12. Possessivité

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GIAN


Je pousse un dernier soupir et serre mon poing gauche contre ma cuisse avant de me décider à enfin ouvrir cette foutue porte.

La chambre est lumineuse, largement éclairée par les rayons du soleil qui réchauffent mon visage et projettent mon ombre sur les murs tapissés de soie. Au fond de la pièce trône un immense lit aux draps blancs qui paraît ridiculement sobre comparé à la décoration qui l'entoure. Le corps dissimulé par la couette et les cheveux éparpillés sur l'oreiller, Lev sommeille paisiblement, une perfusion encore accrochée à son bras droit.

Je tire un fauteuil près du lit et m'y laisse choir en soupirant. Mes yeux fatigués se posent sur le visage de mon associé et je ne peux m'empêcher de ressentir ce putain de malaise en voyant les bleus qui le parsèment et sa lèvre inférieure pleine de sang coagulé.

La balle s'est logée à la base du cou, juste au-dessus de la clavicule, suffisamment bien placée pour n'endommager aucun organe vital, pas assez pour que cela ne nécessite pas une intervention chirurgicale immédiate. Lev en gardera une cicatrice toute sa vie. Et j'espère une douleur assez puissante pour que ce connard ne me refasse plus jamais un coup comme ce soir-là, dans le jardin.

La blessure est telle que je voulais qu'elle soit. Lorsque j'ai tiré, mon bras n'a pas tremblé, mais mon cœur s'est serré. Le choc a obligé Lev à s'éloigner de Dario et j'ai vu son visage se crisper de douleur tandis qu'il portait immédiatement une main à son cou pour tenter d'endiguer le flot de sang qui s'en échappait. C'est à ce moment-là que j'ai croisé ses yeux, ses yeux plein de rage, de surprise et d'un espèce de sentiment qui pourrait s'apparenter à de la déception, mais qui m'a retourné l'estomac.

Pourtant, je n'ai pas flanché. Je me suis contenté de m'approcher de lui, l'air méprisant, et de lui décocher un coup de pied en plein visage, suffisamment fort pour que sa tête s'écrase au sol, avant de tourner les talons et de l'abandonner dans l'herbe, tout sanguinolent, la terre et la sueur formant une couche noirâtre sur son épiderme.

Et maintenant il est là, pâle et gracile, complètement vulnérable dans ces draps d'un blanc cadavérique.

— Tu comptes m'admirer encore longtemps ?

Je manque de sursauter en entendant une voix rocailleuse résonner près de moi. Je pose mes yeux sur Lev et vois les siens entrouverts, encore embués de sommeil et pourtant déjà brillants de vivacité et de cette intelligence méfiante qui le caractérise tant. En dépit de son visage amoché, je ne peux m'empêcher de le trouver beau avec son regard perçant et ses traits nobles qui semblent toujours figés, comme s'il s'efforçait de garder constamment le contrôle de son corps et de ses émotions. Alors pourquoi a-t-il autant vrillé face à Dario ce soir-là ? Bordel, depuis que je le connais, ce mec ne me cause que des soucis.

Mes lèvres se tordent en un rictus moqueur et je rabats mes cheveux en arrière par réflexe.

— T'as une sale gueule, lui dis-je.

— La faute à qui ?

Il grimace légèrement lorsqu'il tente de tendre son bras vers la table de chevet et je le devance pour lui donner la bouteille d'eau qu'il s'efforce d'atteindre. Il l'attrape d'une main légèrement tremblante et je m'oblige à résorber le soupçon de culpabilité qui commence à pointer son nez.

— Tu m'as pas loupé, constate-t-il platement.

Sa voix est plus rauque que d'habitude, à croire que chaque mot racle contre les parois de sa cage thoracique.

Les dents longuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant