. Au début, j'ai été surpris de voir de telles expressions sur son visage ; je pensais que ce con de Russe resterait aussi glacial que le climat de son pays, quelle que soit la situation. Mais visiblement, le facteur féminin a eu raison de lui, et même si son visage reste peu expressif, ses yeux brillent de luxure et ses lèvres sont étirées en un petit sourire provocateur.

Son regard croise le mien et nous nous adressons un rictus complice. Je suis étonnamment bien. La pression d'avoir à négocier avec Petrucci retombe doucement et cette redescente d'adrénaline me met dans un état second accentué par les verres d'alcool qui s'enchaînent entre nos mains.

Tout à coup, la musique change, se fait plus voluptueuse, et une magnifique femme apparaît sur scène. Elle est grande, sa peau caramel brille sous les néons et son body en dentelle noire met en valeur ses formes généreuses. Je le sais avant même qu'elle s'approche de nous : c'est une oméga. Ses phéromones capiteuses se diffusent dans toute la pièce et sa petite bouche sensuelle se tord en une adorable moue lorsqu'elle me voit.

Je me contente de sourire. L'entraînement de mon père m'a appris à ne pas me laisser déconcentrer par les phéromones d'oméga. En tant qu'alpha dominant, il aurait été trop simple de me faire baisser ma garde ou de m'attirer dans un piège en utilisant une oméga comme appât. Alors, j'ai dû apprendre à contrôler mon corps jusqu'aux tréfonds de mon organisme. Certains jours, mon père me laissait exposé à des phéromones d'oméga pendant des heures, sans que je puisse soulager la tension qui s'accumulait dans mon corps, jusqu'à ce que je me torde de douleur au sol ou finisse par m'évanouir. Petit à petit, j'ai appris à empêcher mes instincts d'alpha de s'éveiller au contact de ces effluves diaboliques, et je suis même parvenu à surmonter ma nature en ne ressentant plus rien du tout. Les omégas ne peuvent pas me perturber. Petrucci et sa tentative de me déstabiliser peuvent aller se faire foutre.

Lev quant à lui, admire longuement la jeune femme, mais, comme je m'en doutais, aucun signe d'excitation animale n'apparaît et aucune phéromone ne se dégage de son corps. Je ne sais pas si je plains ou envie les bêtas : d'un côté, ils sont immunisés contre les éventuelles crises de folie qui peuvent frapper alphas et omégas lorsque les phéromones autour d'eux sont trop entêtantes, mais de l'autre, ils ne connaîtront jamais cette puissance et cette satisfaction propres au fait de posséder en soi le pouvoir d'influer sur les autres. En dépit de toute la souffrance que m'a apportée ma nature d'alpha, je ne renoncerai pour rien au monde au privilège d'avoir une certaine emprise sur les gens grâce à mes phéromones. Et bordel, disons-le, le sexe avec une oméga dont je suis sûr des intentions est tout de même incomparable !

Une forme floue s'agitant devant mon nez m'extirpe de mes pensées. J'ouvre un peu plus les yeux et vois Lev, penché vers moi, qui balance une nouvelle bouteille de champagne devant mon visage. Je souris. Ses yeux glauques miroitent sous les lumières colorées et ses joues ont rougi à cause de l'alcool qui coule dans son sang. Je le trouve moins détestable avec son air taquin et ses cheveux blonds ébouriffés, loin de l'agent du KGB auquel il ressemble habituellement.

Les dents longuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant